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GP de Belgique : Cinq grands prix mémorables qui ont fait la légende de Spa

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 07/09/2014 à 17:49 GMT+2

Spa-Francorchamps figurait au programme du premier Mondial, en 1950. Voici cinq éditions appartenant à l'histoire du Grand Prix de Belgique.

Eurosport

Crédit: Eurosport

1966 : Stewart lance la croisade de la sécurité
Il fait beau sur la grille de départ mais dans la première montée vers les Combes, le piège se referme sur le peloton des intrépides. L'averse qui noie le reste du tracé ardennais de 13 kilomètres expédie Joachim Bonnier, Mike Spence, Jo Siffert et Denny Hulme en tête-à-queue dans la descente de Burnenville. Bonnier a la chance de voir sa Cooper stoppée à temps avant de voler par-dessus un talus mais elle reste en équilibre, en surplomb de plusieurs mètres, roues avant dans le vide… Jackie Stewart traverse avec ses équipiers Graham Hill et Bob Bondurant la scène de désolation mais ne résiste pas à la rivière qui barre Masta Kink, avalé à 280 km/h : sa BRM en perdition démolit une cabane de scieur de bois avant de s'immobiliser dans un fossé, à l'envers.
Prisonnier d'un amas de tôles déformées, bloqué par un volant boulonné à la direction, l'Ecossais va avoir le temps de songer à sa nouvelle grande cause... "Je ne m'étais jamais vraiment intéressé à la question de sécurité, vraiment jamais. J'étais comme tous les autres de ce point de vue-là : je pensais que c'était toujours les autres qui se faisaient tuer. Mais cette fois, c'est moi qui me retrouvais coincé, au beau milieu d'une marre de carburant. J'ai eu tout le temps d'y réfléchir ; environ 25 minutes", se souvient-il. Il réalise surtout qu'il n'y a aucun secours organisé en voyant Hill et Bondurant découper la colonne de direction avec une scie à métaux dégotée dans la boîte à outils d'un spectateur. Et puis, le carburant qui se déverse dans le fossé menace à s'enflammer… "Ça pouvait arriver à n'importe quel moment, et ça m'a mis hors de moi." Dès lors, il demandera à ses mécaniciens de fixer une clé derrière son volant pour le démonter lui-même.
Pas au bout de ses peines, il voit arriver un véhicule dans lequel il est chargé sommairement avant d'être déposé au centre médical... à même le sol, au milieu de mégots de cigarettes et de bouteilles vides.
Pourquoi c'est historique : la naissance d'un contre-pouvoir aux propriétaires de circuits, organisateurs de courses, représentants fédéraux. Stewart, qui avait déjà mis en place avec Louis Stanley une caravane médicale itinérante dont l'accès aux circuits était régulièrement refusé, dénonce systématiquement les insuffisances en matière de sécurité, et exige des basiques qu'il obtient peu à peu. Tout ceci dans une atmosphère d'incompréhension, de défiance, voire de menaces de mort… L'une des avancées majeures sera l'installation de rails en bord de piste. Stewart les fera proliférer.
1995 : la remontée fantastique de Schumacher
En 1962, Jim Clark (Lotus) était parti 13e pour gagner. En 1995, Michael Schumacher (Benetton) fait encore mieux : piégé par la pluie en qualif, il part 16e pour un résultat identique.
Sur une piste humide, l'Allemand pointe 13e à la fin du 1er des 44 tours, pendant que son coéquipier Johnny Herbert met en évidence l'aisance de la B195. Jean Alesi (Ferrari) brièvement en tête, Johnny Herbert reprend les commandes avant de les laisser à David Coulthard (Williams), du 6e au 13e passage. A ce moment précis, Schumi est déjà quatrième, et poursuit son numéro en profitant des ennuis de boîte de l'Ecossais. Au 15e tour, il passe Gerhard Berger (Ferrari) pour devenir le premier poursuivant du leader Damon Hill (Williams). Avant de pointer en tête à la rentrée du Britannique au stand, pour des slicks.
Mais soudain, la pluie rebrasse les cartes et met en lumière deux stratégies : Schumi fait l'équilibriste en pneus pour piste sèche, pendant que Hill prend des "pluie". Rattrapé, il résiste à la Williams jusqu'à sortir de la piste. Mais au retour du soleil, il a la voie libre car Hill est bien obligé de rentrer.
Pourquoi c'est magique : Michael Schumacher repoussant les limites du possible en slick sur une piste humide. Le seul à faire penser aux exploits d'Ayrton Senna dans de telles conditions.
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Michael Schumacher (Benetton) et Damon Hill (Williams) au Grand Prix de Belgique 1995

Crédit: AFP

1998 : Coulthard provoque le carambolage du siècle et la colère de Schumacher
A quatre courses de la fin du Championnat, une certaine tension règne entre McLaren et Ferrari. Le leader du Mondial, Mika Häkkinen, est en pole position devant son coéquipier et allié David Coulthard, tandis que Michael Schumacher (Ferrari) se trouve en embuscade. Surtout, il pleut et à Spa-Francorchamps ce n'est jamais un détail. On s'en aperçoit dès le premier tournant, duquel Coulthard ressort en faisant du ping-pong entre les murs… A droite, à gauche... La visibilité nulle, la panique est totale et le casse gigantesque dans la descente d'Eau rouge : les bolides s'entrechoquent dans tous les sens, dans une déflagration de carbone... Treize voitures cassées, c'est plus de la moitié des 22 au départ et désormais un triste record !
L'ironie est que Coulthard fait partie des rares capables de sauter dans leur monoplace de secours pour se lancer dans une nouvelle course, dont il va définitivement être le chat noir. Sans Barrichello (Stewart), Panis (Prost), Salo (Arrows) ni Rosset (Tyrrell), le grand prix est redonné et Schumacher fait parler de lui en expédiant Häkkinen en tête-à-queue et sur la liste des abandons. De ce chaos, l'Allemand ressort en premier chasseur de Damon Hill (Jordan) et couvert par Eddie Irvine, comme souvent. Et cette pluie qui est toujours là, prête à de nouveaux ravages...
Après six tours de résistance, Hill cède les commandes à Schumi, qui devient magique, à raison de tours bouclés trois secondes plus vite que quiconque. Au 25e tour, il va mettre Coulthard à un tour. Mais, surpris, le pilote rouge percute la McLaren au ralenti. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, Irvine est parti dans le décor et il n'y a plus de Ferrari en course.
Schumacher rentre au stand sur trois roues, bondit de sa Ferrari et fonce vers le stand McLaren. Sa colère est manifeste et ses propos accusateurs : "Putain, tu voulais me tuer !", crie-t-il à l'Ecossais. DC, penaud, explique simplement : "Je ne pouvais imaginer qu'à cause du manque de visibilité engendré par le nuage d'eau, il ne me voyait pas". C'est vrai, dans le tour suivant Fisichella (Benetton) emboutit Nakano (Minardi) de la même façon.
Pourquoi c'est historique : le plus grand carambolage de l'histoire du Mondial. La première victoire de Jordan et la dernière de Damon Hill.
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Michael Schumacher (Ferrari) après son accident avec David Coulthard (McLaren) au au Grand Prix de Belgique 1998

Crédit: AFP

2000 : la manœuvre lumineuse de Häkkinen
Pour la dernière fois de sa carrière, Mika Häkkinen (McLaren) est en pole position et mène les 13 premiers tours (ndlr : le premier sous voiture de sécurité). Il a lui aussi troqué ses "pluie" contre des pneus pour le sec mais, pressé par son rival au Mondial, Michael Schumacher (Ferrari), il part en tête à queue en mordant une bordure humide à Stavelot, et laisse l'Allemand filer dix secondes devant lui. Mais sur une piste devenue sèche, sa MP4 vole, et il opère la jonction.
A cinq tours de l'arrivée, le Finlandais attaque dans Kemmel - la longue montée qui mène aux Combes - et se fait tasser. Un poing émerge du cockpit de la McLaren. Il est rageur mais aussi déterminé… En effet, le Scandinave décide de ne pas attendre et reproduit son attaque, incisive et magistrale, au tour suivant (41e passage). Avec un invité imprévu, le retardataire Ricardo Zonta (BAR). "Dans la descente d'Eau rouge, j'ai vu Schumacher et Häkkinen dans mes rétroviseurs", racontera le Brésilien. "J'ai conservé ma ligne au milieu pour leur laisser la place, j'ai levé le pied et j'ai vu deux missiles me passer de chaque côté". Schumacher à gauche, Häkkinen à droite.
"Je l'aurais de toute façon passé. Mais avec ce retardataire, j'ai bénéficié d'un effet d'aspiration supplémentaire", expliquera Häikkinen, qui sans cette manœuvre aurait perdu sa place de numéro un mondial.
Dans le garage rouge, Schumacher avoue : "Il n'y a habituellement que de la place pour un sur cette piste mais Mika a fait une manœuvre sensationnelle."
Pourquoi c'est héroïque : Häkkinen pas impressionné par Schumacher. La présence de Zonta pouvait être un obstacle dissuasif, le Finlandais en a fait un atout. Un dépassement qui restera comme "l'un des plus fameux de l'histoire de la Formule 1" selon Ron Dennis, son directeur.
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Michael Schumacher (Ferrari) et Mika Häkkinen (McLaren) au au Grand Prix de Belgique 2000

Crédit: AFP

2012 : Grosjean décapite la course
Dans sa seconde vie en Formule 1, Romain Grosjean reste un débutant qui n'apprend pas de ses erreurs, impatient, excité par les facilités de sa Lotus jusqu'à l'impulsivité chroniquement coupable.
Huitième sur la grille sur la rangée extérieure, il est une fois de plus en mode "débranché" au départ, et se précipite à la corde du virage 1 pour surprendre Lewis Hamilton... Il serre la McLaren, la percute et la E20 devenue folle escalade la Sauber de Sergio Pérez, chevauche la Ferrari de Fernando Alonso avant de reprendre contact avec le sol. En 2009, Grosjean avait éliminé au cinquième virage de la course le champion du monde en titre, Lewis Hamilton (McLaren), et le futur champion du monde, Jenson Button (Brawn). En un virage, il vient de mettre au tapis Lewis Hamilton (McLaren) et Fernando Alonso (Ferrari), numéro un mondial…
"Je pensais avoir dépassé Hamilton. Dans ma tête, ma voiture ne devait pas toucher la McLaren. Peut-être n’ai-je pas bien appréhendé les dimensions de ma F1", s'interroge le paria, impliqué dans son septième accrochage en douze départs.
Grand seigneur, Fernando Alonso (Ferrari) a vu la Lotus passer près de sa tête, n'est "pas en colère" après le Tricolore mais l'estime quand même encore en GP2 dans sa tête. D'autres jugements sont beaucoup plus sévères et la FIA fait tomber le couperet : un grand prix de suspension et 50.000 euros d'amende. Il devient ainsi le premier pilote mis hors-circuit depuis Michael Schumacher (Benetton) en 1994, pour refus d'obtempérer à un drapeau noir.
Pourquoi c'est pathétique : la fougue et l'immaturité à leur point culminant. Des conséquences dommageables au Championnat, aussi : éliminé, le numéro un mondial Fernando Alonso (Ferrari) perd ce jour-là de précieux points (18) sur Sebastian Vettel (Red Bull). Il lui en manquera finalement quatre pour être sacré...
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Abandon pour Romain Grosjean (Lotus) et Lewis Hamilton (McLaren) au Grand Prix de Belgique 2012

Crédit: AFP

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