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La suspension interconnectée de Mercedes à la loupe

ParF1i

Mis à jour 27/09/2013 à 12:13 GMT+2

De notre partenaire F1i

La suspension interconnectée de Mercedes à la loupe

Crédit: F1i

Le deuxième temps de Nico Rosberg lors des qualifications du dernier Grand Prix de Singapour est venu rappeler la belle pointe de vitesse des Mercedes W04. Si elles sont moins acérées sur les circuits exigeant de faibles appuis (Spa, Monza), les Flèches d’argent ont touché le cœur de la cible à plusieurs reprises cette saison, aussi bien le samedi (huit pole positions) que le dimanche (trois victoires). L’une des raisons de cette montée en puissance, parmi d’autres (le facteur aérodynamique restant primordial), est la fiabilisation du système de suspensions interconnectées mis au point à Brackley depuis plusieurs années.
Pas nouveau ?
Comme on le voit ci-dessus, une monoplace en action subit plusieurs types de mouvements. Entre autres, elle peut plonger au freinage (l’avant de la voiture s’écrase sous l’effet du transfert de charge, tandis que l’arrière se soulève) et subir du roulis lorsqu’elle négocie un virage : elle penche vers la gauche ou la droite. Ces mouvements de tangage et de roulis altèrent la stabilité de la voiture et, du coup, perturbent son bon fonctionnement aérodynamique.
En travaillant sur les suspensions, les ingénieurs ont cherché à diminuer ces mouvements, c’est-à-dire à stabiliser l’assiette et la hauteur de caisse afin de permettre au fond plat, au diffuseur et aux ailerons de travailler de façon optimale. Après l’interdiction des suspensions actives en 1994 (qui contrôlaient électroniquement la hauteur de caisse et créaient ainsi une configuration aérodynamique idéale), il a fallu revenir à des systèmes classiques de combinés ressorts-amortisseurs pour chaque roue, complétés par un troisième amortisseur (pour limiter le tangage) et une barre antiroulis (pour – comme son nom l’indique – limiter le roulis). Ces dispositifs purement mécaniques ne reliaient pas les suspensions avant et arrière, et limitaient la capacité des ingénieurs à modifier la dynamique du véhicule pour améliorer l’efficacité aéro.
Pour mieux maîtriser tangage et roulis, les bureaux d’études ont donc planché sur des systèmes hydrauliques “passifs”, c’est-à-dire ne réagissant qu’aux charges de la suspension. Après le programme “Hydrolink” inventé par Tyrrell en 1995 et rapidement abandonné, Renault a introduit sur sa monoplace 2009 un système interconnecté, reliant les suspensions avant et arrière par un réseau de conduits hydrauliques. Ce système équipe aujourd’hui la plupart des monoplaces (Caterham et Force India l’ont ainsi étrenné cette année).
Interconnexion
Mercedes, comme Lotus (et d’autres sans doute, même si les images manquent), est allée plus loin, en mettant au point un système totalement interconnecté, reliant les quatre roues de la voiture et gérant non seulement le tangage mais aussi le roulis. Cette suspension – baptisée un peu improprement “FRIC” (pour “Front and Rear InterConnected”) puisque le roulis est aussi contrôlé – repose sur trois amortisseurs hydrauliques placés de chaque côté de la voiture (à l’avant et à l’arrière) : 1) un amortisseur central relié aux basculeurs (réseau jaune ci-dessus) en vue de maîtriser le tangage ; 2) et deux amortisseurs attachés chacun aux basculeurs gauche et droit, pour gérer le roulis (réseau rouge). Ces trois unités sont reliées entre elles par un entrecroisement de conduits, où circule un fluide hydraulique à haute pression.
Confidentialité et rareté des images obligent, la circulation de ce fluide n’est pas connue en détail. On sait simplement qu’elle s’organise autour d’une interconnexion sophistiquée d’éléments hydrauliques, et qu’elle est actionnée par des vannes s’ouvrant ou se fermant sous le seul effet des différentiels de pression (toute commande électronique étant interdite).
Prenons, très schématiquement, le cas du tangage. Sur la W04, un amortisseur hydraulique est attaché aux basculeurs à l’avant et un autre aux basculeurs à l’arrière : c’est le réseau jaune sur l’image (le basculeur est la pièce qui transmet à l’amortisseur l’effort exercé par la biellette de suspension). Ces deux amortisseurs avant et arrière sont reliés entre eux par des conduits hydrauliques, qui traversent tout le châssis en circuit fermé. Ce sont probablement les chambres inférieure et supérieure de chacun des amortisseurs qui sont reliées entre elles, en chiasme, selon une “connexion diagonale”, via des tuyaux qui traversent un réservoir placé au centre. C’était le cas sur la W03 de l’an passé (où l’on pouvait voir des tuyaux et un réservoir central), mais le système semble avoir évolué sur la W04, où ces canalisation ne sont plus visibles, comme on le remarque ci-dessous sur les images prises par nos amis photographes de XPB, Russell Batchelor et Laurent Charniaux, à Monza et Singapour.
Lorsque la voiture freine, le poids se transfère vers le nez, et l’amortisseur avant se comprime. La pression du fluide qui s’y trouve s’élève et se propage via les conduits vers l’amortisseur arrière, ce qui augmente du coup l’effet ressort (“spring effect”) à l’avant, qui remonte, et le diminue à l’arrière, limitant ainsi la plongée du museau. Cela permet de rouler avec une assiette naturellement plus basse à l’avant (accroissant ainsi la capacité du diffuseur), sans craindre que l’aileron ou le splitter ne viennent frotter la piste au moment du freinage. Le système est également précieux à haute vitesse, car il permet de transférer le supplément de charge aérodynamique arrière vers l’avant, ce qui réduit la traînée et autorise une hauteur de caisse statique basse (autrement dit : la répartition de la charge aéro entre l’arrière et l’avant de la monoplace étant de 55 % / 45 %, l’arrière – à haute vitesse – soulève l’avant comme sur une balançoire à bascule).
Tel est en tout cas le principe général utilisé pour limiter le tangage, car le fonctionnement détaillé du dispositif n’est connu que des seuls ingénieurs impliqués.
Inspiration Lotus ?
Friande de solutions ingénieuses et parfois compliquées (tels le W-duct ou le DRD), l’écurie installée à Brackley a mis plusieurs saisons à perfectionner le système, notamment en raison la difficulté à le modéliser (par rapport aux systèmes mécaniques classiques) et des problèmes liés à l’échauffement du liquide, du au frottement causé par l’ouverture et la fermeture des vannes. Sans oublier que ce système très sophistiqué doit parfaitement fonctionner pour ne pas perturber l’équilibre aérodynamique.
Cette suspension a été mise au point par l’ingénieur Rob Tuluie, qui avait déjà inventé la suspension interconnectée avant/arrière lorsqu’il était à Enstone et travaillait avec Bob Bell, l’actuel directeur technique de Mercedes. C’est avec l’aide d’Aldo Costa (arrivé chez Mercedes en 2011) que Tuluie a réussi à affiner le système, dont la philosophie a été parfaitement exploitée sur la W04 par le nouvel aérodynamicien en chef de Mercedes, Mike Elliot, arrivé l’an dernier en provenance… d’Enstone également ! Ce n’est donc pas un hasard si Lotus est l’autre écurie du plateau à utiliser une suspension interconnectée, censée être plus développée que celle de Mercedes, selon Ross Brawn lui-même (ci-dessous, à gauche l'avant de la Mercedes, et à droite, une unité hydraulique logée dans les pontons de la E21).
Une illustration de plus de la guerre du recrutement qui sévit en F1, petit monde décidément très “interconnecté”...
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