Pourquoi Hamilton a-t-il

Depuis le passage de Michael Schumacher à Ferrari en 1996, rares ont été les pilotes à rejoindre des écuries au palmarès moins fourni que celui de l’écurie qu’ils quittaient Alonso chez McLaren 2007 et Button vers Woking également en 2010 (les deux derniers gros transferts) sont montés d’un cran… En préférant l’argent de Mercedes au chrome de McLaren, Lewis, lui, reculera dans la hiérarchie l’an prochain, c’est indiscutable. Depuis 2010, l’écurie dirigée par Ross Brawn stagne au quatrième rang (240 points de moins que McLaren en 2010 ; 332 en 2011) et même au cinquième au classement provisoire 2012, à près de 100 points du quatrième, Lotus. Ce n’est donc pas la perspective de piloter une meilleure voiture qui a guidé le choix de Lewis et de son management, Entertainment XIX (qui gère aussi les lucratives carrières de David Beckham, Jenifer Lopez, Andy Murray, etc.).

Pour expliquer cette arrivée, les motifs financiers ont été régulièrement avancés dans les médias, même s’il semble que McLaren se soit finalement alignée sur l’offre de Mercedes (notamment en assouplissant sa position pour permettre à Hamilton de signer des contrats de sponsoring personnel avec des marques concurrentes à celles peintes sur la carrosserie des MP4). En réalité, il semblerait que la volonté de Lewis de quitter McLaren ait été un facteur plus décisif que sa réelle conviction du potentiel de Mercedes. Comme si celui qui avait signé un contrat avec McLaren à l’âge de 13 ans avait eu besoin de couper le cordon ombilical pour se sentir exister. Sans doute ne voulait-il plus être éternellement le petit protégé, la créature de son pygmalion Ron Dennis, changer d'air après 14 années passées dans le giron de Woking. Après tout, Fernando Alonso et Michael Schumacher ont, eux aussi, quitté leur “famille” d’Enstone (Renault et, avant, Benetton) pour aller se construire ailleurs, seuls, un palmarès qui ne devrait rien à ceux qui furent leurs tuteurs. Un moment vient où l’oisillon doit quitter le nid, quitte à tomber de haut, pour voler de ses propres ailes.

Le corollaire de ce jeu de chaises musicales, savamment orchestré par Bernie Ecclestone, tout heureux de convaincre Mercedes à rester en F1, est, outre que Lewis peut faire une croix sur ses ambitions de titre 2013 (en espérant rebondir à la faveur de la révolution technologique de 2014 ?), la répétition du triste scénario de sortie pour Michael Schumacher. Comme fin 2006, quand il avait été poussé vers la porte de sortie par un Luca di Montezemolo désireux de reprendre la main à Maranello, le septuple Champion du monde a été prié de partir au profit d’un pilote jeune, au potentiel plus intéressant. Si l’indécision de l’Allemand lui aurait joué un mauvais tour (Mercedes se disant prête à le conserver... après coup), le parallèle reste frappant.

Troisième effet de ce transfert : l’arrivée, pour le moins inattendue, de Sergio Pérez chez McLaren. La formation britannique a rarement recruté des pilotes latins (Alonso et Montoya en sont les derniers exemples, pas vraiment réussis) mais elle ne pouvait se permettre un “line-up“ 100 % britannique (en engageant Di Resta), de l’aveu même de Martin Whitmarsh. Que celui-ci ait pu subtiliser le brillant Mexicain (trois podiums cette année) à Ferrari ne laisse d'ailleurs pas d’étonner. On ne voit qu’un veto du patron bis de la Scuderia, Fernando Alonso, pour expliquer pourquoi les Rouges ont pu manquer un coup pareil. A moins que la place ne fût déjà prise par Vettel pour 2014 ? Supputations… Quatrième et dernière conséquence : l’inconnue qui pèse désormais sur la suite de la carrière de Schumacher, alors que celui-ci n’avait jamais aussi bien piloté que cette saison face à Rosberg. Rejoindra-t-il Sauber, histoire de boucler la boucle (c'est le Suisse qui l'avait accueilli en sport proto à ses débuts) ? Là encore, plus de questions que de réponses.