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Jules Bianchi - Les cockpits fermés, une réelle nécessité ?

ParF1i

Mis à jour 28/10/2014 à 19:42 GMT+1

L'accident dont a été victime Jules Bianchi au Japon a mis en exergue la nécessité de trouver des solutions afin de sécuriser les pilotes dans leur monoplace. Entre cockpit fermé et pare-brise surélevé, les idées ne manquent pas mais leur application semble plus compliquée.

2014 GP of Bahrain Sauber Gutiérrez Lotus Maldonado

Crédit: AFP

On a beaucoup parlé des cockpits fermés après le tragique accident de Jules Bianchi au Grand Prix du Japon, lors duquel le pilote français a percuté de plein fouet un véhicule de levage venu pour dégager la Sauber d’Adrian Sutil. Fernando Alonso, entre autres, avait demandé aux dirigeants du sport de reconsidérer l’idée de fermer les cockpits des monoplaces de F1 : “J’ai tendance à dire que nous devrions au moins discuter de cette idée et essayer de la tester, avait ainsi déclaré l’Espagnol en conférence de presse à Sotchi. Les accidents les plus graves qui ont eu lieu en sport automobile ces deux dernières années ont tous provoqués des blessures à la tête, ça reste donc probablement un domaine où la sécurité n’est pas optimale.”
Depuis l’incident dont fut victime Felipe Massa en 2009 (un ressort de suspension, tombé de la BAR de Rubens Barrichello, détruisit sa visière et le blessa profondément au visage), la FIA a mené des recherches sur divers dispositifs offrant une protection efficace à la tête du pilote, dont une bande de protection en zylon entre le casque et la visière. Une réflexion rendue encore plus pertinente par les décès de Henry Surtees en F2 (2009) et Dan Wheldon en IndyCar (2011), l’accident de Maria de Villota en essais privés (2009), ainsi que la catastrophe manquée de peu par Alonso au départ du Grand Prix de Belgique 2012 (lorsque la Lotus de Romain Grosjean, en tonneaux, frôla le casque du pilote Ferrari) (*). Le drame de Suzuka est venu malheureusement remettre la question sur la table.
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Les cockpits fermés, une réelle solution pour les monoplaces de Formule 1 ?

Crédit: F1i

Quelle visibilité ?

Si les tests menés par l’Institut FIA sur des verrières en polycarbonate et des arceaux avant (visibles ici) se sont avérés encourageants, le dispositif pose néanmoins plusieurs problèmes pratiques – sans parler des enjeux historiques (le cockpit ouvert est la marque de fabriques des F1, même si les Mercedes W196, par exemple, existèrent en version carénée au milieu des années 1950), réglementaires (l’article 13.1.3 du règlement interdit tout élément entravant la sortie du pilote), sinon esthétiques.
La première difficulté concerne la visibilité : l’épaisseur et la courbure de la verrière déforment la vision de celui qui y regarde au travers. Une distorsion plutôt gênante quand on sait que les pilotes manœuvrent leur voiture au centimètre près, a fortiori lors des duels roues contre roues. Les prototypes d’endurance sont certes équipés de pare-brise incurvés, mais ils sont plus larges que les monoplaces de Grand Prix, si bien que la déformation y est un peu moins importante.
En outre, il faudrait prévoir un système nettoyant la vitre des projections de gomme, d’huile, etc., et évacuant l’eau en cas de pluie. Les bolides de LMP1 utilisent des essuie-glaces, ainsi que des films de protection détachables (sortes de “tear-offs” géants), ôtés lors des arrêts au stand. Comme pour les sport-prototypes, les F1 à cockpit couvert devraient également être équipées d’un climatiseur, et probablement d’un vitrage, en polycarbonate, légèrement teinté.

Difficulté d'extraction

Plus préoccupant : une verrière constitue un obstacle à la sortie du cockpit. Le système devrait donc permettre au pilote de s’extraire même lorsque la monoplace est retournée ou plantée dans un mur de protection. Une solution semblable à celle utilisée dans l’aviation de guerre (des boulons explosifs) semblant inappropriée, notre excellent confrère Craig Scarborough a imaginé une verrière en trois éléments (illustrée sur la première image), doublée d’un arceau : une extrémité centrale, et deux moitiés séparables en leur milieu. Reste qu’il faudrait toujours un mécanisme d’ouverture quasiment indestructible pour éviter que le pilote ne reste coincé dans le cockpit : les châssis de LMP1 sont, eux, dotés de portes (les pilotes d’endurance doivent s’extraire de leur véhicule en 7 secondes [côté pilote] et en 9 secondes maximum [côté passager], contre 5 pour les pilotes de F1).
Un pilier central gênerait certes la vue, mais apparemment moins que des piliers latéraux (en 2012, Paddy Lowe déclarait à propos de l’arceau testé par le FIA Institute : “Idéalement, un pilote ne veut rien avoir dans son champ de vision, mais, comme quand on conduit une voiture un vieux combi VW, on s’habitue à tout, n’est-ce pas ? Nous pensons que si les piliers ne sont pas trop grands, le pilote peut s’y habituer”). On le voit, un cockpit fermé imposerait de revoir la conception des monoplaces de façon globale, même si l’ancien ingénieur de Jordan et Stewart, Gary Andersson, pour sa part, préférerait un pare-brise enveloppant surélevé jusqu’au niveau de l’appui-tête (voir ci-dessous), ce qui permettrait de garder un cockpit ouvert.
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Un pare-brise surélevé serait-il efficace ?

Crédit: F1i

Verrière et arceau rejetés par les équipes en 2013

La verrière posant donc beaucoup de questions, la FIA a privilégié la solution de l’arceau avant auprès des écuries, qui n'ont pas souhaité son adoption. En octobre 2013, le groupe stratégique F1 (organe décisionnel du sport composé de représentants de la FOM, de la FIA et de six écuries) a en effet écarté l'arceau, principalement pour des motifs esthétiques. Tout en admettant les bénéfices apportés sur le plan de la sécurité, Bernie Ecclestone, Christian  Horner, Martin Withmarsh (alors team principal de McLaren) et Ross Brawn s’y seraient opposés (le compte rendu de la réunion, cité par nos confrères d’Autosport, conclut : “Il a été convenu que le projet serait suspendu”).
Quoi qu’il en soit, un tel équipement aurait-il protégé davantage la tête de Jules Bianchi ? La réponse n’est pas simple. De manière générale, comme l’estime Andersson, tout ce qui aurait pu dévier la voiture et éloigner la tête du pilote du point d’impact, ou absorber une partie de l’énergie du choc, aurait limité le nombre de g encaissés par le cerveau du Français. Paddy Lowe, au contraire, estime qu’un arceau de sécurité aurait pu causer davantage de blessures : “Quand on voit que l’arceau de sécurité a été arraché, a-t-il déclaré à Auto Motor und Sport, alors on se dit que qu’avoir davantage de débris autour de la tête aurait pu être encore plus dangereux.”
La FIA a déclaré qu’elle remettrait la question à l’agenda du groupe stratégique, tout en soulignant qu’il n’est pas simple de trouver un compromis entre protection et visibilité : “À cause de la déformation du pneu[le but initial de l’arceau étudié par la Fédération est de dévier un pneumatique], il faut beaucoup de temps pour qu’il soit dévié. C’est la raison pour laquelle nous avons estimé que la structure doit être plus haute de que la tête du pilote d’au moins 20 cm, ce qui en fait un élément assez encombrant.”
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L'accident de Jules Bianchi lors du Grand Prix du Japon

Crédit: Panoramic

Reste qu’entre un pneumatique de 20 kg projeté à 225 km/h (données des tests menés par la FIA en 2012) et un contrepoids de plusieurs tonnes sur un engin de levage à hauteur de casque du pilote, les dégâts causés ne sont pas les mêmes, arceau de sécurité ou pas.
Une première mesure, simple, serait d’interdire l’utilisation de tracteurs de levage. Le mauvais emploi de pareils engins a déjà coûté la vie, en juin 2013, à un commissaire de piste, Mark Robinson, frappé à la tête pendant une manœuvre lors du Grand Prix du Canada. Pourquoi ne pas généraliser les grues avec bras articulés employées à Monaco, qui permettent, derrière les rails de sécurité, d’ôter une monoplace en quelques secondes sans qu’il y ait un risque de collision ? Les circuits, exangues financièrement, n'en ont pas vraiment les moyens de renouveler leur parc de véhicules d'intervention, mais d'autres acteurs du grand cirque pourraient mettre la main à la poche afin d'acquérir un équipement indispensable, même si le risque zéro n'existera jamais. La sécurité n'a pas de prix, dit-on. Apparemment, si.
(*) Sans oublier l'accident impliquant Alex Wurz et David Coulthard en 2007 à Melbourne, ni celui entreMichael Schumacher et Vitantonio Liuzzi à Abou Dhabi en 2010.
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