Anquetil l'atypique

Le gaucher iconoclaste, icône du handball français, est résolument tourné vers son avenir hors des terrains. Alors que le petit monde du hand est en émoi à l'idée de perdre Greg le Normand, lui n'en fait pas tout un plat. Tout comme il explique ne jamais ressortir les vieilles cassettes retraçant ses exploits passés. Parmi eux, un fera date. La finale du Mondial-2001 et ces cinq dernières secondes de folie à l'issue du temps réglementaire où Anquetil avait arraché les prolongations en marquant un but complètement improbable, après un sprint le long de la ligne de touche.

Cette échappée avait laissé pantois les adversaires suédois, déjà certains de leur victoire, comme le public du Palais omnisports de Paris-Bercy, qui, la stupeur passée, retrouvait de la voix pour saluer l'exploit de son nouvel héros. "Je n'ai pas de nostalgie. Je n'ai jamais revu par exemple la finale du Championnat du monde ou celle de la Ligue des champions. J'ai l'impression que les gens sont plus inquiets que moi. Il me reste encore plein de choses à vivre, ce n'est pas un problème pour moi d'arrêter", affirme Grégory Anquetil.

Réputé pour ses qualités techniques, Anquetil, 36 ans, laissera également l'image d'un personnage haut en couleurs, une sorte de fou génial fort en gueule, aussi performant dans les deux premières mi-temps que dans la troisième. Si la plupart de ses frasques extra-sportives sont encore passées sous silence, une image résume assez bien ce dont est capable le futur membre du service marketing et communication du Montpellier Handball.

Des témoins privilégiés se souviennent de lui, vêtu d'une simple coquille de gardien de but en guise de feuille de vigne et une perruque rouge sur la tête, chantant la sérénade guitare en bandoulière devant les clients médusés d'un hôtel des Canaries, lors d'un stage de l'équipe de France il y a douze ans... "J'ai conscience d'avoir été un joueur atypique mais ce n'est pas important. Ce qui compte, dit-il, c'est d'être resté moi-même. Le hand a été ma vie mais je faisais aussi du foot, des compétitions de quad, de pétanque. Je suis aussi un fana de pêche, il m'est arrivé d'y passer toute la nuit. J'ai toujours fait des millions de choses à côté du hand". Après presque vingt saisons et une flopée de titres sous le maillot bleu et blanc, Grégory Anquetil en est sr: "Dans ma tête, j'ai fait mon deuil. Il faut fermer le bal".

Il y a cette opération à une épaule qui l'a empêché de se "remettre dans le coup". Et surtout la digestion du départ des glorieux anciens, comme Laurent Puigségur et Andrej Golic, avec lesquels il avait écrit les plus belles pages du club de l'Hérault. "Cette année, je ne me sentais pas forcément à ma place dans le groupe , confie-t-il. On n'a pas la même vision du handball. Les mecs sont vraiment sympas mais je ne me vois pas aller au combat avec eux. Une partie de l'histoire s'est arrêtée l'an dernier mais je ne regrette pas d'avoir continué. Cette saison m'a confirmé que c'était le bon moment pour moi d'arrêter".

Champion du monde avec les Barjots en 1995, puis avec les Costauds en 2001, Grégory Anquetil parle presque plus volontiers de son succès dans le négoce de vins que de ses trophées. Pour l'émouvoir, il suffit pourtant d'évoquer les trois petites têtes brunes qui partagent sa vie, Marius, Roméo et Gabriel. "Ce sont les seuls à avoir réussi à me calmer, avoue-t-il. J'ai affronté des tempêtes en jet-ski, sauté des trucs de dingue en moto-cross, ils m'ont obligé à ralentir. Maintenant, je vis pour eux" .