MOTO GP – Peut-on aimer à la fois Valentino Rossi (Yamaha Factory) et Marc Marquez (Honda HRC) ?

En amour, l’un des plus vastes débats porte sur une même dimension affective accordée à deux personnes en même temps. Il est, incontestablement, transposable à la MotoGP. Parce que Valentino Rossi (Yamaha Factory) et Marc Marquez (Honda HRC) sont deux pilotes hors-normes. Et depuis deux saisons et demie, ce couple de champions du monde se flatte, s'amourache. Et se chicane, parfois, dans les virages. Pour mieux opposer les fans de Rossi et les pro-Marquez, qui pourraient pourtant s’entendre. Voici pourquoi.

Certains sports mécaniques souffrent de lacunes de spectacle. Si la MotoGP n’est pas dans ce cas, c’est aussi grâce à Rossi et Marquez. Il suffit de remonter au récent Grand Prix des Pays-Bas pour le constater. Les deux pilotes se sont échangés la tête de la course à plusieurs reprises, avant d’offrir une ultime passe d’armes grandiose dans la dernière chicane.

Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Cet ultime accrochage n’était qu’un épisode supplémentaire d’une saga passée par le Grand Prix d’Argentine cette saison, ou par le circuit Motegi lors du deuxième sacre de l’Espagnol l’an passé. La série n’est certainement pas terminée. "En arrivant, Marquez a relancé le show en MotoGP. Il a apporté de la bagarre", glisse Mélissa, responsable du fan club français de l’Espagnol sur les réseaux sociaux. Pour le plus grand plaisir de l'ensemble des passionnés.

A eux deux, ils cumulent 13 titres, dont 9 en catégorie reine. Rossi a déjà acquis le statut de meilleur pilote de l’histoire, Marquez a été désigné dans l’esprit commun pour lui succéder. Le premier collectionne les records de longévité. L’Italien a conquis 85 victoires et 168 podiums –dont 23 consécutifs entre 2003 et 2005- dans la plus prestigieuse des catégories. Le Catalan, lui, a fait tomber les marques de précocité. Il est devenu, l’année dernière, à 21 ans et 237 jours, le plus jeune double champion du monde de l’histoire.

En remportant, notamment, 11 succès sur l’ensemble de la saison. Des performances qui forcent le respect de tous. "Aujourd’hui, peu importe la situation, le principal adversaire de Rossi, c’est Marquez", rapporte Cédric, qui administre la page Facebook du fan club France de l’Italien.

Contrairement à d’autres nombreuses rivalités sportives, les deux prodiges s’admirent. Et ne le cachent pas. Dès son plus jeune âge, le protégé du HRC a idolâtré la star transalpine. Il y a quelques années, le jeune Ibère s’affichait dans sa chambre d’adolescent avec des posters de son modèle… Et dès son arrivée en Grand Prix, il a été couvert d’éloges par le septuple champion du monde. "En arrivant, Marquez avait déjà l'état d'esprit pour gagner et sincèrement, je n'ai jamais vu un rookie comme lui, dans quelque sport mécanique que ce soit", avait dit Rossi. "Il l’a pris en poulain, et lui a donné tous les conseils possibles pour lui montrer comment se comporter", dit la fan de l’Espagnol.

Pourtant, les supporters de l'un et de l'autre ne s'entendent pas toujours. Ils se chiffonnent, eux aussi, à chaque course. Et ces altercations sont aussi justifiables.

La magie de ce sport réside aussi dans les caractéristiques de chaque pilote. Alors, forcément, lorsqu'on est pris de passion pour le style du "Doctor", difficile de soutenir celui de son rival. Rossi a vulgarisé la sortie de la jambe lors des freinages. Pilote racé, il est certainement le plus fin stratège du paddock. "Et une personnalité unique, notamment envers son public", ajoute Cédric. Marquez, lui, a apporté une agressivité inédite dans le pilotage. Il ne prend jamais deux fois la même trajectoire, et met énormément d’angle dans les virages.

Dans l'opposition VR46-MM93, Il est aisé de trouver des éléments de comparaison avec celles d'autres sports. Comme Messi et Ronaldo sur un terrain de football, les deux pilotes se haïssent sur la piste. Les deux génies du guidon défendent des constructeurs historiquement rivaux. "A mon avis, si les fans de Rossi ont plus de mal à apprécier Marquez, c’est à cause de Honda. Cette écurie a la particularité de brider énormément ses pilotes. Notamment leur personnalité. C’est dommage", glisse le supporter de l’Italien. "Il y a aussi un esprit de revanche. Rossi a été enterré trop vite lorsqu’il est allé chez Ducati", ajoute-t-il.

Surtout, ils visent des objectifs communs : des titres de champion du monde, des records, des marques. "Marquez cherche à s’imposer et fait preuve d’orgueil, parfois. Il ne veut pas entendre ‘c’est normal que tu t’inclines parce que c’est Rossi’. Il veut encore agrandir sa place", conclut Mélissa.

La question intergénérationnelle est plus subjective, mais elle existe. L'âge des deux pilotes entretient la proximité avec les fans de chacun. Marquez a 22 ans. Rossi, 36. Une partie des aficionados du premier cité n’existait pas lorsque le second a enquillé ses premiers succès.

Quand l'Italien a disputé sa première course en 125cc, Marquez n'avait que… 3 ans. Lorsque le Catalan a effectué ses premiers tours officiels dans la plus petite des catégories, Rossi comptait déjà 5 titres mondiaux dans la plus grande. Une période que les plus jeunes n’ont pas forcément connue. Et qui explique la popularité grandissante de l’un, et la notoriété sans limite de l’autre.