MOTOGP - Pourquoi Valentino Rossi (Yamaha Factory) est-il si populaire en Argentine ?

Qu'on se le dise, la popularité de Valentino Rossi (Yamaha Factory) a envahi toutes les contrées depuis le début du siècle et même l'Espagne, malgré son lot de champions, ne fait pas figure d'exception. Mais chaque année, la passion entourant la superstar de Tavullia tutoie plusieurs sommets. Sur le circuit de Misano, situé à une quinzaine de kilomètres de son village d'enfance, au Mugello, lieu de pèlerinage de ses plus fervents tifosi, et sur l'autre face du globe, à Termas de Rio Hondo précisément, où les Argentins se sont pris d'un amour mystique pour le nonuple champion du monde.

L'amour a ses raisons que la raison ignore et cette relation-là ne déroge pas à cette loi. Elle est donc, forcément, animée par une part d'inexplicable. Mais elle s'est aussi et surtout bâtie sur des arguments rationnels, plus ou moins historiques. Elle découle même, certainement, d'une source née dans une période d'un autre temps. "Il y a eu cette gigantesque vague d'immigration italienne à la fin du 19e et au début du 20e siècle, nous glisse un organisateur du Grand Prix local. Du coup, ici, de nombreuses personnes, comme moi, se sentent proches de la culture populaire italienne". Parmi les 41 millions de citoyens argentins, un peu moins de la moitié aurait une ascendance transalpine et, par la force des choses, une proximité toute particulière avec Rossi.

En Argentine, les sports mécaniques occupent une place importante dans le panorama. Dans la hiérarchie établie par de nombreux fans, ils se classent juste derrière le football. Pour autant, Juan Manuel Fangio, l'un des plus grands champions de Formule 1, n'a jamais eu de successeur légitime sur son sol. Alors le peuple lui en a trouvé un. "Valentino est le plus charismatique de tous les pilotes et, ici, sa façon très latine de célébrer ses victoires et de communiquer avec le public a toujours été diffusée par la télévision, jusqu'au retour du Grand Prix d’Argentine au calendrier MotoGP, en 2014. Désormais, il est considéré comme un pilote local", nous confie Matias Sanchez, correspondant pour ESPN.

Le football, ses rivalités opposant River Plate aux Boca Juniors, les épopées de Diego Maradona et Lionel Messi ont entretenu le rapport particulier liant les Argentins au sport. Le ballon rond est une obsession qui a génétiquement influencé la perception du peuple sur toutes les autres compétitions. "Ils voient la course comme une fête, et le circuit comme un terrain de foot. A chaque fois que Rossi entre en piste, c'est un peu comme si l'équipe nationale entrait sur le terrain", ajoute le journaliste. Voilà pourquoi, en formidable communicant, l'Italien avait enfilé le maillot "del Pibe de Oro" après l'avoir emporté, en 2015. "En faisant cela, il a donné l'impression que l'Argentine était sa deuxième maison".

A Termas de Rio Hondo plus qu'ailleurs, de longues clameurs vont accompagner Rossi à chacune de ses sorties de box, à chacun de ses dépassements. Là-bas, les tribunes sont beaucoup moins clairsemées de supporters favorables à Marc Marquez (Honda HRC). Le champion du monde en titre, qui y a cumulé toutes les pole positions et deux succès sur trois possibles, aurait pourtant bien des arguments pour prétendre à un statut similaire.

Après tout, l'Espagne a joué un rôle majeur dans la construction du pays, et le surdoué de Cervera est aussi habile face aux caméras. "Certes, mais il n'aura jamais une communauté aussi large que celle de son rival. La bataille qu'il a perdue contre Rossi en 2015 sur ce circuit et le Sepang Clash ont encore creusé l'écart de popularité", pense Matias Sanchez. Pour sûr, même une victoire du leader du HRC, favori pour la course dimanche, n'arrangerait rien.