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MotoGP - GP de France : Etre pilote, c'est aussi savoir chuter (et c'est tout un art)

Stéphane Vrignaud

Mis à jour 14/05/2016 à 11:28 GMT+2

MOTOGP - Christophe Guyot, ancien pilote aujourd'hui directeur d'équipe en Endurance et consultant pour Eurosport, nous explique tout le processus de la chute chez le pilote. Un événement qu'il faut savoir appréhender au maximum.

Marc Marquez au sol

Crédit: AFP

Qu'est-ce qui se passe dans la tête d'un pilote lorsqu'il chute ?
Christophe Guyot : Je distinguerais trois catégories de pilotes. D'abord, il y a celui qui se met en situation de chute dès le départ. J'en ai un dans mon équipe, David Checa. En MotoGP, il y a Marc Marquez, en Moto2, Sam Lowes. Ce sont des pilotes qui mettent la moto en glisse, à la limite, et qui ne se sentent bien que comme ça. Tant qu'ils n'ont pas atteint ce stade, ils ne se sentent pas en sécurité. C'est en étant sur le fil, et en le dépassant, qu'ils se sentent bien et qu'ils ne tombent pas.
Ensuite, il y a des pilotes comme Valentino Rossi qui ne tombent jamais. Quand ça lui arrive, c'est la surprise. Quand ça lui est arrivé à Austin, il a tout de suite cherché à comprendre ce qui s'était passé. Dans ce cas-là, il faut qu'il trouve sinon il sera en difficulté par la suite. Il a connu deux chutes importantes, avec Simoncelli à Sepang et au Mugello. Dans ces deux cas, il fallait qu'il comprenne. Beaucoup d'observateurs ont été inquiets de savoir comment il pourrait revenir, s'il se remettrait de cette chute.
Enfin, il y a les pilotes qui chutent beaucoup. Ils sont programmés pour, ils se jettent quasiment quand ils chutent. Loris Baz, par exemple, est dans ce cas. Il a appris à chuter, comme Ruben Xaus et Marc Marquez. Ils ne craignent pas du tout la chute. Ils l'attendent et sont presque surpris quand ils ne sont pas tombés.
A côté de ça, il y a plusieurs façon de chuter : de l'avant, de l'arrière...
C. G. : On sait qu'il y a beaucoup de chutes de l'avant sur les circuits où on se sent en sécurité, et qu'il n'y en n'a pas où on ne se sent pas en sécurité. En général, les chutes de l'avant sont assez rares car le genou permet de bien récupérer. Quand on voit le guidon tourner, on a le temps de pousser sur le genou et se rattraper. Marquez est très fort dans cet exercice.
Une fois la chute engagée, qu'est-ce que le pilote doit faire, peut faire ?
C. G. : L'important pour un pilote, c'est de retenir ses chutes passées. En début de carrière, un pilote met les mains en avant et se casse le scaphoïde. Il n'y a pas un pilote à qui ça n'est pas arrivé, sauf Valentino Rossi, qui ne tombe jamais. Une fois ça fait, on ne met plus les mains en avant, et c'est la tête qui prend.
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Christophe Guyot, sur le plateau d'Eurosport 1

Crédit: Eurosport

Le danger, c'est aussi de ne pas savoir s'il faut lâcher la moto...
C. G. : Au début, le pilote s'accroche à la moto mais, s'il se retrouve en dessous, il prend rapidement l'habitude de la lâcher. Mais inversement, si la moto part en tonneau, il risque d'être blessé et, du coup, il s'accroche à elle. Chaque pilote réagit donc en fonction des chutes qu'il a eues et qui l'ont programmé pour mieux chuter en se faisant moins mal ou pas du tout.
Au sol, y a-t-il une attitude recommandée ?
C. G. : Il faut rentrer les mains et se laisser faire pour ne rien casser. Il faut faire attention à ne pas avoir ni les jambes ni les bras tendus, mais c'est très naturel. En revanche, sur la moto on n'a pas de repère de vitesse. Ça va même très lentement. On va d'un point à un autre, d'un virage à un autre, et entre les deux le temps est long. C'est quand on chute que la vitesse apparait. D'un coup, tout va plus vite.
Quand est-ce que le pilote a peur ?
C. G. : Avant et après, pas pendant, à moins d'avoir un gros imprévu comme perdre les freins comme ça m'est arrivé. Là, on sait que quelque chose va arriver. J'ai déjà perdu les plaquettes mais il est arrivé pire à Adrien Morillas : il avait perdu le levier. Là, on sait que c'est mort. Quand on perd les plaquettes, on peut pomper. Adrien m'a dit : "Quand on a le levier dans les mains, c'est le pire."
Après le choc de la chute, n'est pas difficile de repartir, de se sentir de suite opérationnel ?
C. G. : Ce n'est pas une question de pilote, mais d'être un sportif de haut niveau, qui est programmé pour gagner. Quand il tombe, il veut remonter sa moto et repartir.
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Jorge Lorenzo au tapis lors du GP d'Argentine

Crédit: AFP

On parle de haut niveau, mais est-ce qu'une chute peut changer le cours d'une carrière ou même la bloquer dès le départ ?
C. G. : Ce qui peut bloquer une carrière, c'est si le pilote ne sait pas pourquoi il est tombé. C'est là que le manager, le mécanicien, vont beaucoup l'aider. S'il ne comprend pas la chute, ça va être très compliqué pour lui. Il faut des tempéraments à la Ruben Xaus, à la Marc Marquez pour passer au-dessus. Mais c'est très rare.
Autrement, en début de carrière, ça peut effectivement stopper une carrière. Je l'ai vu en Promosport, en championnat de France. On commence à voir des gars qui tournent bien, ils chutent deux fois et on ne les revoit plus. Ils sont séchés. C'est assez fréquent. On ne peut pas savoir si un pilote peut faire carrière tant qu'il n'est pas tombé trois ou quatre fois. J'ai des pilotes qui n'acceptent pas la chute et d'autres qui ne sont pas tombés depuis deux mois et qui savent qu'ils vont s'en prendre une dans pas longtemps.
Le pilote doit aussi faire le bon diagnostic de base...
C. G. : Oui. Il peut mal expliquer sa chute, dire qu'il y avait de l'huile, qu'il y a eu un problème sur la fourche... Si ce n'est pas ça, il va retomber. Il peut se cacher la vérité.
Tous les pilotes moto ont couru un jour en étant blessé. Là, c'est encore autre chose…
C. G. : Il faut avoir été pilote pour s'en rendre compte : quand on court blessé, on a mal avant ou après la course, pas pendant. Le cerveau produit quelque chose qui ne fait plus ressentir la blessure telle qu'elle est. Il ne faut pas prendre le pilote pour un surhomme, pour plus courageux qu'il n'est.
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