Le sport US n’a jamais été aussi français que ce week-end

C’est une tradition aux Etats-Unis. Chaque rencontre sportive est précédée du "Star Spangled Banner", l’hymne national, écouté religieusement, la main sur le coeur, par tous les spectateurs présents. Le cérémonial si bien calibré, comme tout ce que font les Américains, a été bouleversé ce week-end. Dans la plupart des salles et des stades de l’autre côté de l’Atlantique, comme à Washington samedi lors de la réception d’Orlando pour un match de saison régulière en NBA, il a été précédé d’une minute de silence et d’une "Marseillaise". Le tout avec le drapeau français déployé au beau milieu du parquet, lui-même illuminé en bleu-blanc-rouge. Un modus operandi qui s’est répété dans toute l’Amérique du Nord, de Boston à Montréal.

Etre frappés en plein coeur par le terrorisme, les Etats-Unis savent mieux que quiconque ce que c’est. Voilà pourquoi le pays vit au rythme des événements tragiques ayant meurtri Paris et ses environs vendredi. Voilà pourquoi il apporte à la capitale et au pays tout entier son soutien avec des moyens qui semblent si dérisoires dans pareil cas, mais qui touchent la corde sensible lorsqu’ils sont spontanés et sincères.

Dans la foulée des attaques, toutes les télévisions du pays étaient passés en édition spéciale pour relayer des événements alors encore en cours. Les personnes présentes dans la salle de presse du TD Garden vendredi, à quelques minutes seulement du coup d’envoi de la rencontre entre Boston et Atlanta en NBA, ne pouvaient décoller leurs yeux de l’écran. Les images issues des chaînes d’information en continu françaises qui montraient le travail des autorités, la déclaration de François Hollande traduite en direct, celle de Barack Obama diffusée en boucle : tout cela avait pour les Américains un air de déja-vu, comme ils le disent si bien en français dans le texte.

Chacun y allait alors de son commentaire, entre la crainte de voir le bilan s’alourdir dans les heures qui suivraient, peur qui allait se concrétiser par la suite, et l’incompréhension devant ce nouvel acte de barbarie. Les références au 11 septembre 2001 et, plus près d’eux, aux attentats lors du marathon de Boston en 2013 fusaient. Au moment où le coup d’envoi du match allait être donné, il a bien fallu prendre place dans la salle et la vie a repris son cours, non sans qu’un moment de silence ne soit respecté et ne crispe l’atmosphère. Une grande majorité du public n’était pas encore au courant de ce qui se tramait depuis trois heures à peine à plus de 5000 kilomètres de chez eux. Elle a alors pris la réalité en pleine face. La France est devenue le centre du monde. Le centre de leur monde.

Alors que les télés continuent de tourner en boucle sur le sujet, que le débat des démocrates américains à un an de l’élection présidentielle US s’est ouvert dessus, il n’est pas rare de recevoir directement des témoignages de soutien lorsque l’interlocuteur découvre votre nationalité sur votre passeport. L’échange débute généralement ainsi : "Oh, vous êtes français. Je suis désolé pour votre pays. Vous ne connaissiez personne parmi les victimes ?". La discussion avec un membre de la sécurité du Verizon Center, la salle des Wizards à Washington, n’a pas dérogé à la règle. Il nous a ensuite indiqué que la sécurité avait été "renforcée" pour les prochains jours, que la tension était "montée d’un cran" au sein du personnel de l’enceinte. Il l’avoue, il trouve ça "démesuré" pour un événement qui s’est produit si loin, tout en comprenant la démarche. La NFL a d'ailleurs elle aussi annoncé samedi un renforcement de la sécurité sur tous ses stades ce week-end.

Rencontré après la défaite du Magic chez les Wizards (108-99) samedi, Evan Fournier n’a pas souhaité apporter de commentaire. Mais le tweet publié par le Français dès vendredi et son émotion pendant que l’hymne français retentissait dans la salle avant le coup d’envoi valaient plus que de longs discours. Au moment même où l’arrière des Bleus foulait le parquet, à quelques centaines de mètres là seulement, un rassemblement se tenait aux abords de la Maison Blanche. Sur Lafayette Square plus précisément, du nom de ce général français qui a joué un rôle clé dans la Révolution américaine. Là-bas, pas besoin de sono, l’hymne français a retenti a capella, avec des trémolos dans la voix des expatriés mélangés aux locaux. Un symbole de la solidarité qui unit les Etats-Unis et la France depuis deux jours.