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"Les pros du dopage vont avoir l'esprit plus tranquille"

Glenn Ceillier

Mis à jour 02/04/2020 à 17:01 GMT+2

De plus en plus d'organisations antidopage ont annoncé avoir diminué leurs activités de contrôle des sportifs de haut niveau en raison de la pandémie de Covid-19. Une réduction de leurs missions qui interroge sur le long terme pour l'équité des compétitions.

Les contrôles de nuit, nouvel arsenal dans la lutte anti-dopage

Crédit: Eurosport

Et si cette période était une aubaine pour les tricheurs ? Même si les Jeux Olympiques ont été reportés d'un an, la question taraude le monde du sport depuis quelques semaines déjà. La raison est simple : plusieurs organisations antidopage ont annoncé avoir diminué leurs activités de contrôle des sportifs de haut niveau. Comme toutes les entreprises, elles ont été obligées de s'adapter aux restrictions de déplacement imposées par les gouvernements pour lutter contre la pandémie de coronavirus.
En Chine, l'agence de lutte contre le dopage Chinada avait ainsi annoncé la suspension momentanée de ses activités dès le début du mois de févier. Et ces derniers jours, des décisions similaires ont été prises en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou encore en Allemagne. "Notre première priorité doit être la santé publique et la sécurité", a recommandé vendredi le président de l'Agence mondiale antidopage (AMA), Witold Banka. En toute logique. Mais alors, est-ce du pain béni pour les dopés ? Cela peut l'être. Mais vous allez voir que ce n'est pas si simple que cela.
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A Chinese security guard stands in front of the China Anti-Doping Agency on November 23, 2007 in Beijing, China

Crédit: Getty Images

Ils ont peu de risque de se faire contrôler
Sans contrôles sanguins ou urinaires, certains athlètes peu attachés aux questions éthiques vont bien sûr pouvoir s'en donner à cœur joie pour prendre des stéroïdes, de l'EPO ou encore des stimulants. "Les pros du dopage vont avoir l'esprit plus tranquille pour faire leur programme. Ils ont peu de risque de se faire contrôler", nous confirme Jean-Pierre De Mondenard, médecin du sport et spécialiste du dopage. Et si certains y parviennent, cela aura forcément un impact sur le long terme.
Si les agences antidopage effectuent évidemment des tests pendant les épreuves, la base de la lutte est aussi d'essayer de contrôler les sportifs de haut niveau pendant les périodes d'entraînement. Quand il n'y a pas de compétitions. Et qu'ils préparent leur corps pour briller dans les mois qui viennent devant le feu des projecteurs. Car c'est à ce moment-là que les prises de produits dopants peuvent être les plus efficaces.
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Doping | Epo - Feature

Crédit: Getty Images

Vous allez garder ce plus
"Les athlètes qui se dopent vont garder le bénéfice de ce qu'ils ont acquis pendant leur entraînement", résume le docteur Jean-Pierre de Mondenard. "C'est le principe de base de tous les produits que l'on prend en cure : on garde ce que l'on a acquis pendant la période de dopage après. Le principe de l'entraînement, c'est ça : en s’entraînant vous améliorez vos capacités physiques. Or avec l'EPO par exemple, vous allez les améliorer un peu plus. Et vous allez garder ce plus."
En clair s'il souhaite dépasser les limites autorisées, un athlète va pouvoir plus facilement augmenter ses charges d'entraînements en prenant des produits interdits. Développer ainsi sa masse musculaire. Et cette période avec une réduction de la lutte antidopage et des athlètes isolés est évidemment propice à ces dérapages. "Si vous voulez tricher, vous n'avez qu'à regarder les informations pour voir qu'il n'y a quasiment plus de contrôles", convient à l'AFP Michael Cepic, le directeur de l'Agence antidopage autrichienne.
Attention, cette phase inédite de lutte sanitaire pour de nombreux pays n'est pas non plus une voie royale pour les tricheurs. Les organisations antidopage vont pouvoir s'activer après les confinements pour vérifier que certains n'ont pas dépassé les bornes. Dans cette logique, l'AMA cite ainsi par exemple le passeport biologique, qui permet "le suivi au fil du temps de variables biologiques sélectionnées révélant indirectement les effets du dopage". "Certains stéroïdes anabolisants peuvent être détectés plusieurs semaines après l'arrêt", ajoute Jean-Pierre de Mondenard avant de refroidir l'ambiance : "Mais les professionnels du dopage maquillent ça de façon parfaite."

Pourquoi "ce dopage-là sera moins efficace" ?

Cette période n'est pas non plus idéale à tout point de vue pour tous les sportifs cherchant à en profiter. Il ne faut en effet pas oublier que nombre d'entre eux sont actuellement dans des pays qui imposent un confinement. Et ceux-là ne peuvent pas s'entraîner comme ils le voudraient. "Ce dopage-là sera moins efficace, car les possibilités d'entraînements sont très réduites", prévient Michael Cepic. "Si c'est pour être dans son salon et faire des pompes, cela ne va pas aider beaucoup", ajoute Jean-Pierre de Mondenard. "En revanche, s'il peut maintenir un volume de travail adéquat, cela va apporter quelque chose."
Expert indépendant de toutes les instances nationales et internationales, De Mondenard pointe notamment le souci de ce confinement pour des sports d'endurance comme le cyclisme : "En réduisant l'entraînement et en le faisant dans des conditions intérieures notamment, l'effet d'un éventuel dopage ne va pas être géant. S'ils affrontent ensuite des sportifs qui se sont entraînés normalement dans des pays qui n'ont pas été confinés, ils auront du mal. S’entraîner en salle n'a pas la même résonance. " Mais dans d'autres pays où il n'y a pas de confinement imposé, où les contrôles sont moins stricts sans les agences internationales, la donne pourrait être différente. Ce qui pose là aussi un souci d'équité quand les grandes compétitions reprendront.
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