Renaldo Nehemiah, Jim Thorpe, Lolo Jones... Ils ont changé de sport et sont restés au top

L’honneur au plus ancien. Elevé au sein de la tribu indienne Sac and Fox, né de parents métis, Jim Thorpe a vu le jour en Oklahoma à la fin du XIXe siècle. En 1887 ou en 1888, selon les sources. Celui qu’on appellait aussi Wa-Tho-Huck ("Sentier lumineux") est bourré de talent. A l’université, ce champion hors normes les affiche aussi bien en baseball, qu’en football américain ou en athlétisme. En 1911, il inscrit tous les points de son équipe lors de la finale universitaire de foot US, joue running back, defensive back mais punter et kicker également. Ce Thorpe a un don rare.

Aux JO de Stockholm l’année suivante, il décroche l’or en pentathlon et en décathlon. Sur cette dernière épreuve, l’athlète de 25 ans relègue son dauphin à 700 points et établit un nouveau record du monde (8430 points). Une marque qui tiendra plus de vingt ans. Revenu aux Etats-Unis en héros, Thorpe est finalement radié à vie et déchu de ses deux titres olympiques deux mois plus tard. La raison ? L’Américain, dont les origines n’arrangent pas la cause, est accusé d’avoir gagné de l’argent en participant à quelques rencontres de baseball avec des équipes pros.

Radié à vie du sport amateur, brisé et tourmenté par cette "calomnie" (selon Coubertin), il débute une carrière de joueur de baseball, tout en continuant le foot américain et le basket. Avec le même succès. A 41 ans, il se retire pour se tourner vers le cinéma. En 1982, 70 ans après les faits, le CIO décide de restituer à Jim Thorpe ses deux titres olympiques. 29 ans après sa mort…

Le début de sa courte biographie sur son compte Twitter résume assez bien le personnage : "Former two-sport athlete…" Bo Jackson est réputé pour avoir été le premier athlète à avoir évolué dans deux ligues professionnelles la même année (de 1987 à 1990) : en MLB (où il a joué de 1986 à 1994) et en NFL (de 1987 à 1991). Il a également été nommé All Star dans ces deux ligues. Elu athlète de tous les temps par ESPN, Bo Jackson a souvent joué sur sa polyvalence, notamment dans des clips de publicité, où il s’est essayé à peu près tous les sports. Une lourde blessure à la hanche gauche met fin à sa carrière de joueur de foot US en janvier 1991. Après une longue absence, il retrouve les terrains de baseball en avril 1993. Dès son premier coup de batte, "Bionic Bo" frappe un homerun. Légendaire.

Qui peut se vanter d’avoir été classé 42e à l’ATP et d’avoir gagné un tournoi PGA ? Scott Draper. Passé pro en 1993, vainqueur sur le gazon du Queen’s en 1998 (sa seule victoire en simple sur le circuit), l’Australien possède également à son palmarès un titre du Grand Chelem, celui du double mixte de l’Open d’Australie en 2005, l’année qui l’a vu mettre fin à sa carrière de tennisman. Lâchant sa raquette, Draper a ensuite engagé un caddy et opté pour les clubs et les fairways. Avec un certain talent puisqu’en février 2007, il a réussi l’exploit de remporter à Riverside Oaks un tournoi estampillé PGA (comptant pour le Tour of Australasia pour être précis), le New South Wales PGA Championship.

Son dos a décidé pour elle. Championne du monde en 2005 et vice-championne olympique à Athènes en quatre de couple, Rebecca Romero stoppe l’aviron en 2006. Diminuée par des douleurs dorsales récurrentes, la fille du Comté de Surrey se met alors au cyclisme sur piste. Avec réussite. Ses progrès sont fulgurants et ses premiers résultats significatifs sur les épreuves d’endurance ne tardent pas. Médaillée d’argent de la poursuite aux Mondiaux 2007, Romero s’adjuge l’or l’année suivante en individuel et par équipes, à Manchester. A Pékin, elle devient la première Britannique à s’aligner sur deux sports différents aux JO et glane l’or olympique en poursuite individuelle.

Vous connaissez le film Rasta Rockett tiré d’une histoire vraie ? Evidemment. Lolo Jones aussi probablement. Spécialiste du 60m et du 100m haies, l’Américaine, passée tout près d’un titre olympique à Pékin en 2008, s’est lancé un défi : participer aux JO d’hiver engoncée dans un bobsleigh. Après avoir participé à la Coupe du monde de bob à deux en 2012, Jones a obtenu son billet pour Sotchi, où elle a pris la 11e place en bob à trois.

New York, San Antonio et Houston. En NBA, Charlie Ward a connu trois franchises. Mais c’est chez les Knicks, que le meneur américain a connu ses heures de gloire. Sportif ultra complet, doté de mains en or mais au physique maigrelet, Ward a également brillé en tant que footballeur US avant d’opter pour le basket. Vainqueur de l’Orange Bowl en 1993, il a joué au poste de quarterback à l’université de Floride et remporté le trophée Heisman récompensant le meilleur joueur universitaire. Mieux, sans y jouer au "college", Ward a également été drafté… en MLB, la ligue de baseball américaine. Finalement choisi par les Knicks en 1994, cet archétype de la polyvalence se voit offrir une nouvelle chance de rallier la NFL lors de sa saison de rookie en NBA, lorsque les Kansas City Chiefs lui proposent un contrat. Qu’il refuse.

Considéré comme le meilleur patineur de vitesse de tous les temps, Eric Heiden compile cinq médailles d’or olympiques et sept titres mondiaux. Aussi à l’aise sur les disciplines de vitesse que sur les épreuves d’endurance, l’Américain s’est ensuite lancé dans une carrière de cycliste sur route à partir de 1981 chez 7 Eleven. Champion des Etats-Unis de la course en ligne à 27 ans, en 1985, le grand ami de Lance Armstrong participe cette année-là au Tour d’Italie. Qu’il termine au 131e rang du général (sur 135 coureurs à l’arrivée). Très loin du vainqueur Bernard Hinault. L’année suivante, il prend part à la Grande Boucle. La seule de sa carrière. A cinq jours de l’arrivée, il est victime d’une chute qui le privera des Champs-Elysées.

Escrime, basket, tennis, water polo, boxe. Lev Yachine était un touche à tout. Elu meilleur gardien du siècle dernier, le mythique portier soviétique a également officié dans une cage de … hockey sur glace. Recruté par le Dynamo Moscou – son club de toujours, le jeune Yachine intègre l’équipe junior mais passe le plus clair de son temps sur le banc. Son faible temps de jeu le pousse vers la patinoire du club. Avant de retrouver l’herbe fraiche et d’épouser la carrière qu’il a eue (champion olympique en 1956, champion d’Europe en 1960), il décroche tout de même une Coupe d’U.R.S.S sur la glace. Récompensé en 1963, Yachine reste à ce jour le seul gardien à avoir obtenu le Ballon d’or.

Sept titres de champion du monde en moto, un en Formule 1, ça vous classe un homme. Une performance unique à ce jour qui fait de John Surtees un sportif exceptionnel. De 1956 à 1960, avec la firme MV Augusta, le Britannique participe à 52 courses pour 38 victoires et s’adjuge quatre couronnes mondiales en 500cm³ et trois en 350cm³. Puis de deux roues, il décide de passer à quatre. En 111 départs en F1, Surtees compile 6 succès, mais surtout ce titre planétaire en 1964 au volant de la Ferrari 158.

Luc Alphand a eu plusieurs vies. Jusqu’en 1997, année de sa quête de gros globe de cristal, l’homme de Serre-Chevallier était un redoutable skieur. Outre ce classement général, le dernier pour un Français à ce jour, Alphand a décroché 12 victoires en Coupe du monde, dont 10 en descente, quatre petits globes et une médaille de bronze mondiale. Au sommet de son art, il décide de tout plaquer et se mue en pilote automobile, sa passion. En 2006, au volant de sa Mitsubishi, "Lucho" remporte le Paris-Dakar. L’année qui suit, il hérite de la deuxième place. Présent aussi sur les 24 heures du Mans de 2001 à 2008, Luc Alphand s’est ensuite essayé à la voile. Mais à un niveau moindre.

A ce jour, personne n’a égalé la performance de Clara Hughes, soit décrocher au moins deux médailles aux JO d’été… et aux JO d’hiver. Double médaillée de bronze sur route en 1996, la Canadienne est victime d’une profonde dépression après Atlanta. Elle raccroche son vélo et se tourne alors vers le patinage de vitesse. Présente à Salt Lake City (2002), Turin (2006) et Vancouver (2010), Hughes triple sa moisson sur la glace, avec notamment un titre olympique sur 5000m en Italie. Avec six médailles olympiques, la fille de Winnipeg figure parmi les plus grands champions de son pays. Aujourd’hui, elle lutte contre la stigmatisation liée à la maladie mentale.

Spécialiste du 110m haies, Renaldo Nehemiah reste à jamais le premier homme à avoir couru sous les 13 secondes. Meilleur performeur mondial de 1978 à 1981, mais sans médaille au plus haut niveau, le hurdler américain s’est rapidement tourné vers la NFL. Recruté à 23 ans, Nehemiah rejoint les 49ers de San Francisco en avril 1982. Au sein de la franchise californienne, il évolue au poste de wide receiver (ailier). Tombé dans la bonne équipe, au bon moment, l’Américain évolue trois saisons en NFL aux côtés de Joe Montana et de l’ailier vedette, Dwight Clark. En 1984, Nehemiah et les 49ers décrochent le Super Bowl contre Miami (38-16). Son contrat n’étant pas renouvelé, Nehemiah retrouve la piste et les haies à partir d’août 1986. En août 1989, son record du monde (12"93) tombe (enfin), abrégé d’un centième par son compatriote Roger Kingdom.