Perin : "Rester humble"

Michel Perin : La victoire n'est certaine lorsque l'on franchi la ligne d'arrivée, la preuve en est encore donnée. Voilà, c'est tout... Il faut rester humble. On essayera de gagner l'année prochaine.

Après cet accident de l'étape 12, Carlos Sainz a expliqué que vous n'étiez pas très content du road book depuis deux-trois jours, alors que vous en étiez satisfait en début d'épreuve ...

M.P. : J'en ai parlé avec David Castera (ndlr : directeur sportif du Dakar), avec qui j'entretiens d'excellentes relations. Il m'a expliqué qu'ASO avait commencé les reconnaissances par Valparaiso-Buenos Aires (seconde partie du rallye) et qu'il avait terminé par Buenos Aires-Valparaiso. De ce fait, ils ont profité de l'expérience de la première partie des reconnaissances pour faire un meilleur road book pour le début du rallye. Aussi, la nature du terrain dans la seconde partie de l'épreuve a compliqué la rédaction du road book. C'est pourquoi il n'était pas au niveau attendu. Pour autant, je ne veux pas leur jeter la pierre car un accident n'est jamais du qu'à une cause. En l'occurrence, le road book était de qualité moyenne à cet endroit et notre vitesse était un peu excessive (ndlr : la Volkswagen a plongé dans un ravin de quatre mètres et Michel Perin s'est fracturé une clavicule). Voilà, c'est la réalité des choses.

M.P. : Elle se résume à quelques principes. D'abord, il faut toujours épouser le terrain en termes de vitesse. En d'autres termes, il faut aller vite quand le terrain le permet et rester en dedans lorsqu'il est beaucoup moins favorable. Cette méthode a bien marché dans les ES9 et 10, qu'on a remportées. J'ajoute que lors de ces journées, on s'est fait doubler dans les hors piste, sans que nos adversaires en tirent avantage.

M.P. : C'est plus le copilote que le pilote qui donne le tempo. Mais en fait, la sagesse, ou parfois le manque sagesse, vient des deux. J'ai coutume de dire qu'on partage les victoires et les défaites. Quand des conneries arrivent, elles doivent être supportées par les deux membres de l'équipage. Le copilote calme donc le jeu, ou au contraire pousse le pilote quand il se rend compte que la vitesse est insuffisante.

M.P. : Je n'étais pas avec lui lors de son premier Dakar (2006). Néanmoins, je dirais qu'il s'est bien adapté aux dunes, sachant qu'il n'a rien à apprendre sur les pistes. Autrement, il est plus demandeur d'un road book très précis car il souffre plus que les pilotes expérimentés d'indications parfois approximatives. Il a encore un peu de soucis de ce côté-là mais c'est mineur.

M.P. : Le classerait l'édition 2009 dans la catégorie "dur". A part les premiers jours, ça a été dur tous les jours à partir de l'étape 5. Les organisateurs ont procédé à quelques annulations ou neutralisations qui étaient bienvenues, qui permettaient de faire face à des imprévues. Ils ont été honnêtes. Un Dakar recentré sur le Chili promet d'être plus dur et ce sera peut-être plus facile de doubler les motos car il y aura moins de pistes uniques. Là-bas, les pistes sont plus ouvertes. Le Chili est un peu à l'Amérique du Sud ce que la Mauritanie est à l'Afrique. La navigation y sera aussi plus compliquée. Tant mieux ! J'applaudis des deux mains.

M.P. : Quand le road book est approximatif, j'ai tendance à être plus inquiet, et à m'en sortir un peu moins bien qu'avec un road book précis. Cette année, je ne m'en suis pas mal sorti. Je n'oublie pas que de valeureux copilotes de voitures ont renoncé (Jean-Paul Cottret et Gilles Picard, partenaires de Stéphane Peterhansel et Luc Alphand chez Mitsubishi). On a quand même gagné six étapes dont certaines deux jours de suite au Chili, c'est-à-dire en partant en tête le lendemain. Toujours avec la fameuse "méthode Lartigue". Pierre [Lartigue] m'a appris mon métier et je lui en suis extrêmement reconnaissance. J'ai beaucoup entendu dire, ou lu, que Pierre avait gagné car j'étais à côté de lui, mais c'est une erreur : c'était une conséquence positive d'une excellente entente dans la voiture. Au passage, je veux dire que Pierre n'a pas eu la reconnaissance qu'il méritait face à Vatanen. On a aussi dit que la "méthode Lartigue" ne marchait plus car il faut rouler tout le temps très vite aujourd'hui, mais De Villiers a prouvé le contraire. Il faut être rapide, épargné par les ennuis et très régulier.

M.P. : Il avait terminé 2e en 2006, à une vingtaine de minutes d'Alphand, menait en 2007 avec une demi-heure d'avance et il ne lui avait pas manqué grand-chose. Je suis absolument ravi de sa victoire, pour lui et pour Volkswagen. Il a un bon "touché de balle" comme on pourrait dire en tennis. Il s'est un peu perdu en début de course mais il n'a jamais lâché le morceau. C'est un des "gros poissons" de la discipline aujourd'hui.

M.P. : J'avais gagné le Patagonie en 2005 avec Bruno Saby mais je n'ai pas reconnu un mètre de piste de cette année-là. Je me souviendrai sûrement des dunes de Copiapo, posées sur des montagnes en altitude, avec la vision des volcans quand la lumière s'y prête. Je n'oublierai pas non plus les quelques 500.000 personnes venues nous accueillir avec chaleur et passion à Buenos Aires. J'avais seulement vu ça en Chine, lorsque j'avais gagné le Paris-Pékin en 1992. Le label Dakar a été extrêmement bien perçu en Amérique du Sud. Sur ce plan, ASO a fait un boulot exceptionnellement bon.