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Heintz : "C'est un génie"

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ParEurosport

Mis à jour 04/10/2010 à 17:46 GMT+2

Dominique Heintz est celui qui a découvert Sébastien Loeb et hypothéqué sa maison pour lui payer une voiture. Sans lui, l'Alsacien ne serait peut-être jamais devenu professionnel. Dans l'interview qu'il nous a accordée, l’ami intime raconte l’homme et les moments clés d’une carrière exceptionnelle.

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Crédit: Eurosport

Sans vous, on peut dire que Sébastien Loeb n'aurait jamais percé. Pourquoi avoir décidé d'aider un pilote inconnu à l'époque ?
Dominique Heintz : L'idée remonte à assez loin en fait. En 1986, j'avais eu la chance de recevoir l'aide financière de plusieurs entreprises de la région pour disputer le Dakar. A mon retour, je les avais toutes remerciées, et je leur avais dit : "si un jour je peux à mon tour donner un coup de pouce à un jeune, j'essaierai de le faire.' Finalement, j'ai mis pratiquement dix ans avant de me décider à aider un pilote puisque j'ai contacté Seb pour la première fois en 1995.
Comment l'avez-vous connu ?
D.H. : C'est en lisant les Dernières Nouvelles d'Alsace que je l'ai découvert. Un article évoquait un jeune pilote qui avait été refoulé à la finale de Rallye Jeunes (une épreuve de sélection offrant un volant à un pilote novice) alors qu'il avait fait le meilleur temps pour une vague histoire relativement obscure encore aujourd'hui. Je me suis dit qu'il était peut-être temps de tenir ma promesse et de venir en aide à ce jeune. Je me suis débrouillé pour récupérer son numéro de téléphone et lui proposer de venir boire un café chez moi un dimanche après-midi.
Comment a-t-il réagi à cet appel ?
D.H. : Il a tout simplement eu la très très bonne idée de répondre à cette invitation. Et notre entrevue n'avait pas duré un quart d'heure mais plus de deux heures. On avait parlé de notre passion commune ; c'est parti comme ça. Mais en fin de compte, je ne lui avais strictement rien proposé à ce moment-là. Je lui avais juste proposé de rester en contact afin de voir si on pouvait faire quelque chose ensemble dans le futur.
Quel a alors été l'élément déclencheur ?
D.H. : Pendant plus d’un an, nous sommes restés en contact très régulièrement. A un moment donné, je lui ai dit de retenter sa chance à Rallye Jeunes, à la fin de l’année 1996. La victoire lui aurait apporté une partie du budget pour se lancer dans la discipline, et nous aurions trouvé l’autre partie. Malheureusement, il a commis une faute en finale et s’est fait éliminer. Mais pour moi, il y avait eu un déclic. On ne se hisse pas par hasard deux fois en finale de Rallye Jeunes ! Il devait avoir quelque chose de plus par rapport aux autres pilotes...
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2010 France Citroën Loeb

Crédit: AFP

Tout s’est accéléré à partir de ce moment-là…
D.H. : Effectivement. Deux ou trois mois plus tard, je l’ai appelé pour lui dire qu’il allait rouler avec moi quinze jours plus tard. On avait acheté une voiture et il a roulé sur le Florival en 1997, son premier rallye.
Dans son autobiographie, Sébastien Loeb déclare qu’il vous sera « éternellement reconnaissant ». Ça vous a touché ?
D.H. : C’est très fort, oui. Lorsque je l’ai lu ça m’a… (il perd ses mots). Je m’en doutais un peu mais de le lire, c’est quelque chose de particulier.
A-t-il fait un geste spécial pour vous remercier ?
D.H. : Son plus beau geste a été un jour de me demander d’être son ouvreur. C’était énorme ! Ce poste très important nécessite de la confiance. Lorsqu’il me l’a proposé, j’étais extrêmement fier. Je n’avais pas un gros palmarès, j’étais un pilote de niveau régional. Lorsque je vois aujourd’hui le palmarès des autres ouvreurs pour des pilotes comme Hirvonen, Solberg ou Latvala, je me dis que j’ai eu de la chance d’être là. Sa façon de me dire merci, c’était de me proposer ce travail d’ouvreur qui m’a dès lors permis d’être très proche de lui, en permanence.
Parmi ses qualités, laquelle ressortez-vous en particulier ?
D.H. : J’ai toujours remarqué chez lui sa faculté de donner envie aux autres de se surpasser. Comme ça, il peut prouver qu’il peut aller encore plus haut. Ça a été le fil conducteur de toute sa carrière. Avec Seb, on s’est toujours dit qu’il fallait aller le plus haut possible, le plus vite possible. Chaque décision prise pour orienter sa carrière au début est allée dans ce sens. On a toujours essayé de faire plus que la fois d’avant.
Adolescent, Sébastien était un garçon assez turbulent. L’avez-vous vu évoluer avec le temps ?
D.H. : Je n’ai pas vécu la période la plus turbulente de sa jeunesse. Mais c’est vrai que lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, il n’avait pas du tout le look qu’il a aujourd’hui. Ça c’est clair. Il était habillé comme un jeune de 22 ans au milieu des années 90, avec la mèche rebelle. Mais ce qui m’a surpris le plus quand je l’ai vu, c’était sa détermination. Il était extrêmement motivé pour réussir. Il savait ce qu’il avait envie de faire et était prêt à tous les sacrifices du monde.
Lui avez-vous inculqué des notions de pilotage ou des conseils à ses débuts ?
D.H. : Au niveau technique de pilotage, je ne lui ai rien appris. Il n’en avait pas du tout besoin. Par contre, ce que je lui ai amené, c’est son système de prise de notes qu’il utilise encore aujourd’hui. Il a toujours la même base que je lui avais proposé avec un système d’angle de braquage. Il l’a fait évoluer mais c’est le même système que nous avons utilisé au Florival en 1997.
Comment s’est passé son premier rallye ?
D.H. : Du jour au lendemain, je me retrouve copilote d’un jeune qui n’avait jamais rien fait. Les deux premières spéciales, j’ai vraiment eu peur. On a rejoint l'arrivée de la spéciale mais je me disais qu’on avait eu de la chance et que ça allait finir par s’arrêter. J’étais très inquiet. Je suis sorti de la voiture et j’ai dit à mon pote : ‘tu prends la combinaison, moi je ne remonte plus avec lui. Soit il est complètement fou, soit c’est un génie.’ J’ai tout de même du remonter pour la fin de rallye parce que le règlement interdisait de changer de copilote en cours de rallye. J’ai continué et ça n'a été que du bonheur.
Au pays de Galles en 2003, Guy Fréquelin, le directeur de Citroën, lui avait demandé d’assurer le titre Constructeurs, hypothéquant du coup ses chances de devenir champion du monde Pilotes. Comment avait réagit-il ?
D.H. : Lorsqu’il m’en a parlé au départ de la spéciale suivante, il était complètement abattu. Il comprenait la décision en tant que pilote professionnel mais il avait du mal à la digérer. Ça faisait mal. Aujourd’hui, il aurait huit titres au lieu de sept, ça ne changerait pas la face du monde mais à l’époque, c’était énorme.
L’année suivante, il remporte son premier titre mondial. Six ont suivi dont le dernier pas plus tard que dimanche, à l’arrivée du Rallye de France. Comment est-il dans la victoire ?
D.H. : C’est quelqu’un d’extrêmement modeste. C’est l’opposé d’un Petter Solberg par exemple. Il intériorise beaucoup et ne saute pas partout. Après, en privé, il sait faire la fête comme tout le monde. Je me souviens qu’en 2004, pour son premier titre, on avait fait la fête toute la nuit entre nous…
Si vous ne deviez retenir que le moment le plus fort, lequel serait-il ?
D.H. : Nous sommes tous les deux des personnes qui avons tendance à intérioriser. Je dirais que le moment le plus fort entre nous deux a eu lieu au Tour de Corse après son premier titre. Lorsqu’il arrive au parc d’assistance, on se tombe mutuellement dans les bras et là, c’était très, très fort. Ça ne nous était jamais arrivé. On s’est tous les deux félicité d’une façon très forte et on a pleuré dans les bras l’un de l’autre. Je lui ai dit : ‘t’as vu ce qu’on a réussi à faire !’. C’était fort, c’était très fort…
Aujourd’hui, vous êtes tous les deux associés dans l’équipe PH Sport. Qu’est-ce qui le motive dans cette aventure ?
D.H. : Je dirais que là aussi c’est la continuité d’une belle histoire. J’ai toujours dit à Sébastien que j’aimerais que notre histoire dure le plus longtemps possible et que l’on puisse monter une équipe ensemble. L'idée était de renvoyer l’ascenseur à son tour en montant une filière qui permettrait à un jeune de percer. Le hasard l'a fait rencontrer Bernard Piallat, le directeur de PH Sport, qui était à la recherche de nouveaux associés. Seb trouvait intéressant de s'associer avec lui pour ne pas partir de zéro. J'ai pris contact avec Bernard Piallat et on s'est très vite mis d'accord.
Dans cette optique, avez-vous des pistes pour le futur ?
D.H. : On a mis quelque chose en place mais on va attendre que le bon moment vienne. C'est comme avec Seb. Entre le moment où j'ai bu le café avec lui et le jour où il est monté dans une voiture, il s'est passé quinze mois. Là, c'est pareil. On ne se met pas de pression particulière. Le jour où on sentira qu'il y a un jeune qui aura plus de potentiel qu'un autre, on y ira. Mais on ne se fixe pas d'objectifs.
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2010 France Citroen Loeb

Crédit: Citroën Racing

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