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Le tennis masculin suédois traverse une crise historique

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 22/10/2012 à 15:28 GMT+2

Le circuit ATP a posé ses valises à Stockholm la semaine passée. L'occasion de mesurer la traversée du désert du tennis suédois, si loin de ses années de gloire.

Patrik Rosenholm

Crédit: Scanpix

La semaine dernière, à Stockholm, principal rendez-vous suédois du calendrier du circuit ATP, le numéro un suédois a battu le numéro 6 français. Une information qui aurait dû être d'une invraisemblable banalité. En tout cas pour qui a découvert le tennis au carrefour des années 70 et 80, véritable âge d'or pour le pays scandinave. Sauf qu'aujourd'hui, le numéro un suédois dans la hiérarchie mondiale, Patrick Rosenholm (photo), 24 ans et tombeur de Gaël Monfils devant son public, pointait au... 437e rang au moment de son exploit. Beaucoup ont découvert à l'occasion de cette victoire l'ampleur du désastre du tennis masculin suédois.  Et la tradition, alors? Tout fout le camp de nos jours.
Certes, il n'avait échappé à personne que le tennis suédois n'était plus tout à fait ce qu'il fut, mais là, à ce niveau, ce n'est même plus un déclin. Le phénomène n'est pourtant pas nouveau, même s'il est inédit dans ses proportions. Au début de la saison 2008, un premier évènement majeur avait mis en lumière ces problèmes. Pour la première fois depuis l'avènement de Bjorn Borg au plus haut niveau 35 ans plus tôt, il n'y avait plus de joueur suédois dans le Top 50 du classement ATP. Ils n'étaient même que trois parmi les 200 premiers: Thomas Johansson, Robin Söderling et Jonas Bjorkman. Le premier et le troisième étaient alors respectivement âgés de 33 et 36 ans. Söderling incarnait l'avenir et la seule source d'espoir.
La fin d'une évidence
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STOCKHOLM 20101018 Robin Söderling höll en pressträff i Kungliga Tennishallen på måndagen inför Stockholm Open

Crédit: Scanpix

De fait, pendant trois ans, l'ami Robin a ensuite caché la misère, atteignant notamment deux finales de Grand Chelem à Roland-Garros, en 2009 et 2010. Mais les problèmes physiques du grand cogneur de Tibro, éloigné des courts depuis l'été 2011, ont révélé de façon brutale une dure réalité: derrière lui, il n'y avait absolument personne. Depuis la retraite de Stefan Edberg, au milieu des années 90, le tennis suédois n'a jamais réussi à retrouver une dynamique collective durable. Il n'a vécu, depuis, que par le biais de certaines individualités, comme autant d'arbres cherchant à masquer la déforestation de jeunes talents. Ces quinze dernières années, la Suède a encore vécu quelques belles heures, via Thomas Enqvist, Magnus Norman, Thomas Johansson (le dernier vainqueur suédois en Grand Chelem, en Australie, en 2002), et plus récemment, donc, Robin Söderling, alors que Joachim Johnasson, un temps grand espoir du pays, a vu sa carrière stoppée par les blessures. Pourtant, il ne faut pas s'y tromper, le déclin était déjà une réalité.
Aujourd'hui, le tennis ne fait plus recette en Suède. Dans le sillage de Bjorn Borg, première star mondiale du tennis moderne, un cercle vertueux s'était dessiné. "Grâce à Borg, beaucoup d'enfants ont voulu commencer à jouer au tennis, moi compris d'ailleurs, témoignait récemment Stefan Edberg sur CNN. Beaucoup de courts ont été construits et l'intérêt pour ce sport n'a cessé de croitre." Dès la seconde moitié des années 70, les gamins qui étaient doués pour le sport s'orientaient presque naturellement vers le tennis. Comme une évidence. Celle-ci a vécu. Jonas Bjorkman, ancien numéro 4 mondial, a connu à ses débuts la fin de l'ère dorée, quand Wilander et Edberg jouaient encore. Comme d'autres, il a essayé, du temps où il jouait, de tirer la sonnette d'alarme. En vain. Selon lui, la fédération ne les a pas écoutés tant qu'il était encore temps. "Nous avions essayé de proposer beaucoup d'idées, d'avancer des solutions pour remettre le tennis sur les bons rails en Suède. Malheureusement, ces idées n'ont jamais été plus loin que nos paroles. Nous n'avons pas été entendus", déplore-t-il.
Wilander : "On a toujours eu de bons juniors mais..."
En se reposant sur ses stars et ses lauriers, le tennis a oublié d'aller vers les jeunes. A force de succès, ce sport a cru que les Borg, les Wilander et les Edberg continueraient de se multiplier. La formation suédoise, si impressionnante dans les années 80 (combien de joueurs sont passés directement des clubs au circuit ATP alors qu'ils avaient à peine 17-18 ans?) La source s'est tarie. Aujourd'hui, le tennis suédois ressemble à la Mer d'Aral. Peut-il renaître de ses cendres? Oui, mais le processus sera long. Le déclin a été lent et progressif, le retour au sommet le sera également. Thomas Enqvist, le capitaine de l'équipe de Coupe Davis, espère une renaissance dans les prochaines années, à une échelle de "cinq ans". "La fédération fait aujourd'hui du très bon travail", assure-t-il. La Suède s'est effectivement remise au boulot. Il y a quatre ans, plusieurs académies fédérales ont été montées. Elles accueillent des jeunes à partir de 13 ans et ont pour vocation de les amener au plus haut niveau. En 2009, Daniel Berta a remporté le titre juniors à Roland-Garros, mais il n'a pu confirmer au niveau supérieur. Au pays, on commence déjà à parler des frères Ymer, Elias et Mikael, 14 et 16 ans. L'ainé a vu le jour l'année où Stefan Edberg a quitté les courts...
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Thomas Enqvist

Crédit: Eurosport

"On a de bons juniors, mais on a toujours eu de bons juniors, nuançait cependant Mats Wilander, notre consultant, lors d'un chat organisé avec nos internautes à Roland-Garros. Déjà en Suède, on ne peut pas lutter contre des pays comme l'Espagne sur le vivier et le nombre de pratiquants. Ensuite, il faut comprendre qu'on a eu de bons joueurs de tennis car on a eu de bons athlètes : moi, Stefan (Edberg), Bjorn (Borg), on était comme ça. Söderling est un bon joueur de tennis, mais pas un bon athlète. Dans le système actuel, on se spécialise trop tôt dans le tennis... En Suède, il faut former de bons athlètes et espérer qu'ils choisiront le tennis. L'autre problème, c'est que la société est très... cool, tout est axé autour du bien-être, de la politesse, de la nécessité d'être quelqu'un de bien. Avoir un bon job, être bon avec les autres. Et c'est très bien comme ça... sauf pour le tennis. En tennis, il faut être très indépendant, avoir envie de se battre, d'émerger, de lutter. Ce qu'enseigne la société suédoise est très constructif, mais pas très bon pour le sport et le tennis."
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