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"Henri en était capable"

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ParEurosport

Mis à jour 30/11/2011 à 10:02 GMT+1

Homme de l'ombre, Patrice Hagelauer a joué un rôle central dans l'équipe de France de Coupe Davis 1991, notamment en misant sur Leconte avant les autres. Entraîneur des Bleus et intime de Yannick Noah, l'actuel DTN nous a reçus dans son bureau pour nous expliquer comment la victoire avait pris forme

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Crédit: Eurosport

PATRICE HAGELAUER, Yannick Noah et vous formiez un tandem respecté au sein de l'équipe de Coupe Davis. Quel était votre rôle au sein de cette équipe lors de l'épopée de 1991 ?
P.H. : J'étais l'entraîneur de l'équipe. J'étais également l'entraîneur de Yannick, notamment au moment de sa victoire à Roland-Garros en 1983, et aussi d’Henri Leconte. Je les ai connus tout petits, je les ai vus grandir. Je connaissais leurs forces, leurs faiblesses. J'ai été l'entraîneur de l'équipe de France jusqu'en 2009 avant que Lionel Roux ne prenne mon relais.
Expliquez-nous pourquoi Yannick était le meilleur pour ce poste de capitaine ?
P.H. : Personne ne pouvait rivaliser avec Yannick. A partir du moment où il avait décidé de tenir ce rôle, personne ne pouvait l'en empêcher. A l'époque, il est le seul à avoir un palmarès qui parle avec sa victoire à Roland-Garros, le respect des autres joueurs et le discours adéquat. Le seul problème est qu'il était encore joueur quand la question s'est posée. Après en avoir parlé avec Christian Duxin (responsable de la logistique à la FFT, NDLR) qui avait soumis cette idée, j'ai posé la question à Yannick avec beaucoup de pincette à l'issue de l'US Open 1990 où il avait été rapidement éliminé. Et je pense que c'était le bon moment.
N'y avait-il que vous pour lui proposer ce choix presque cornélien qui mettait quasiment un terme à sa carrière de joueur ?
P.H. : J'avais passé suffisamment de temps avec lui pour me permettre de le mettre devant cette réalité : sa carrière de joueur s'essoufflait peut-être, mais être capitaine de Coupe Davis découlait du bon sens. Et j'étais suffisamment à l'aise avec cette idée pour lui soumettre sans crainte. Et lui-même n'a pas mis longtemps à accepter de relever ce défi, parce qu'il avait l'aval des autres joueurs et qu'il avait imposé que cette Coupe soit la priorité de l'année. Sinon, il ne se serait jamais lancé dans cette aventure.
N'y avait-il que vous à avoir de l'influence sur lui ?
P.H. : Il y a des gens qui ont vraiment compté pour lui à cette époque. La personne à laquelle je pense surtout, c'est Arthur Ashe. Ce joueur et la sagesse qu'il dégageait l'ont toujours inspiré, autant dans sa vie que sur le terrain. Je pense aussi à Donald Dell, qui était son agent et qui est devenu celui de son fils Joakim, qui avait un discours qui touchait Yannick. Enfin, j'ai un peu la prétention de penser qu'il m'écoutait un peu aussi. Je l'ai entraîné durant onze années, si nous sommes restés ensemble, c'est aussi que nous nous entendions bien et que nous arrivions à communiquer.
Il vous a écouté en tout cas à Pau, après avoir gagné les demi-finales face aux Yougoslaves, lorsque vous lui avez proposé d'intégrer Henri Leconte à l'équipe pour jouer la finale... Cette décision, qui vient de vous, peut paraître dingue à l'époque car Leconte est classé au delà de la 150e place mondiale et a le dos en compote... Comment en êtes-vous venu à avoir cette idée ?
P.H. : Cette idée était latente tout au long de l'année. Henri, c'est un magicien, c'est un joker. Je savais qu'à tout moment, il pouvait sortir LE match contre n'importe qui. A l'entraînement, une fois, il a collé un 6-0 à John McEnroe qui a ensuite quitté le court dégoûté. Il était capable du meilleur comme du pire. Pour nous, à l'époque, il faisait déjà partie de l'équipe de double car, associé à Guy, il n'y avait pas meilleure formation. Ensuite, nous nous sommes dit naturellement, sur un match face à Agassi ou Sampras, il peut gagner. Il l'avait déjà prouvé.
Il n'y avait pas d'autres joueurs en pleine possession de leur moyen à vos yeux qui auraient pu se transcender sur un match ?
P.H. : Guy Forget était le pilier de l'équipe et 1991 était son année. Il était impensable de se priver de lui du point de vue de ses résultats du moment. A côté de lui, il y avait des joueurs formidables, mais ils étaient un ton en dessous. Je pense à Arnaud Boetsch, Olivier Delaitre ou encore Fabrice Santoro. On avait Sampras et Agassi en face. Pour viser la gagne, il fallait parier sur Leconte. On avait les as et d'autres cartes en main. On ne pouvait pas se permettre de ne pas tenter de jouer avec nos atouts.
Physiquement, Henri est très diminué. Si un retour était possible, n'aviez-vous pas peur qu'il casse à nouveau ?
P.H. : Nous avions fait un point avec le docteur Montalvan. Il nous avait donné le feu vert. C'est entré dans la tête de Yannick et c'est avec joie et solennité que nous avons annoncé notre décision à Henri au bord de la piscine de l'hôtel où nous étions à Pau. Et c'est déterminé comme jamais qu'il est parti ensuite dans un centre de rééducation en Bretagne avec Patrick Chamagne pour se remettre d'aplomb avant de nous rejoindre en stage.
L'alchimie a opéré tout de suite entre lui et le reste de l'équipe ?
P.H. : Quand il a été remis sur pied et qu'il nous a rejoints, il a fallu le canaliser car il était très difficile à gérer. Il en faisait beaucoup à l'entraînement. Il ne se ménageait pas. Il voulait montrer qu'il avait les capacités de jouer. Pendant un temps, j'avais tellement peur qu'il fasse n'importe quoi que je lui avais imposé de servir d'une façon très précise, sans se cambrer et avec un geste plus haut, pour ne pas qu'il sollicite son dos. Après quelques matches sur le circuit, il nous a rejoints à Montreux lors du stage de préparation et le jour-même, il claquait des aces comme si rien ne lui était arrivé.
La confiance que vous lui accordiez et le fait qu'il sache qu'il allait jouer lui a donné des ailes finalement...
P.H. : Bien sûr qu'il y a une dimension très psychologique dans son retour au premier plan. Il sentait la confiance que nous avions en lui. La force d’Henri a toujours été de se dire qu'il était capable de faire des coups. Et nous le savions tous pour y avoir déjà assisté au cours de sa carrière. Je le suis depuis tout jeune et il m'a toujours étonné.
Sa titularisation pour les matches de simple n'était donc plus discutable...?
P.H. : A l'entraînement, il était largement au-dessus des autres joueurs. Donc la décision de le lancer dès le vendredi a été prise avec Yannick assez vite. On lui a annoncé ensemble le mardi, il a fondu en larmes tellement il était heureux. Cela a fini de le convaincre qu'il arriverait à faire bonne figure et cela l'a remonté à bloc jusqu'au bout... comme si cela était nécessaire (rires)...
Est-ce que les autres membres de l'équipe l'étaient tout autant ?
P.H. : C'est ça aussi l'esprit de la Coupe Davis. Il faut qu'il y ait une cohésion de groupe, que tout le monde adhère au projet et respecte les choix. Tout le monde a été exemplaire pendant le stage. S'il y a eu des tensions, tous les problèmes ont été réglés en mettant tout sur la table avant que la finale ne commence. Après on ne peut pas refaire l'histoire, mais est-ce qu'un Fabrice Santoro aurait pu battre Sampras ? Sur un court indoor, cette année-là, je ne suis pas persuadé. Arnaud ou Olivier, qui jouaient aussi très bien, je ne suis pas sûr non plus. Et puis, l'issue de la finale nous a donné finalement raison. Si c'était à refaire, je pense que nous referions la même chose.
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