L'art du contre-pied

"Je suis content de ma surprise et je crois que les Espagnols ne s'attendaient pas à cela non plus." Face aux médias, Guy Forget est tout sourire. Il sait qu'il a pris tout le monde à contre-pied en n'alignant pas Jo-Wilfried Tsonga sciemment dès le premier jour pour disputer les demi-finales de Coupe Davis. Ce n'est donc pas le Manceau qui sera le N.1 français pour les simples, mais Gilles Simon, 11e mondial tout juste derrière JWT au classement ATP. Pas spécialement attendu et même réserviste en tout début de campagne, voici le Niçois en première ligne, aux côtés de Richard Gasquet qui lancera l'offensive dans les arènes de Cordoue.

Pour le capitaine des Bleus, ce choix semblait évident. "Je ne voulais pas me passer de trois joueurs de simple en plus d'un quatrième pour le double. J'ai eu quelques interrogations, mais dans mon esprit, Julien Benneteau était déjà le 6e homme. Avec la blessure de Gaël, il est devenu le 5e. Mais très vite, j'ai su que je ne ferai pas appel à lui. J'ai besoin de solution en simple et la densité de Français dans le Top 15 exclut a fortiori Julien." Cette donnée là en mains, la question suivante porte sur Tsonga : pourquoi s'en priver le vendredi face à David Ferrer ? "J'ai besoin d'un Jo frais pour le double de samedi car ce point est primodial pour nous. Sa complémentarité me plaît avec Mika et leur victoire en Allemagne a été encourageante. Ensuite, nous verrons comment les événements tournent." La rumeur voudrait que JWT, arrivé de Genève mardi après un temps repos supplémentaire, ne soit pas encore complètement prêt pour cette rencontre... Personne dans les rangs français n'a bien sûr confirmé cette information.

"Ce n'est jamais facile de faire un choix avec des joueurs de gros calibre, haut classés, au niveau assez proche les uns des autres", se défend encore Forget. Je suis confiant dans ces choix, dans la préparation de chacun. Je n'ai pas fait des choix à l'emporte-pièce. Il y a quand même un peu de stratégie derrière tour ça. Et nous ne sommes pas à l'abri d'une autre surprise". Comme faire jouer Tsonga le dimanche par exemple ? L'intéressé ne préfère pas répondre directement. "Nous verrons ce que décide Guy, moi je me tiens prêt. Je ne suis pas spécialement surpris de ses choix en simple. Au vu de mes résultats par rapport aux autres sur terre battue, je n'ai pas de légitimité pour jouer en simple plus que Gilles et Richard."

Gilles Simon endossera ainsi ce rôle de leader sans réchigner, même si la pression sera indéniablement sur ses épaules : de son résultat face à David Ferrer lors de la deuxième rencontre du week-end dépendra la survie de l'équipe de Forget au cours de cette demi-finale, avant même de parler du double, autre point stratégique à ne pas rater. "Mon match sera difficile et important car il sera plus jouable face à David Ferrer que Richard face à Nadal. Ce sera un match dur et sans doute long, même si je n'ai gagné que cinq jeux contre lui sur terre en deux matches. C'était il y a longtemps (à Bastad et Monte-Carlo en 2007, NDLR) et je suis content de l’avoir battu il y a peu (cet été à Cincinnati sur dur, NDLR.)"

Absents de la séance d'entraînement sur le court principal le matin même, sans doute pour préserver la surprise, le Niçois et le Biterrois sont donc apparus sous la chaleur assommante jeudi après-midi (quasiment 40°C en plein soleil) sous les coups de 15h30 pour taper la balle l'un face à l'autre. Et ce, en toute décontraction, le premier allant même jusqu'à imiter Nadal (de façon sonore uniquement) pour mettre Gasquet dans l'ambiance... Mais du côté espagnol, l'heure est moins à la rigolade. Le N.2 mondial n'est pas dans son assiette et l'a fait savoir ce jeudi midi.

Trois personnes étaient encore au petits soins autour de lui ce matin à l'entraînement pour lui panser soigneusement son pied droit. Mais le mal serait plus profond : les inducteurs de sommeil ne pourraient pas faire grand chose contre la grande fatigue de l'Espagnol qui était encore à New York lundi, avant qu'un jet privé ne le rapatrie d'urgence d'outre-atlantique. Et si Rafael Nadal ne jouait pas vendredi face à Richard Gasquet lors de la première rencontre ? "Pas impossible", a glissé l'air de rien son oncle et entraîneur Toni Nadal. "Nous verrons vendredi..." Effectivement, nous ne sommes pas à l'abri d'une nouvelle surprise.