Jonathan Eysseric, de galérien du circuit à sparring-partner sur le retour

Cela ne vous a sans doute pas échappé. Jonathan Eysseric a fait parler de lui sur la Toile en poussant la chansonnette lors du dîner de gala la veille de la rencontre entre la France et la Grande-Bretagne, jeudi à Rouen. Sans se démonter, le Français de 26 ans a interprété "Let It Be" des Beattles pour faire honneur au gentil bizutage imposé par Yannick Noah aux nouveaux arrivants. Un défi qu'il n'a pas hésité à relever car, du haut de son 225e rang mondial, Eysseric était loin de penser se retrouver là il y a un mois, au milieu des autres Tricolores dans le cadre d'un quart de finale de Coupe Davis.

S'il est là, c'est que Yannick Noah et Cédric Pioline ont fait appel à lui pour prêter main forte à l'équipe. Pas pour être titulaire, mais pour être sparring-partner de Benneteau et Mahut. En double, cet amoureux du Sud est 85e mondial et a un coup droit de gaucher, comme Jamie Murray ; idéal pour préparer la rencontre capitale de samedi. "On m'a contacté il y a 3 semaines pour venir jouer le rôle de sparring-partner, nous a confié Jon. On a travaillé précisément sur toutes les trajectoires de balle que peut donner un gaucher. C’est la première fois que je suis appelé en Coupe Davis. C'est un régal pour moi. Je suis fou des sports collectifs, et dans mon sport, la Coupe Davis est un peu l’apothéose dans ce domaine. C’est une très, très belle expérience pour moi."

Pour Jonathan Eysseric, c'est surtout une occasion idéale de sortir la tête de l'eau et d'un quotidien parfois difficile. Cet ancien espoir du tennis français est un galérien du circuit. De ceux qui sont passés par tous les états : flamboyants dans leur jeunesse et déçus par la tournure de leur carrière. De la même génération que les Raonic, Nishikori, Goffin ou Dimitrov, Eysseric a été numéro un mondial juniors et a été très vite vu comme un futur champion. En 2008, il a même poussé Andy Murray à jouer cinq sets au 1er tour de Roland-Garros et a servi de sparring-partner à Roger Federer, qui cherchait un gaucher avant de défier Rafael Nadal.

Mais la dure vie du circuit l'a rattrapé : une blessure au poignet et six mois d'arrêt ont stoppé son élan. Ses changements d'entraîneurs fédéraux, d'Olivier Soulès à Jérôme Prigent en passant par Thierry Champion, ne lui ont pas facilité la vie. Et son manque de recul, au moment où une régression de son niveau était constatée, ont eu raison de son ascension. Cela l'a plongé inexorablement dans l'anonymat au moment où d'autres joueurs, plus jeunes que lui, en sortaient peu à peu, à l'instar des Pierre-Hugues Herbert et Lucas Pouille. De galère en galère, Eysseric a mangé son pain noir, parvenant difficilement à joindre les deux bouts en fin de mois, rançon de beaucoup de joueurs de tennis loin des fastes du circuit ATP.

Pourtant, il ne lâche pas prise. En 2015, il a même l'idée de faire un appel aux dons sur la toile pour se payer un coach pendant un an. Cela ne le fait pas décoller au classement pour autant, mais au moins, la mobilisation qu'il constate à son encontre lui redonne du courage. Et l'envie de continuer et progresser encore. Alors, quand le team France lui demande de venir prêter main forte aux Bleus, Jon ne se fait pas prier. "C’est la première fois que je côtoie vraiment Yannick Noah et c’est un personnage ! Il donne énormément de confiance autour de lui. C’était un de mes idoles de jeunesse et j’espère le côtoyer le plus de fois possible !" Si Mahut et Benneteau l'emportent samedi, qualifiant au passage les Bleus pour le prochain tour, Eysseric pourra se dire qu'il aura tout gagné. Ainsi soit-il.