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Il est (encore) temps d'aimer Lleyton Hewitt comme il le mérite

Laurent Vergne

Mis à jour 17/09/2015 à 18:48 GMT+2

COUPE DAVIS – A quelques encablures de la retraite, Lleyton Hewitt remet pour la énième fois le couvert en Coupe Davis. Une épreuve que l'Australien a incarné mieux que quiconque depuis plus de 15 ans. L'occasion de profiter encore de ce formidable combattant des courts, qui jouit enfin d'une affection longtemps réservée à d'autres.

Lleyton Hewitt

Crédit: Panoramic

J'ai toujours eu une attirance pour ceux que personne n'aimait. Gamin, j'ai traversé les années 80 en vénérant Ivan Lendl. Une passion irrationnelle, j'en conviens (mais quelle passion l'est ?), qui m'a valu à l'époque une certaine solitude, dans ma famille ou auprès de mes amis du club de tennis, lesquels préféraient au grand Ivan, qui un McEnroe, qui un Wilander, qui un Edberg ou, à vrai dire, n'importe qui d'autre que le croque-mort d'Ostrava.
Sans nourrir la même ferveur pour lui, j'ai éprouvé quelques années plus tard une sympathie presque immédiate pour Lleyton Hewitt. Lui non plus n'a pas franchement fait l'unanimité au fil de sa carrière. Sans atteindre les sommets de détestation générés par Lendl, il ne m'apparait pas exagéré de dire que Hewitt a suscité davantage de réserves et de reproches que d'envolées d'enthousiasme. Je l'ai toujours regretté.
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Lleyton Hewitt en Coupe Davis

Crédit: AFP

Le reproche du "sur-jeu"

Aujourd'hui, à l'hiver d'une carrière remarquable de près de deux décennies, l'ami Lleyton semble enfin faire (presque) l'unanimité. Comme s'il recevait tardivement une affection que le grand public et les médias lui ont longtemps refusée. Non qu'il n'ait pas eu sa part de tort, comme avec le douteux épisode James Blake à Flushing. Mais j'ai souvent eu le sentiment qu'avec lui, on focalisait par principe sur le négatif, sans reconnaître ses mérites et, surtout, ce qu'il apportait à ce jeu.
Le malentendu a pu aussi venir du fait qu'on reprochait à Hewitt de surjouer. Oui, il a lâché entre 3 et 4 millions de "come on", ou plus exactement de "come ooooooooooooon", gueulés à tout bout de courts, parfois au terme de points aux frontières de l'anodin. Que cela ait pu agacer, certes. Mais Hewitt n'a jamais triché. Il l'a encore rappelé à Flushing après sa défaite contre Tomic. "J'ai toujours eu ça en moi et cette envie de me battre est toujours venue naturellement. Je suis un compétiteur, c'est ce que j'ai en moi. Et je suis fier d'avoir toujours pu tirer le maximum de ce que je pouvais faire."
Pour ma part, j'ai donc tout de suite aimé le gamin d'Adélaïde lorsqu'il a déboulé sur le circuit, remportant à moins de 17 ans son premier titre sur le circuit. Il dégoulinait de ce joueur une passion débordante pour le tennis et, plus encore, pour la compétition.

Le feu sacré

Hewitt a connu des hauts, très tôt, puis des hauts et des bas, puis des bas et des bas. Mais il a toujours conservé cet amour de son sport et de la baston. Il a ça en lui. Et ça l'a tout de même porté à une place enviable. Fin 2002, à 21 ans, il totalisait déjà deux titres du Grand Chelem, deux Masters, et deux couronnes de numéro un mondial en fin de saison. Hewitt était parti pour marquer durablement l'histoire. Il ne l'a pas fait. Parce qu'il a touché rapidement ses propres limites, face à l'émergence d'un Roger Federer. Hewitt est rentré dans le rang. Un peu. Puis beaucoup. Son grand mérite, c'est d'avoir digéré la supériorité d'autrui sans jamais s'y résigner. Ça n'a pas rassasié sa soif de combat.
Résultat, à 34 ans, il est toujours sur le circuit. Son corps a subi tant de meurtrissures qu'on aurait aisément compris qu'il tire le rideau il y a trois ou quatre ans. Mais non. Il continue. Parce que la flamme de la passion, elle, a conservé jusqu'au bout son intensité. Ce feu sacré permet encore à l'ami Lleyton, de temps à autre, de sortir quelques matches peu ordinaires, comme son deuxième tour au dernier US Open contre Bernard Tomic. Match perdu, certes, en 5 sets, mais après un formidable combat dans une formidable ambiance. Une ambiance digne de la Coupe Davis. D'ailleurs, ce soir-là, la colonie australienne, comme toujours nombreuse, avait pris fait et cause pour Hewitt, laissant Tomic un peu seul sur le Grandstand.
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L'hommage de Flushing à Lleyton Hewitt

Crédit: AFP

"Ils l'aiment bien le vieux, non?"
Ce n'est pas un hasard. Hewitt, c'est LE joueur de Coupe Davis par excellence. Cette épreuve libère le meilleur de ce que le teigneux a à offrir. Il y a produit son meilleur tennis. Sans doute parce qu'en Coupe Davis, on combat plus qu'on ne joue. En quart de finale, il a encore été héroïque face au Kazakhstan. Après la faillite des baby stars Kyrgios et Kokkinakis le vendredi, Hewitt a gagné le double avec Groth, puis apporté le point de la victoire dans le 5e match. L'histoire serait franchement belle s'il pouvait partir sur un dernier sacre en Coupe Davis.
Quoi qu'il arrive, après la Coupe Davis, il y aura ce dernier Open d'Australie, en janvier prochain. Son 20e. La boucle sera bouclée. Ce sera l'occasion d'une dernière dose d'adrénaline et d'un dernier cri d'amour du public australien même si, aujourd'hui, cette affection a donc dépassé les frontières de son pays. A New York, il en avait d'ailleurs rigolé. A un journaliste lui demandant comment il vivait la différence d'attitude du public vis-à-vis de lui par rapport à ses débuts, il avait eu ces mots : "ils l'aiment bien le vieux, non?" Oui, on l'aime le vieux. Il va même manquer, quand il sera parti.
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