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Patrick Mouratoglou: "Noah n'était peut-être pas le seul choix, mais c'est probablement le meilleur"

Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 10/11/2015 à 11:40 GMT+1

COUPE DAVIS - En exclusivité pour notre site, Patrick Mouratoglou est revenu sur la nomination de Yannick Noah à la tête de l'équipe de France de Coupe Davis. Un choix judicieux pour le coach de Serena Williams, qui loue l'autorité et la qualité de meneur d'hommes du nouveau capitaine.

Yannick Noah - capitaine de Coupe Davis

Crédit: Panoramic

Allons-y franchement : Yannick Noah capitaine de l'équipe de France de Coupe Davis, est-ce un bon choix ?
P.M. : C’est un très bon choix. Quel que soit le choix du capitaine, il y a toujours du pour et du contre. Le contre, c’est qu’il regarde le tennis de loin depuis un moment déjà. Mais je suis sûr qu’il a suivi son évolution. En revanche, le pour dépasse largement le contre. D’abord, il jouit une crédibilité incontestable. En tant que joueur, mais ce n’est pas le plus important. Comme capitaine de Coupe Davis, il a une carrière exceptionnelle. Il a remporté deux Coupes Davis, notamment une où nous n'étions pas franchement favoris...
Vous faites écho à la finale de 1991 face aux Etats-Unis et celle de l'an dernier contre la Suisse ?
P.M. : Je n’aime pas entendre que notre défaite en finale face à la Suisse est normale parce qu'ils étaient trop forts... Et les Etats-Unis en 91, n’étaient-ils pas largement plus forts que la France ? Je ne vise personne en particulier, mais j’ai entendu de nombreux commentaires que j’ai trouvés choquants.
Sur le fait que perdre face à Federer et Wawrinka était normal parce qu’ils étaient largement favoris par rapport aux Français ?
P.M. : Bien sûr qu’ils étaient favoris ! Mais les Etats-Unis étaient archi-favoris en 91. Quand tu as Sampras et Agassi en face, plus Flach et Seguso, numéros un mondiaux du double. De l’autre côté, il y a Guy Forget, qui est quatrième mondial, et Henri Leconte qui revient de blessure.
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Jo-Wilfried Tsonga et Gaël Monfils, lors de France-Suisse en finale de la Coupe Davis 2014

Crédit: Panoramic

Mais contre la Suisse, manquait-il un Noah ou un Leconte ?
P.M. : Il n’y avait que Leconte pour faire ce qu'il a fait face à Sampras, mais il n’y avait que Noah pour mettre les joueurs en situation. Il a montré dans le passé X fois qu’il est capable de mettre les joueurs en état de jouer leur meilleur tennis quand il le faut.
Mais on vous dira qu'il n’y a pas de honte à admettre qu'on a perdu contre plus fort que soi...
P.M. : C’est inacceptable de dire cela. On ne peut pas balayer d'un revers de main le fait que les Suisses ont joué leur meilleur tennis alors que les Français sont passés à côté de l’événement, à part Gaël (Monfils). Parce que c’est ça une finale : il faut être capable de jouer son meilleur tennis. Sur le papier, ils étaient plus forts, OK, mais si nous, nous avions joué notre meilleur tennis, qu’est-ce qu’il se serait passé ? On n’en sait rien et on ne le saura jamais.
L'éviction d’Arnaud Clément vous parait plutôt justifiée ?
P.M. : Aujourd’hui, c’est facile de tirer sur l’ambulance. Reste que quand on est capitaine de Coupe Davis, quand on est coach, on est focalisé sur les résultats. Si la personne qui choisit le capitaine, quelle qu’elle soit, considère que les résultats ne sont pas au niveau attendu, on paye le prix, c’est tout. C’est pareil pour nous, entraîneurs. Donc ce n'est pas à moi de juger la performance.
La forme vous a-t-elle choqué ? Ou il n’y a pas de bonne forme de toute façon dans ces cas-là ?
P.M. : Je ne sais pas exactement dans le détail comment ça s’est passé. Mais en tout cas, Arnaud, lui, a été choqué par la forme. C'est dommage. Maintenant, encore une fois, si la Fédération juge que les résultats ne sont pas satisfaisants, c’est leur droit de démettre de ses fonctions le capitaine de Coupe Davis. La forme est importante, c’est clair. C’est important que les gens se sentent respectés. Et peut-être ne s’est-il pas senti respecté. Mais je n’ai pas à commenter cela, c’est entre eux.
Y a-t-il tout de même des choses à mettre à son crédit ?
P.M. : Il n’a pas à rougir de son bilan. Faire une finale de Coupe Davis, ce n’est pas négligeable pour une nation qui n'a pas non plus l’habitude de la gagner chaque année. Il avait réussi pas mal de choses, notamment à motiver les joueurs pour cette compétition. Ce qui n’a pas été forcément tout le temps le cas. Il a su créer un esprit d’équipe.
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Arnaud Clément

Crédit: AFP

Au-delà des résultats, de façon latente, c'est aussi son manque d'autorité qui lui était reproché...
P.M. : Ce qui est certain, c’est qu’il est indispensable que le capitaine de Coupe Davis ait énormément d’autorité. C’est indispensable. Comme il est indispensable que le coach, qui va coacher un joueur ou une joueuse, ait beaucoup d’autorité aussi. Sinon, il n’a pas de moyens d’action. Et je pense que c’est encore plus important en Coupe Davis.
Au bout du compte, une fois Clément écarté, il n’y avait que Noah pour reprendre cette équipe en main ?
P.M. : Je ne sais pas s’il y avait que Noah, mais en tout cas je pense que c’est un très bon choix. Maintenant, il a été nommé, nous devons tous être derrière lui et derrière l’équipe.
Mais n'est-ce pas un constat d'échec que de devoir s'en remettre aujourd'hui encore à Yannick Noah ? Comme s'il était le seul capable de faire gagner cette génération...
P.M. : Encore une fois, Yannick n'était peut-être pas le seul choix, mais c'est probablement le meilleur.
Mais est-ce que ça ne reviendrait pas à aller chercher Jacquet en équipe de France sous prétexte qu'il a gagné la Coupe du monde il y a 17 ans ? Est-ce qu'on doit nommer quelqu'un parce qu'il était le meilleur il y a 20 ou 25 ans ou parce qu'il peut être le meilleur aujourd'hui?
P.M. : Mais s’il est le mieux placé pour amener l’équipe de France à la victoire finale, pourquoi pas ? Le rôle de la Fédération est de choisir la personne la plus capable.
A part lui, qui d'autre alors ?
P.M. : Je ne sais pas, je n'ai pas réfléchi à la question. Le nom de Yannick est sorti très tôt, donc il n’y a pas vraiment eu de débat.
Pour la succession d'Arnaud Clément, avez-vous été approché, de près ou même de très loin ?
P.M. : Jamais.
Vous le regrettez ?
P.M. : Les choses nécessitent du temps. C’est peut-être trop tôt. Mais je sens que cela avance dans le bon sens avec la Fédération qui s’ouvre. Il y a deux questions qui se posent. La première est : quel est le meilleur capitaine possible pour l’équipe de France ? Yannick a été choisi et je pense que ce choix est judicieux. Ensuite, l’autre question concerne les relations entre la FFT et le privé. Et de ce point de vue, je suis aussi optimiste. Nous devons tous unir nos forces dans l’intérêt du tennis français.
Lors de sa conférence de presse d'intronisation, Yannick Noah a loué les qualités humaines d'Arnaud Clément, mais sur le fond, il a été cinglant...
P.M. : Je suis d’accord sur le fait qu’il a un bilan sans concession.
Cela vous a-t-il surpris ?
P.M. : Yannick n’est pas très politique. Il ne l’a jamais été. C’est un défaut, mais c’est une qualité aussi. C’est un gars qui va droit au but. Cette forme de franchise qu'a Yannick, c'est un défaut parce qu'on vit dans un monde où il faut être politique, mais c'est aussi une façon pour lui d'affirmer d'emblée son autorité.
Il fonctionnera de cette façon avec les joueurs selon vous ?
P.M. : Quand on gère les gens, il faut avoir la capacité à dire les choses clairement. Il a dit qu'il allait être très clair avec tout le monde, que personne ne serait indispensable dans l’équipe, que chacun devait gagner sa place. Les critères, il les a mis sur la table. Ce sont ces critères qui vont décider qui va jouer de qui ne va pas jouer. Il y a beaucoup de joueurs frustrés en Coupe Davis, parce qu'ils ont l'impression qu'on ne leur dit pas vraiment les choses en face. On entend toujours ça au foot aussi "le coach ne me fait pas jouer, je ne comprends pas bien pourquoi". Tout ça nuit à l'autorité du coach.
Comparé à ses précédents mandats, Noah va se retrouver avec des joueurs qu'il connait moins bien. Il ne sera ni le pote ni le grand frère. Cette génération, qui fonctionne d'une certaine façon depuis 10 ans, va-t-elle adhérer?
P.M. : Je ne suis pas inquiet là-dessus. Yannick, il a un discours jeune. Et c'est un meneur d'hommes. Je pense qu'on est meneur d'hommes ou on ne l'est pas. Il y a des gens qui savent se rendre crédibles et avoir de l'autorité et d'autres qui ne peuvent pas le faire. Yannick sait le faire parfaitement. Il saura s'imposer et mettre un cadre tout en se connectant avec les gens. Parce qu'il faut aussi que les gens l'aiment. Il faut les deux. L'autorité ne suffit pas.
Entretien réalisé par Laurent Vergne et Sébastien Petit
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