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Laver Cup, chic ou pschitt?

Laurent Vergne

Mis à jour 22/09/2017 à 09:58 GMT+2

Concept inspiré de celui de la Ryder Cup en golf, stars au menu, format innovant mais pas révolutionnaire... Voici la Laver Cup, nouvelle compétition par équipes qui s'apprête à vivre sa première édition à Prague, de vendredi à dimanche. Elle se veut bien plus qu'une simple exhibition, et aspire à devenir un rendez-vous incontournable. Réaliste ?

Roger Federer, Rafael Nadal et Tomas Berdych.

Crédit: Getty Images

Quand une nouvelle épreuve, née en bonne partie de l'imagination et de la volonté du joueur le plus titré de l'histoire voit le jour, il n'y a aucune raison de ne pas y jeter un œil attentif et intéressé. La Laver Cup va donc délivrer son acte de naissance ce week-end à Prague, suscitant la curiosité de beaucoup et l'inquiétude de quelques-uns.
La Laver Cup, histoire de marquer son territoire, mise d'emblée sur des noms ronflants. L'appellation, d'abord. Rod Laver, légende parmi les légendes, fait un parrain idéal. Des légendes, il y en a de partout, jusque dans l'identité des deux capitaines, Bjorn Borg pour l'Europe et John McEnroe pour le reste du monde. Sans oublier, évidemment, Roger Federer et Rafael Nadal, dont les seules présences suffisent à conférer au week-end tchèque un caractère évènementiel.
On notera aussi que le timing n'est pas malhabile. Deux semaines après l'US Open, juste après la Coupe Davis, et à distance encore respectable du prochain Masters 1000, la Laver Cup n'a quasiment pas de concurrence. Il n'y a que deux tournois ATP 250 en cours, à Metz et Saint-Pétersbourg, où aucun membre du Top 10 n'avait prévu de s'aligner. Reste que, pour les organisateurs des tournois lorrain et russe, c'est un vrai souci que de voir 12 des 25 meilleurs joueurs du monde mobilisés pour une compétition qui ne possède à ce jour aucun caractère officiel.
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Les deux équipes de la Laver Cup.

Crédit: Getty Images

Séduire et convaincre, le double défi

Mais attention, la Laver Cup, ce n'est pas l'IPTL. Cette exhibition, lancée il y a trois ans et qui a déjà du plomb dans l'aile, assumait totalement son côté "entertainment". Comme l'IPTL, la Laver Cup innove au niveau du format, mais de façon beaucoup plus modérée, avec un tie-break en 10 points pour départager les joueurs en cas d'égalité. Ici, le concept se veut sérieux. Présentation en grande pompe avec joueurs en costard et selfies pour les deux équipes, on se croirait au Masters de Londres. La Laver Cup veut imposer sa patte et afficher sa crédibilité. Elle est face à un double défi : séduire et attirer d'un côté, convaincre de l'autre.
Car entre un format "sympa à regarder" et une épreuve incontournable, ancrée durablement dans l'ADN de son sport, il y a une marge colossale. Or telle est bien l'ambition assumée à terme : devenir un rendez-vous majeur. Si tel est le cas, c'est évidemment la Coupe Davis qui est la plus directement menacée. Officiellement, aucune concurrence directe. D'ailleurs, de Federer à McEnroe, tous l'ont martelé : le modèle, ici, c'est la Ryder Cup, la célébrissime compétition biennale de golf qui oppose depuis près d'un siècle et demi Européens et Américains. La Laver veut devenir la Ryder du tennis.
Reste qu'à l'heure où les ténors du circuit se blessent les uns après les autres, il parait difficile d'imaginer deux épreuves par équipes majeures au calendrier. Alors que la vénérable madame Davis était délaissée par les ténors le week-end dernier à l'occasion des demi-finales et des matches de barrages, le nouveau-né Laver va poser sur la table 36 titres du Grand Chelem et une possible paire de double Federer-Nadal qui ne manquera pas de devenir une des images de l'année.
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La grande foule à Prague pour la présentation de la Laver Cup.

Crédit: Getty Images

Laver Cup contre Coupe Davis ?

La Coupe Davis, épreuve magnifique, a perdu de son pouvoir d'attraction. C'est un fait. Les joueurs la respectent et tous les grands du XXIe siècle, de Nadal à Federer, de Djokovic à Murray en passant par Hewitt, Del Potro ou Wawrinka, ont mis un point d'honneur à la gagner. Mais dans leur carrière, elle n'aura jamais été un fil rouge. Tout au plus une épisodique sucrerie. Et si ces grands champions l'ont remportée à tour de rôle, ils ne l'ont quasiment jamais jouée ensemble. La preuve ? Il n'y a eu que deux matches impliquant les membres du "Big Four" en Coupe Davis, et aucun depuis 2009. C'est un vrai problème.
Et ce sera un souci plus important encore si même les jeunes la délaissent. Alexander Zverev, 20 ans, a laissé l'Allemagne se débrouiller toute seule il y a une semaine. Il sera présent à Prague... Si la Laver Cup, elle, parvient à mobiliser de façon substantielle et récurrente les meilleurs joueurs de la planète, il y aura danger. C'est un gros "si". Mais elle a deux gros avantages pour cela : son attrait financier et sa temporalité, puisqu'elle ne propose qu'un rendez-vous dans l'année, sur trois jours. Soit quatre fois moins que la Coupe Davis. La contrainte n'est pas la même. Alors, si la Laver Cup gagne en importance et en crédit, pas sûr que la cohabitation avec la Coupe Davis puisse persister durablement.
Certes, nous n'en sommes pas là. La Laver Cup aura à répondre à de vraies questions. Peut-on être une épreuve majeure sur du format court ? Quid de la cohérence d'une équipe "Reste du monde" ? En Ryder Cup, l'identité est forte autour des équipes américaine (évidemment) et européenne. Là, quelle cohésion et cohérence pour une formation qui piochera ses éléments au Canada, en Argentine, au Japon, en Australie, en Afrique du Sud ou aux Etats-Unis ? Du point de vue des joueurs, mais aussi du public. La force de ces épreuves, c'est l'identification. Des fans de tennis à Tokyo, New York ou Sydney peuvent-ils se regrouper, au moins par le cœur, autour d'une seule et même équipe ?

Son destin est entre les mains des joueurs

Au fond, on peut spéculer tant qu'on veut sur le potentiel et l'avenir de cette nouvelle compétition. Mais son destin est entre les mains de ses acteurs. Ce sont eux, les joueurs, qui détermineront la place que peut tenir la Laver Cup dans le paysage tennistique des 10 ou 15 prochaines années, voire au-delà. S'ils y mettent d'eux-mêmes, s'ils y greffent de la passion, s'ils montrent sur le court que cette épreuve compte pour eux, nul doute qu'elle s'imposera. A côté ou à la place de la Coupe Davis, ce sera à voir. Mais elle deviendra alors un point de convergence inévitable pour les plus grands.
A l'inverse, s'ils font juste le show, si Big Mac amuse la galerie sur sa chaise, si les stars donnent le sentiment d'être là pour le fric et épater la galerie, la greffe ne prendra pas. Et la Laver Cup ne dépassera pas le cadre d'une super-exhibition aux yeux de ses acteurs et dans le cœur du public. Voilà son plus grand pari : faire sentir que nous tenons là une épreuve "pour de vrai".
Rafael Nadal, mercredi, a adressé un message clair sur ce plan : "je m'entraine tous les matins pour être prêt. Quand je joue une exhibition, je ne m'entraîne pas." Les intentions sont là. C'est déjà ça.
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