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Comment Rafael Nadal a perdu la clé contre Roger Federer

Loris Belin

Mis à jour 04/04/2017 à 11:08 GMT+2

Trois affrontements en 2017 et trois défaites, Rafael Nadal n'a plus la recette pour battre un de ses habituels souffre-douleurs préférés, Roger Federer. Le Majorquin peine à retrouver sa traditionnelle supériorité, dans le score comme dans la manière, sur le Suisse. Et les raisons de cette disette sont multiples. Décryptage avec notre consultant Patrick Mouratoglou.

Rafael Nadal, Roger Federer - Indian Wells 2017

Crédit: AFP

Rafael Nadal et Roger Federer ne cessent d'écrire l'histoire en cette première partie de saison. Alors qu'on ne les attendait plus à pareille fête, les deux légendes du circuit enchaînent les performances de très haut niveau et les victoires. Mais quelque chose nous dit que l'Espagnol aurait souhaité changer quelque peu le cours de ce nouveau chapitre. Si le nonuple vainqueur de Roland-Garros a réalisé un très bon début de saison, il se voit inlassablement stoppé par son rival de toujours.
Finale de l'Open d'Australie, huitièmes de finale à Indian Wells, puis à nouveau finale dimanche à Miami : Nadal ne parvient plus à confirmer une domination qu'il avait pourtant installé face au Bâlois depuis son arrivée sur le circuit (23 victoires – 11 défaites avant 2017). Les raisons de ce revirement inattendu sont pourtant multiples.

Techniquement

Paradoxalement, les difficultés techniques de Rafael Nadal face à Roger Federer depuis ce début de saison tirent leur origine… du Suisse. L'ancien numéro un mondial a su se réinventer, et adapter son jeu, notamment grâce une raquette au tamis plus grand qu'auparavant. "Contre Nadal, Roger jouait avec beaucoup d'effet, de la hauteur, nous explique Patrick Mouratoglou, entraîneur de Serena Williams et consultant pour Eurosport. Depuis le début de saison, il joue des revers plus tendus, plus proches du filet et sa balle est plus rapide."
Nadal enfonçait Federer à deux mètres de la balle mais le Suisse ne lui laisse plus ce loisir. En prenant la balle plus tôt et en jouant sur un revers qu'on n'attendait plus aussi costaud, à 35 ans. "En jouant plus court, Federer laisse moins de temps à Rafa de gicler sur ses coups. Cela fait toute la différence. Il joue parfaitement juste", insiste Mouratoglou.
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Roger Federer of Sweden in action in the final match against Rafael Nadal of Spain (not pictured) on day 14 of the Miami Open at Crandon Park Tennis Center on April 2, 2017 in Key Biscayne,

Crédit: AFP

D'autant que le Suisse tente d'allier esthétisme et promptitude en jouant de plus en plus vite. Dimanche à Miami, seulement 6 des 127 points de la finale ont été inscrit après des échanges de plus de neuf frappes. En imprimant sa patte dès les premiers coups de l'échange, Federer se met dans les meilleures dispositions pour conclure tout en s'économisant pour la durée des rencontres. Et cela marche. Malheureusement pour Nadal.

Tactiquement

Aux évolutions de Federer, Nadal n'a pas su trouver la parade. Pire, le Majorquin semble avoir creusé l'écart entre lui et son adversaire en changeant son approche dans leurs confrontations depuis le début de saison. Mis en danger dans les échanges par les nouveaux atouts de son rival, il laisse aussi échapper leurs confrontations dès sa mise en jeu.
"Rafa a bizarrement changé de tactique, et ce depuis Melbourne, assure Mouratoglou. Il a changé les directions sur ses services. Auparavant, il mettait du slice et obligeait Federer à démarrer l'échange en chop de revers, et cela le mettait en difficulté. Depuis l'Open d'Australie, la balle revient plus vite sur le coup droit du Suisse en début d'échange. Et c'est rarement une bonne idée quand on joue Federer…"
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Rafael Nadal à Miami en 2017.

Crédit: AFP

Ce choix tactique a de quoi étonner car si Nadal n'a jamais compté sur son service pour marquer des points, il était un plateau idéal pour lancer sa manœuvre, instaurer les rallyes et dicter le rythme. Son rythme. En ne parvenant pas à prendre le contrôle des opérations sur ses jeux de service, l'Espagnol offre à Federer l'occasion de mettre la main sur le jeu, une offrande que l'homme aux 91 titres ne refuse jamais.
"S'il perdait une fois, deux fois en jouant comme il le faisait avant 2017, on comprendrait qu'il veuille s'ajuster. Je serais le coach de Nadal, je reprendrais tout de suite la tactique qu'il utilisait et qui fonctionnait. Dans le coaching, on dit qu'on ne change jamais une tactique qui gagne."

Physiquement

Nadal comme Federer vivent ce début de saison avec les mêmes contraintes : revenir après une longue absence à cause des blessures et faire avec une condition physique qui ne sera plus au sommet. Même en étant le cadet de cinq ans, Nadal semble là aussi avoir pris un temps de retard sur le Bâlois. Quand Federer a su adapter son jeu à son âge et un physique forcément déclinant, Nadal cherche toujours à faire courir son adversaire et faire durer l'échange. Problème, son athléticité et son endurance semblent moins étincelantes qu'avant, et les efforts répétés pèsent sur son jeu.
"Nadal joue moins bien car il bouge moins bien, il est moins véloce que dans le passé, confirme Mouratoglou. Son point fort c'était le déplacement, aujourd'hui il le fait moins bien." Et l'entraîneur français ne se voit pas plus optimiste pour le reste de la saison si Nadal ne parvient pas à retrouver ses jambes. "Quelle que soit la surface, Rafa sera en difficulté. Même si la balle ira un peu moins vite comme sur terre battue." Mouratoglou balaie néanmoins l'idée d'une situation irréversible. "Attention, on ne peut pas parler de déclin. Rafa ne perd que contre Roger cette saison."
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Roger Federer und Rafael Nadal in Miami

Crédit: Imago

Mentalement

Dans l'histoire des "Fedal", on a longtemps cru que Nadal avait définitivement pris le pas et resterait à jamais comme le dominateur. Combien de fois a-t-on vu le Suisse anormalement crispé dans ses matches contre l'Espagnol ? Et pourtant, ce début de saison nous ferait presque croire que ce temps, douze ans quand même, serait révolu.
Finale de l'Open d'Australie, 5e set. Nadal vient de confirmer son break et mène 3-1. On le croit sur la voie royale vers le sacre, c'est en réalité le tournant. Federer lâche les coups et se sublime. A 3-2 sur son service, le natif de Manacor craque. Puis a 3-4, dans un jeu complètement dingue, il ne parvient pas à marquer les points qui comptent. De 3-1, le tableau de score de la Rod Lever Arena affiche finalement 3-6. Roger l'emporte, Rafa accuse le coup.
Depuis, leurs confrontations offrent la même ritournelle : Federer facile, Nadal à genoux. Les deux matches des Masters 1000 sur le sol américain sont littéralement à sens unique. Depuis ce fameux 3-1 de la dernière manche, les deux joueurs ont joué 41 jeux face à face. Nadal n'en a glané que 12. Famélique.
Pire, sa capacité à mettre le Suisse dos au mur s'est comme effritée, il ne parvient tout simplement plus à trouver les ressources pour faire basculer les sets en sa faveur. Et le point de départ se situe encore une fois après 3 heures et 7 minutes à Melbourne. Depuis, Nadal s'est procuré sept balles de break contre Federer. Et n'est pas parvenu à en convertir la moindre.
"Nadal doit reconstruire sa confiance contre Roger, confirme Patrick Mouratoglou. Et pour cela, Rafa doit gagner des tournois." Avec trois défaites en finale d'un tournoi cette année, le Majorquin reste fanny. Pas de quoi paniquer pour Mouratoglou, avec la saison de la terre battue qui pointe son nez. "Il n'y a pas de raisons de penser qu'il ne puisse pas changer. Rafa est toujours Rafa. A Roland-Garros, il aura toujours son avantage sur Federer parce que d'ici-là, il aura gagné des tournois sur terre. Mais cela ne suffira pas s'il ne corrige pas ses défauts de cette saison. Contre Roger, comme contre Djokovic ou Murray d'ailleurs."
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