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Rafael Nadal et le public parisien : le temps des amours

Laurent Vergne

Mis à jour 06/11/2015 à 12:59 GMT+1

MASTERS 1000 PARIS BERCY – Bagarreur plus que dominateur, Rafael Nadal a su se sortir des griffes de Kevin Anderson jeudi soir, au cours d'un huitième de finale où le public parisien l'a porté comme rarement il l'avait fait. Lui qui a si longtemps regretté l'attitude du public français à son égard peut savourer cette métamorphose.

Rafael Nadal

Crédit: Panoramic

C'était en juin 2009. Rafael Nadal venait de se faire bouter pour la première (et avant-dernière à ce jour) fois de sa carrière de Roland-Garros. Battu par Robin Söderling en huitièmes de finale, le maître des lieux, le maître de la terre, avait en plus dû composer avec le public du court Philippe-Chatrier qui, dans sa majorité, avait appuyé son adversaire et bourreau. Toni Nadal, 50% coach, 50% tonton mais 100% furibard ce jour-là, avait lâché sous le coup de la déception et de la frustration cette phrase restée célèbre : "je crois que le public parisien est stupide".
Avec des mots plus polis et plus policés, son neveu de champion avait lui émis un regret teinté d'incompréhension : "J'ai l'habitude d'entendre le nom de mes adversaires venir des tribunes quand je joue. C'est vrai que c'est dommage que dans un tournoi où j'ai eu tant de grands moments, le public n'ait jamais eu un geste pour moi."
Il y avait là sans doute un peu d'exagération. Nadal n'a jamais été foncièrement maltraité par le public parisien, que ce soit à Roland-Garros ou à Bercy. Mais c'est vrai qu'il n'a jamais non plus bénéficié d'une gigantesque côte d'amour qui aurait fait de lui un chouchou, un protégé. En gros, il n'a jamais été Federer ou Kuerten. Il impose au public un profond respect, une certaine fascination même, mais Rafa est comme tout le monde : il a aussi besoin de sentir qu'on l'aime. Jeudi, à Bercy, il a été gâté.
Pendant ce match face à Kevin Anderson, en qui on peut au passage voir une sorte de "petit" frère de Söderling, je n'ai pu m'empêcher de repenser à ces mots de Toni Nadal quand, au cœur du tie-break du deuxième set, la foule de l'AccorHôtels Arena y est allée de ses "Ra-fa, Ra-fa!" criés à l'unisson pour éviter la sortie prématurée de Nadal.

L'effet du temps assassin

Ma mémoire peut me faire défaut mais, que ce soit Porte d'Auteuil ou dans l'Est parisien, je n'ai pas souvenir d'une telle ambiance pour soutenir aussi massivement et avec une telle ferveur le Majorquin. Pour tout dire, cela faisait plaisir à voir. A entendre, surtout. Nadal semble y avoir pris un plaisir évident, lui aussi. Il ne sera jamais démonstratif comme un Connors jadis, mais à coups de petits gestes, d'encouragements répétés envers lui-même, et au travers d'une grinta et d'une envie de combattre palpables, il a su aller chercher le public. Cela s'appelle une communion.
Bien sûr, Nadal a pu payer par le passé son hégémonie terrienne à Paris. Le pouvoir engendre la lassitude. Mais l'explication est sans doute un peu courte. Dès ses premières confrontations avec Federer, soit en 2005, il ne jouissait pas franchement du soutien massif du public. Mais ce dernier apprécie sans doute à sa juste valeur le combat qui est celui du joueur espagnol aujourd'hui. Celui d'un champion mettant au moins autant d'énergie à lutter contre ses propres doutes que ses adversaires. Ce combat-là force l'admiration et donne envie de l'y aider, même modestement.
Peut-être est-ce aussi l'effet du temps assassin. Pro-Federer ou pro-Nadal, peu importe, chaque passionné de tennis mesure l'apport de ces deux géants à leur sport. L'âge désormais avancé de l'un et les difficultés majuscules de l'autre cette saison viennent rappeler qu'ils ne sont pas éternels ainsi que la valeur de ce qu'ils ont encore à nous offrir. A mesure qu'ils deviennent plus rares, ces moments-là se font précieux. Nadal n'a pas changé. Le public parisien pas beaucoup plus. Mais cette forme d'urgence change la donne.
Lors de sa défaite contre Novak Djokovic en juin dernier à Roland-Garros, lourde défaite, Nadal s'était vu témoigner par les spectateurs du Chatrier d'un immense respect. Celui qui lui était dû. A Bercy, c'était autre chose. C'était une preuve d'amour. Celle que la "Casa Nadal" a si longtemps déploré de ne pas recevoir à Paris.
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Rafael Nadal à Bercy

Crédit: AFP

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