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Djokovic est face à son plus grand défi : la reconquête du désir

Laurent Vergne

Mis à jour 04/11/2016 à 23:00 GMT+1

Après avoir enfin décroché Roland-Garros, Novak Djokovic a cessé d'être cette machine à (tout) gagner. Pour tutoyer à nouveau les sommets, le Serbe a surtout besoin de retrouver l'envie.

Novak Djokovic dans le couloir de Bercy

Crédit: Panoramic

Au mois de janvier, juste avant le coup d'envoi de l'Open d'Australie, j'avais ici-même évoqué les raisons qui pourraient assombrir l'horizon de Novak Djokovic et mettre à mal son effarante domination. Au vu du tassement progressif mais constant de Rafael Nadal et Roger Federer, et compte tenu du rapport de force avec les autres, l'ennemi ne pouvait venir que de l'intérieur. Djokovic était potentiellement son principal adversaire.
Au choix, il pouvait être trahi par son corps, ou sa tête. C'est le deuxième cas de figure qui s'est produit, l'imparable césure étant survenue au début de l'été. Avant cela, Djokovic a continué à marcher sur l'eau, avec en ligne de mire une quête, celle de Roland-Garros. Après, il s'est mis à tanguer. Et s'il convient de ne pas minimiser la superbe passe actuelle d'Andy Murray, si le Britannique est aujourd'hui en mesure de titiller Djokovic pour la première place mondiale, c'est avant tout en raison des difficultés de ce dernier.
Pour être tout à fait honnête, je ne croyais pas au risque de l'usure pour le Djoker. Voici d'ailleurs ce que j'avais écrit dans l'article évoqué plus haut : "Je le crois à l'abri d'un possible phénomène de lassitude. Sa personnalité dit le contraire. Il est constamment en quête de nouveaux horizons, de nouveaux défis. Chaque nouveau titre ouvre son appétit, sans jamais tarir sa soif."
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Novak Djokovic à Bercy

Crédit: Panoramic

Près d’une décennie aux sommets du tennis mondial

Ce raisonnement a tenu six mois. Jusqu'à Roland-Garros, donc. En triomphant (enfin!) à Paris, Djokovic a assouvi quelques suprêmes ambitions : le Grand Chelem en carrière et le Grand Chelem à cheval sur deux ans. Soit deux pages d'histoire, la seconde étant inédite dans le tennis masculin depuis 47 ans. En comblant ce manque, il a souffert d'un trop-plein.
Une fois la couronne de terre fixée sur sa tête, Djokovic a dégoupillé. La cocotte-minute, que personne n'avait entendu ne serait-ce que siffloter depuis l'été 2014, a brutalement éprouvé le besoin d'exploser pour libérer la pression. Depuis, Djoko n'est plus à tout fait le Djoker. Sans être redevenu un joueur ordinaire, très loin de là, il a cessé d'être cette infernale machine qui réduisait ses adversaires à l'impuissance et à la frustration.
Après tout, c'est tout sauf anormal, même si on avait fini par le croire immunisé. Djokovic tutoie les sommets du tennis mondial depuis maintenant près d'une décennie. Et les 24 glorieux mois qui se sont étalés de Wimbledon 2014 à Roland-Garros 2016 ont marqué une période de domination peut-être unique dans l'histoire du tennis. Au cours de cette période, il a remporté six titres du Grand Chelem sur huit, les trois Masters de fin d'année et 10 Masters 1000 sur 17. L'anormal, c'est qu'il soit resté si longtemps à 3000% sans jamais esquisser la moindre fissure.
Ce coup de moins bien, c'est sans doute le plus grand défi jamais proposé à Novak Djokovic. Jusqu'alors, le Serbe avait dû se hisser à hauteur, puis au-dessus, de Federer et Nadal. Ce n'était pas une mince affaire. Il lui a ensuite fallu rester au-dessus de la mêlée, et c'est tout sauf simple. Mais pour un champion, lutter contre les démons intérieurs est plus périlleux encore que de résister aux menaces externes. Certains ne se sont jamais relevés de cette usure. Bjorn Borg a quitté le circuit à 26 ans. Mats Wilander n'a pas survécu à son extraordinaire saison 1988, qui l'avait vu réussir le Petit Chelem et devenir numéro un mondial. Jim Courier, lui, avait fini par lire des bouquins au changement de côté...
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Novak Djokovic

Crédit: AFP

L’envie d’avoir envie ?

Un champion qui cesse d'être affamé ne peut plus dominer son sport. Après avoir tourné autour du pot, Novak Djokovic a fini par admettre publiquement ce que chacun avait pu ressentir, notamment au cours d'un US Open où, en dépit de son accession à la finale, il avait paru au bord du burn out : mentalement, il était cramé. Il l'a répété sans cesse depuis le début de l'automne, les résultats, la place de numéro un mondial, tout ça, ce n'est pas la priorité du moment. L'urgence absolue, c'est le retour du plaisir sur le court. Un préalable indispensable à toute conquête.
Qu'on lui redonne l'envie, donc. Ou plutôt qu'il "se" redonne l'envie, car lui seul peut trouver la solution au problème en l'occurrence. Cette fin de saison, de Bercy à Londres, aura valeur de test sur ce plan, au-delà de l'aspect purement comptable du classement ATP et des enjeux qui l'accompagnent.
Djokovic est-il à ce point carbonisé et rassasié qu'il ne puisse rebondir ? Très franchement, je ne le crois pas. Il est encore relativement jeune et pour peu qu'il se soit posé les bonnes questions, je le crois apte à trouver les réponses adéquates, même si je doute qu'elles puissent se trouver du côté de son "gourou".
La carapace semblait indestructible. Elle a commencé à se fissurer. Mais elle n'a quand même pas volé en éclats. Reste que ce défi inattendu, que pas grand monde n'aurait pu imaginer, en tout cas dans ces proportions, au soir de son titre à Roland-Garros, est de taille. Il est à la mesure de ce champion hors du commun contraint aujourd'hui de se battre d'abord contre lui-même. Aujourd'hui, il n'a pas atteint son seuil de compétence, mais son seuil de désir. Le repousser ne se décrète pas. L'effort à produire est considérable. Croyez-le ou non, mais la reconquête du désir est plus ardue encore que la conquête du pouvoir.
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