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Numéro un mondial, ou la subtile et vertigineuse ivresse du pouvoir

Laurent Vergne

Mis à jour 21/08/2017 à 23:36 GMT+2

Rafael Nadal, trois ans et deux mois après, a retrouvé lundi les sommets du classement ATP. La place de numéro un mondial, en tennis, possède une saveur et un charme particuliers. Sans l'euphorie grisante d'un titre majeur, accomplissement ultime du champion, l'accession ou le retour au pouvoir n'en demeurent pas moins un des "musts" de ce sport.

Rafael Nadal après son titre à Madrid au printemps 2017.

Crédit: Getty Images

Nous y voilà donc. Improbable il y a neuf mois, inéluctable depuis des semaines, le retour au pouvoir d'un des deux monstres sacrés du XXIe siècle est officiel depuis ce lundi. Cela aurait pu être Roger Federer, cela sera peut-être le cas d'ici peu, c'est finalement Rafael Nadal qui vient de refermer la courte page Andy Murray au sommet du classement ATP. Après 41 semaines d'un règne que ses bleus au corps ne lui auront jamais permis d'assumer pleinement, l'Ecossais a passé la main au revenant de Manacor, à nouveau installé tout en haut de la montagne.
Après avoir assuré du printemps à l'été qu'il n'y pensait pas vraiment, Nadal a dit combien il appréciait de remettre au goût du jour et de sa carrière le "tous derrière et moi devant", une reprise de pouvoir d'autant plus savoureuse qu'il était légitime de se demander après deux années et demie de blessures et de doutes s'il pourrait l'envisager un jour. "Heureux" et "merveilleux" sont deux mots que le Majorquin a employés la semaine dernière à Cincinnati. Dans sa bouche, souvent avare d'envolées de ce genre, c'est révélateur.

Un caractère unique et incontestable

"L'important, ce sont les titres, le classement, ce n'est qu'une conséquence", répètent souvent les grands champions de ce sport. La première partie de la phrase est incontestable, rien ne remplace les titres. La seconde, en revanche... "Que je sois 17e, 10e ou 2e, ça ne change pas grand-chose pour moi", avait évoqué Federer au début du dernier Open d'Australie, quand il avait plongé au classement suite à sa longue coupure du second semestre 2016. Il a raison. Entre 2e et 17e, la différence est au fond insignifiante. Entre 2e et 1er, c'est autre chose. Si, du haut de leur grand (ou très grand) âge, Nadal et Federer minimisent à juste titre l'impact du classement à ce stade de leur carrière, la première place, elle, conserve une force incomparable.
Si le Suisse redevient numéro un mondial, à 36 ans passés, cinq années après avoir été assis pour la dernière fois sur le trône, soyez sûrs qu'il savourera cet accomplissement comme un évènement exceptionnel. Nadal et Federer n'avaient sans doute jamais abandonné l'idée de regagner au moins un Grand Chelem un jour. Il suffit d'une quinzaine de feu, d'un tableau ouvert et, compte tenu de leur talent, un "coup" restait possible. Revenir au sommet de la hiérarchie planétaire leur semblait sans doute plus difficile à envisager.
Pour Federer, cela reste une hypothèse. Pour Nadal, c'est donc une réalité. Deux mois après avoir renoué avec un titre en Grand Chelem, voilà une autre validation de son retour au premier plan. Cela n'a pas la puissance unique d'une grande victoire, certes, mais cela demeure un immense plaisir. Car à sa manière, l'accession (ou le retour) au pouvoir possède elle aussi une ivresse toute particulière. Etre numéro un mondial, en tennis, ce n'est pas rien. Même avec ses imperfections, le classement impose une vérité mathématique, ce qui confère au numéro un de ce sport un caractère à la fois unique et assez incontestable.
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Roger Federer

Crédit: Getty Images

Un honneur et une responsabilité, parfois un fardeau

Unique, car en tennis, tout le monde pratique la même discipline. Qui est le "meilleur cycliste du monde ?" La diversité des profils, entre un chasseur de classiques flandriennes, un grand sprinter, un grimpeur flamboyant ou un candidat au maillot jaune, rend délicate, presque impossible (sauf à vivre l'époque d'un Merckx ou d'un Hinault) pareille assertion. Idem dans d'autres sports individuels, comme l'athlétisme ou la natation, où l'éclectisme des profils et des disciplines est par essence colossale. Sans parler des sports collectifs. S'il existe des distinctions, comme le Ballon d'Or en football, il ne s'agit au fond de rien de plus que d'un sondage.
En tennis, le numéro un mondial est le numéro un mondial. Point barre. Au bout de la route, avoir été numéro un mondial dans sa carrière, c'est un titre de gloire tout sauf négligeable. C'est à la fois un honneur, immense, et une responsabilité, non moins grande. Ce statut a parfois pesé sur des épaules que l'on imaginait pourtant solides au point de se transformer en boulet. Se poser sur l'Everest du tennis, ça peut donner le vertige. Mats Wilander n'y avait pas résisté. Le Suédois avait pourtant sept titres du Grand Chelem derrière lui.
Mais il est parfois plus complexe de gérer la première place mondiale qu'un titre majeur. Si vous gagnez Wimbledon, vous pouvez rêver d'en gagner un autre, ou de triompher ailleurs. Quand vous êtes numéro un mondial, il n'y a plus rien ni personne au-dessus de vous. Aucun risque avec Rafael Nadal, rassurez-vous. Roi de Roland-Garros à 19 ans, maitre du monde à 22, à nouveau roi la trentaine venue, il semble hermétique à toute menace d'ordre psychologique. Ce retour sur le trône, qu'il s'avère éphémère ou se prolonge des mois durant, ne le perturbera pas. Ce qui ne l'empêchera pas de le savourer pleinement. Les avantages de l'ivresse du pouvoir sans les inconvénients, en somme.
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