Gaël Monfils, encore frustrant, un brin désespérant

Laurent Vergne

Mis à jour 23/01/2017 à 18:15 GMT+1

OPEN D'AUSTRALIE – Gaël Monfils a refait le coup de sa demi-finale de l'US Open contre Djokovic. Lundi, en huitième de finale, il a mis deux sets à sortir de sa torpeur face à Rafael Nadal. Il s'y est mis, mais trop tard. Contre de tels champions la course à handicap ne pardonne pas. Mais son incapacité à se libérer lui joue trop de tours...

Gaël Monfils

Crédit: Panoramic

Monfils – Federer : 0-5
Monfils – Djokovic : 0-4
Monfils – Nadal : 0-3
Si les statistiques ne disent jamais tout d'une carrière, d'un tournoi ni même d'un match, certaines ne laissent guère de place au doute. Mardi, Gaël Monfils, battu en quatre sets par Rafael Nadal en huitièmes de finale d’Open d'Australie, n'a pas réussi à signer cet exploit majeur qui lui fait toujours défaut. Son bilan cumulé en Grand Chelem face aux trois monstres du jeu que sont Federer, Nadal et Djokovic atteint des sommets de désespérance : 12 matches, 12 défaites.
Sa carrière en Grand Chelem cumule davantage de frustrations que de grandes envolées. Une demie à Roland-Garros en 2008, une autre à l'US Open en septembre dernier. Cinq quarts de finale à côté de ces deux derniers carrés, mais aucun exploit de grande envergure. Si l'on devait citer les plus grandes victoires du Parisien en Grand Chelem, que garderait-on ? Son podium personnel tient à deux succès sur David Ferrer à Roland-Garros (quart de finale 2008, huitième de finale 2011) et peut-être un autre à Paris face à Andy Roddick, voire son huitième contre Grigor Dimitrov à Flushing en 2014.
Mais rien qui ne ressemble à une de ces victoires qui vous marquent à vie. Quel contraste avec un Jo-Wilfried Tsonga, qui peut avancer dans son Panthéon personnel son carnage contre Nadal à Melbourne en 2008 ou son gigantesque exploit face à Federer à Wimbledon en 2011. Pour ne citer que ces deux-là. Face au même trio de géants, JWT affiche certes un ratio négatif dans les tournois majeurs. Comme tout le monde. N'empêche, il a chapardé quatre victoires en 15 rencontres. Et elles sont mémorables.
picture

Quelques hauts, beaucoup de bas : Monfils n'a pas été à la hauteur contre Nadal

Flushing et Melbourne, ces inquiétants siamois

Vous me direz, Richard Gasquet n'est pas mieux loti que Monfils avec ses neuf défaites en neuf matches. Mais s'il a toujours échoué sur ces trois-là, ses victoires contre Roddick à Wimbledon en 2007 (car Roddick sur le gazon londonien, surtout à l'époque, c'était autre chose que sur la terre parisienne) ou, toujours à Londres, contre un Wawrinka tout juste auréolé de son titre à Roland en 2015, donnent un certain relief à sa carrière sur les principales scènes du circuit.
Le plus accablant, dans le cas de Monfils, c'est qu'il n'a même que très rarement été en mesure de remporter ce type de rencontres. Seule exception, si l'on met de son côté le tout premier contre Djokovic à New York en 2005 (ils étaient alors deux gamins), son quart de finale perdu contre Federer à l'US Open en 2014, au cours duquel il s'était procuré deux balles de match. Il avait perdu mais, au moins, il avait fait son match.
Car c'est bien ce qui frustre le plus chez lui : son incapacité à donner sa pleine mesure quand le contexte le requiert. A ce titre, les deux derniers cas resteront édifiants. Il est étonnant de constater à quel point la demi-finale du dernier US Open contre Djokovic et ce huitième de finale austral face à Nadal quatre mois plus tard ont des airs de frères siamois.
Dans les deux cas, deux premiers sets fantomatiques, qui le placent dans une situation inextricable au vu de l'adversité. Dans les deux cas, une réaction à compter du troisième set et une défaite en quatre. Mais pourquoi Gaël a-t-il besoin d'être à ce point malmené pour se mettre à jouer ? L'intensité mise dans ses frappes dans les deux derniers sets lundi était sans commune mesure avec celle des deux premières manches, où il a accepté de subir gentiment, sans broncher. Et ce fut exactement le même problème à New York. C'est d'autant plus frustrant que, quand il se met au niveau, il y a match. Même contre Djokovic ou Murray.
En septembre dernier, il avait évoqué une crispation presque paralysante. Mais c'était une demi-finale, sa première en Grand Chelem depuis huit ans et demi. On pouvait l'entendre. Là, ce n'était qu'un huitième et, surtout, sa malheureuse expérience de Flushing aurait pu, aurait dû lui permettre d'aborder autrement son duel avec Nadal. Or il a à nouveau semblé terriblement tendu face au Majorquin, même si le naufrage, dépourvu de ce langage corporel ahurissant qui avait fait sortir un McEnroe de ses gonds, fut moins marqué qu'à l'US Open. Reste qu'incontestablement, il s'est encore troué dans l'approche de ce match.
picture

Gaël Monfils à Melbourne

Crédit: AFP

Une demie, un quart, un huitième, mais aucun Top 20 battu

Comme si ça ne suffisait pas, alors qu'il avait réussi à se mettre enfin dedans, et qu'il paraissait même apte à renverser la table (qui sait ce qui aurait pu se produire dans un 5e set ?), il s'est tiré deux balles dans le pied en fin de 4e set : une première pour permettre à Nadal de débreaker, une seconde pour parachever son hara-kiri tennistique dans le dernier jeu du match. L'inconstance sur une saison peut s'entendre. Au sein d'un même match, une courbe à cette point sinusoïdale laisse pantois.
Alors, c'est dans la tête, docteur ? Sans doute, oui. Le problème de Gaël Monfils est d'abord d'ordre psychologique, que l'on retrouve d'ailleurs, au-delà du Grand Chelem, à travers son famélique ratio en finales sur le circuit : 6 titres en 25 finales... Depuis une grosse année, il a trouvé le moyen de battre presque systématiquement les joueurs face auxquels il ne doit pas perdre. Cela lui a permis de s'ancrer dans le Top 10. Mais tant qu'il ne résoudra pas ce qui semble relever d'une forme de blocage, il ne pourra espérer jouer un rôle plus proéminent en Grand Chelem. Sur ses quatre derniers majeurs, il compte une demie, un quart et un huitième. C'est plus qu'honorable. Mais il n'a battu aucun joueur du Top 20 sur ces trois tournois... Et quand les grands champions se dressent, Monfils, comme s'il se sentait soudain trop petit, vole en éclats.
Ce qui pourrait apparaitre comme normal et perfectible à 20 ans risque de s'avérer insoluble à 30. Mais après tout, il n'est jamais trop tard. Sauf qu'on aimerait le voir avancer dans ce domaine. Là, le parallèle New York-Melbourne traduit davantage un surplace. Et nous laisse un goût d'inachevé. Encore.
Rejoignez Plus de 3M d'utilisateurs sur l'app
Restez connecté aux dernières infos, résultats et suivez le sport en direct
Télécharger
Partager cet article
Publicité
Publicité