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Eurosport
ParEurosport

Mis à jour 11/06/2010 à 10:51 GMT+2

Rafael Nadal n'est pas le même joueur qu'en 2009. Robin Söderling, qui était pourtant averti, n'a rien pu y faire. Mieux, il n'est plus tout à fait le même homme. Toujours aussi modeste, l'Espagnol a vécu onze mois qui l'ont bouleversé. Couronné à Paris, il peut désormais se consacrer à son futur !

2010 Roland-Garros Rafael Nadal

Crédit: AFP

On pourra longtemps comparer l'émotion des deux vainqueurs de l'année à Roland-Garros : la joie et la fierté de Francesca Schiavone, les larmes et le soulagement de Rafael Nadal. Après quinze jours laborieux, où le tennis a souffert étouffé par la crispation, noyé par les averses, et brouillé par les contre-performances, c'est un soulagement pour tous de voir des champions exprimer clairement ce qu'ils ressentent. Cela dure le temps d'une remise de trophées, et parfois d'une conférence de presse pour les observateurs (pour les joueurs, la fête se poursuit un ou deux jours loin des curieux). Pour Rafael Nadal, cela a duré une petite demi-heure.
Rafael Nadal a tout de suite rectifié ce qui avait été trop rapidement interprété lors de la remise des trophées : "Je n'ai jamais dit que c'était (cette 5e victoire à Paris, ndlr) le meilleur moment de ma carrière. J'ai dit que c'était un des meilleurs moments, après ma victoire à Wimbledon, la deuxième à Roland-Garros et la première aussi bien sûr." Et aussi : "N.1 ou gagner Roland-Garros, qu'est-ce qui est le plus important ? Pour moi, je l'ai toujours dit, c'est de gagner Roland-Garros."
La récompense après onze mois de remises en question
Nadal, qui a totalement explosé en sanglots après la balle de match, deux heures plus tôt, a le regard vif. Il expose en anglais, basique mais de moins en moins hésitant, puis volubile en espagnol, sa vision du match du tournoi (et même de la météo !) avec lucidité et... distance. C'est là qu'il faut en venir. Ce n'est pas la douche qui a refroidi le jeune homme, c'est qu'il en sait un peu plus sur lui-même.
"Il m'a fallu onze mois pour remporter un tournoi (à partir de Rome 2009, ndlr) donc beaucoup de moments difficiles", rappelle-t-il. "Je rentre chez moi, pas de victoire. Des fois, il faut jeter l'éponge. Mon objectif personnel était d'être de retour à mon meilleur niveau. C'est ce que j'ai fait." Il ne dit pas cela froidement, mais il commence ainsi une leçon de relativisme, bien loin des clichés sauvages qui ne manqueront pas d'illustrer sa victoire : ses deux bains de terre pris à la fin du match. Ses onze mois auront donc tant pesé sur ses épaules qu'il lui fallait au moins un "Clay Chelem" (voir notre article "Nadal dans son monde") pour exorciser tout cela.
"Oui, j'ai douté"
Des blessures (tendinites, abdominaux) il parle peu, de ses souffrances personnelles (divorce de ses parents) il ne parle pas. Mais de doute, oui : "J'ai douté, oui évidemment. C'est humain. Je ne suis pas une exception." On se souvient ici de ce qu'il avait déclaré récemment à propos de cette période : "Pendant un mois, j'étais hors du monde". Humainement, oui, Nadal souffre comme tout le monde. Avec une raquette à la main, il reste exceptionnel. Malgré une modestie naturelle, il sait qu'il vient de repousser ses propres limites. Pas parce qu'il vient de gagner un septième titre du Grand Chelem comme Mats Wilander et John McEnroe, mais parce qu'il a su revenir après cette première épreuve.
"Est-ce que vous vous considérez comme un grand ?", lui demande-t-on. "Je n'aime pas ce genre de question parce qu'après, on va dire que je suis arrogant, que j'ai la grosse tête. Qu'est-ce que cela veut dire ? Si les chiffres disent que j'ai été un très bon joueur, eh bien, je vais continuer à jouer très bien pour maintenir ces chiffres. Et qui décide ? Vous peut-être mais certainement pas moi."
Nadal ne serait donc pas maître de son destin de champion ? Difficile d'y croire maintenant. Physiquement, il revient fort. Mentalement, il l'est encore plus. Et il sait faire évoluer son tennis. Si Robin Söderling n'y a vu que du feu : "Je n'ai pas vraiment vu de différence entre le Nadal de l'an passé et cette année", il nous a paru assez évident que cette victoire marquait une nouvelle étape dans la carrière du Majorquin.
"Petit, je ne me considérais pas comme un spécialiste de terre battue"
Quand il évoque Wimbledon, voire l'US Open, seul majeur qui lui manque, sa détermination est un avertissement à tout le circuit. Et pour cause : la terre battue, il l'adore bien entendu "de tout son coeur", mais ce n'est qu'une étape. On savait que Wimbledon était le tournoi qu'il rêvait de gagner, on sait maintenant pourquoi : "Etant petit, je ne me considérais pas comme un spécialiste de la terre battue. Apparemment, mon jeu s'y adapte bien." Là encore, on sent une toute petite pointe d'ironie qui n'existait pas ces dernières années. Nadal prend de la distance, comme un certain Roger Federer, plus affable de nature, a su le faire. Et ça aussi c'est inquiétant pour ses adversaires.
Andy Roddick, qui est loin d'être le moins "smart" de la bande du top 10, a twitté un laconique : "Rafa, le meilleur sur terre  battue... Point". On peut considérer cela comme un point de vue historique, ou se dire qu'un rendez-vous sur gazon pourrait éventuellement modifier la stricte affirmation...
A 24 ans et deux jours, Björn Borg remportait son cinquième Roland-Garros. Il ne lui restait plus qu'une saison et demie à vivre sur le circuit. A 23 ans et dix mois, Mats Wilander remportait son dernier Roland-Garros, et sa carrière s'étiola progressivement les années suivantes. A 24 ans et trois jours, Rafael Nadal semble à l'inverse capable d'aller chercher d'autres lunes. "Demain après-midi, quand je commencerai à m'entraîner au Queen's, on tournera la page". Tout le monde l'a maintenant compris, ce trophée à Paris face à Söderling, c'était important, mais pas LE plus important. Le meilleur de Nadal est à venir.
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