Monfils et Federer masqués

Si Roger Federer et Gaël Monfils ont avancé masqués, le premier dans l'ombre du duel Rafael Nadal-Novak Djokovic, l'autre blessé et absent lors de la fin de saison sur terre, les deux joueurs vont se retrouver en pleine lumière, sur le central Philippe-Chatrier, mardi, pour une troisième confrontation en quatre ans Porte d'Auteuil.

Roger Federer est un peu plus distant depuis 2009. Mais assez près des meilleurs pour être encore craint par tout le monde. Pour son 28e quart de finale consécutif en Grand Chelem, record absolu devant Jimmy Connors (27), le Suisse est en pleine forme. Heureux de jouer, satisfait avec son tennis et pas mécontent de voir les "jeunes" encaisser la pression. Il a écrasé ses adversaires avec élégance et quand on lui parle de l'invincibilité de Novak Djokovic, il se souvient : "On se sent invincible parfois, c'est vrai, on se sent intouchable." Et "Il y a des joueurs contre lesquels on a un très bon bilan"... Contre Gaël Monfils, Federer est régulier : six matches, cinq victoires. Sauf la dernière à Bercy. Les joueurs se sont d'ailleurs joués trois fois à Paris lors de leurs trois dernières confrontations.

Qu'est-ce qui a changé depuis 2008 et 2009, dates des deux victoires du Suisse sur le Français à Roland-Garros ? Pas grand chose en fait. Gaël Monfils a encore une fois connu une préparation très perturbée. Encore une fois, il arrive à se sublimer à Paris : "Je suis un peu fatigué mais à Roland-Garros, on oublie. Cheville en moins, ou cassée, on va sur le terrain, c'est ce que je disais à mon kiné !", racontait Monfils lundi soir. Et on a vu son magnifique exploit face à David Ferrer avec son coach Roger Rasheed : "C'était un match de grande qualité. Ferrer est sans doute l'un des trois meilleurs joueurs au monde sur terre battue. Je lui ai dit de bien en profiter mais de rester concentré."

Monfils sait ce qui l'attend : "On n'en parle pas beaucoup mais Federer déchire tous ses adversaires. Ce sera encore plus dur que par le passé. Il a des choses à prouver. J'ai joué avec lui en début de tournoi et ça jouait". Lui aussi se perd ensuite dans ses souvenirs : "En 2008, c'était ma première demi-finale et ma seule en Grand Chelem. J'ai eu des regrets car il piquait du nez physiquement au quatrième. Ce sera un match totalement différent. J'avais manqué d'opportunisme et je m'étais frustré." En 2009, il n'avait tenu qu'un set, décevant. Mais heureusement depuis, il y a une Bercy : "Le battre à Bercy, cela va compter, oui, cela va me permettre de me relâcher un peu plus."

Techniquement, Monfils n'a pas vraiment changé. Ses atouts sont les mêmes : son service ("les points gratuits", rappelait amèrement David Ferrer), et sa combativité. "Je ne vais pas me "focus" (me focaliser) sur le jeu de fond de court contre Federer. C'est plutôt le jeu de retour qui est décisif. Il faudra bien retourner d'abord, et on verra ensuite s'il me laisse le temps pour faire autre chose. Il faudra jouer simplement, ne pas "jouer la mort" et engager le combat physique. Ce serait le rêve".

Quelques remarques à propos de ce scénario de rêve où Monfils emmène Federer dans les méandres d'un duel similaire à celui qu'il vient de jouer contre Ferrer : Monfils est légèrement diminué par sa cheville, il vient de jouer sur deux jours et va encore se coucher tard tandis que le Suisse a eu un jour de repos. Et Monfils ne tient à grande cadence qu'un set ou deux. Face à Ferrer, il a joué à fond pendant un set et a perdu le second dans la foulée. Il avait fait de même contre Rafael Nadal et Novak Djokovic à l'US Open en 2009 et 2010. Des entames "énormes" et puis ensuite, un jeu trop timide.

Gérer l'effort, voilà la clef de cette rencontre. "Demain (mardi), ça ira physiquement. Ce sera dur sur le plan émotionnel", souligne Rasheed. Mais aujourd'hui, il a été fort mentalement. Il n'a pas réussi à conclure à 5-3 dans le 5e set. Il a manqué deux balles match. Et malgré ça, il a su revenir pour gagner. Ca montre à quel point il est fort dans sa tête."

On ne voit pas Federer parmi les favoris ? Ce match nous en dira un peu plus. On ne pensait pas Monfils capable de nous surprendre encore une fois ? Il a répondu : "Il faut arrêter de me tailler au début du tournoi car oui, j'ai cette capacité à changer mon jeu rapidement. Encore plus ici à Paris." Demain, sur le court central, un outsider sera démasqué.

LES SCORES DES MATCHES PRECEDENTS A ROLAND-GARROS :

2009, Quart de finale : Federer bat Monfils : 7-6 (8/6), 6-2, 6-4
2008 : Demi-finale : Federer bat Monfils : 6-2, 5-7, 6-3, 7-5