Ferrer, condamné d'avance

David Ferrer a corrigé l'anomalie. Malgré le grand joueur de terre battue qu'il est, jamais l'Espagnol n'avait disputé de demi-finales à Roland-Garros. Cette année, le Valencian de 30 ans y est enfin parvenu après neuf vaines tentatives en dominant Andy Murray en quart de finale. Une victoire qui est loin d'être anodine, car elle empêche le Big Four de se réunir dans le dernier carré d'un tournoi du Grand Chelem pour la troisième fois d'affilée, après l'US Open 2011 et l'Open d'Australie 2012 (et la quatrième fois en un an si on compte Roland-Garros 2011).

Comment expliquer cette malchance du sixième mondial dans ce grand tournoi de terre battue alors qu'il compte huit trophées gagnés sur surface ocre sur les quatorze titres ATP qu'il détient ? La réponse, c'est Rafael Nadal qui la donne : "En fait, il perd à chaque fois contre les meilleurs du monde." A bien regarder son parcours à Paris, Ferrer a récemment buté deux fois sur Gaël Monfils (2008 et 2011), Robin Söderling en 2009, Jurgen Melzer en 2010, que des demi-finalistes ou finaliste, sans parler de Rafael Nadal en 2005. Les éditions 2006 et 2007, où ils tombent au troisième tour face à Ruben Ramirez Hidalgo et Fernando Verdasco, s'apparenteront davantage à ses accidents. "C'est un joueur qui mérite énormément d'être là où il est. Il a un niveau très impressionnant, il est très régulier et fait une saison sur terre battue magnifique. Mis à part le fait que je m'entende très bien avec lui, c'est un joueur que j'aimerais voir gagner ici ou ailleurs. Mais tant que je suis là, j'espère qu'il n'ira pas trop loin non plus".

Pour sa première demi-finale Porte d'Auteuil, pas de chance, David Ferrer affrontera le sextuple vainqueur du tournoi et numéro deux mondial, signant la première confrontation entre deux Espagnols en demie depuis Costa-Ferrero en 2003. Avant leur vingtième confrontation, le Valencian est mené par quinze victoires à quatre. Surtout, il n'a battu qu'une seule fois Rafael Nadal sur terre battue, à Stuttgart il y a huit ans ! Cette saison, ils se sont affrontés en finale de Barcelone (7-6, 7-5) et en demi-finale de Rome (7-6, 6-0). A chaque fois, le Majorquin s'est imposé. "J'ai vécu les deux sets les plus difficiles contre lui à Barcelone, estime tout de même Nadal. J'ai réussi à gagner, mais c'était dur. Mais en demi-finales de Roland-Garros, on joue contre les meilleurs du monde. Pour gagner, je n'ai pas d'autres moyens que de jouer mon meilleur tennis."

Ferrer est-il condamné à perdre en trois sets comme les cinq précédents adversaires du tenant du titre ? Si rien n'est joué d'avance, les statistiques dirigent le match vers un scenario à sens unique. En treize matches disputés face à Nadal sur terre battue, le sixième mondial n'a remporté que quatre sets, le dernier à Barcelone en 2008. Pour gagner vendredi, le Valencian devra en prendre trois en une seule rencontre au Majorquin qui n'a toujours pas perdu une manche depuis le début de la quinzaine, pas un set sur terre ocre cette saison (le bleu de Madrid mis à part), pire qui n'a perdu qu'un match sur terre battue au meilleur des cinq manches face à Robin Söderling, au moment où Nadal avait les genoux en vrac. Le combat qui l'attend est digne des travaux d'Hercule.

"Je pense qu'on peut gagner un set à "Rafa" mais gagner le match est pratiquement impossible." Malgré cette forme de dépit dans le discours, ne comptez pas sur Ferrer pour ne pas se battre. Nadal est son ami proche, mais pas un joueur qui s'incline trop facilement devant lui. "Il a plus de pression que moi, estime-t-il encore, parce qu'il est le numéro deux mondial, le tenant du titre et le meilleur du monde sur terre battue de mon point de vue. J'essayerai de faire de mon mieux en jouant mon meilleur tennis pour pouvoir le battre." Mais son meilleur tennis suffira-t-il pour battre ce Nadal-là, qui n'a perdu qu'une seule fois son service depuis le début de la quinzaine ? Réponse vendredi dès 13h.