Roland-Garros 2013 : Djokovic-Nadal: Un choc, deux discours

Pendant toute la quinzaine, ils nous ont fait le coup. "Match après match, les demi-finales sont loin, seul compte le prochain adversaire". Discours convenu mais implacable. Si vous ne passez pas le premier tour, inutile de spéculer sur le dernier carré. Sauf que tout le monde avait ce rendez-vous à l'horizon. Depuis mercredi en fin d'après-midi, ce n'est plus une hypothèse mais une certitude : Novak Djokovic et Rafael Nadal s'affronteront vendredi pour une place en finale. Après leur victoire respective contre Haas et Wawrinka, il n'a d'ailleurs été question que de ça, pour l'un comme pour l'autre. Ce qui est intéressant, c'est la différence d'approche des deux hommes. Dans le discours, évidemment. Pour résumer, d'un côté, un Nole déjà chaud bouillant. De l'autre, un Rafa faisant tout pour minimiser la portée du duel.

Malgré les questions répétées sur l'importance de cette confrontation, sur l'excitation qui peut régner autour, l'Espagnol n'a pas décollé un rictus d'enthousiasme, de crainte ou d'envie. Il a même fini par hausser les épaules. "Moi, je m'en fiche que vous considériez ça comme un choc ou je ne sais quoi, a-t-il lancé. Pour moi, c'est juste une demi-finale. Jouer Novak, Roger, Ferrer ou un autre, ça ne change vraiment rien du tout. Quand vous jouez un tournoi majeur, l'adversaire ne fait aucune différence, c'est comme cela. La demi-finale, il n'y a rien au bout. Personne n'aura rien gagné. Si vous gagnez en demi-finale, vous ne soulevez pas le trophée !" Un leitmotiv, qu'il a assené à plusieurs reprises durant sa conférence de presse. Sur le fond, Nadal a évidemment raison. Mais il ne peut ignorer que cette demi-finale contre Djokovic possède une saveur et suscite une attente cent fois supérieures, par exemple, à celle qu'il a disputée l'an passé ici-même face à David Ferrer.

A l'inverse, Djokovic donne le sentiment d'attendre ce duel avec une énorme gourmandise. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant. Nadal, ici, est en quête d'un huitième titre historique. Il a déjà battu Djokovic à Roland-Garros, En finale qui plus est. Pour le Serbe, la donne est un peu différente. Bien sûr, pour lui aussi, la finalité est d'aller chercher ce titre dimanche, le seul parmi les quatre majeurs qui manque encore à son palmarès déjà fortement garni. Mais dompter Nadal sur terre dans un match au meilleur des cinq sets, ce qu'il n'a jamais réalisé, constitue en soi un défi suffisamment excitant.

D'où, sans doute, cette différence de ton dans les propos du numéro un mondial mercredi après sa victoire face à Tommy Haas. Il ne pensait pas demi-finale. Il pensait Nadal. "C'est le plus grand défi possible pour moi dans le tennis d'affronter Rafa. Et de devoir l'affronter ici, à Roland-Garros, ça renforce encore plus la difficulté de ce défi." Puis il a lâché cette phrase, qui dit tout. Comme une vérité sans appel: "C'est le plus gros match pour nous, pour Roland Garros 2013, pour lui comme pour moi." Dans sa bouche, c'est une façon de dire que ce match-là ne se prépare pas tout à fait comme les autres. En tout cas, pas comme les autres demi-finales. "Ça va se jouer à un détail, à un ou deux points. Il faut garder sa discipline, être bien concentré pour que mentalement, physiquement, au point de vue émotionnel, nous soyons prêts pour ce match."

Alors, vraiment, Rafa, une simple demi-finale? Ou le "plus gros match du tournoi?" En le poussant dans ses derniers retranchements, il finit par concéder qu'affronter Djokovic vendredi sera "un peu étrange. Oui, ça aurait pu être une finale." Au fond, peu importe. Finale ou demie, c'est avant tout Nadal-Djokovic. Titre ou pas titre au bout.