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Gaël Monfils, ou les charmes et les limites d'une bête de scène

Laurent Vergne

Mis à jour 31/05/2015 à 11:25 GMT+2

Avec les qualités hors normes qui sont les siennes, pourquoi Gaël Monfils n'a-t-il pas accompli plus dans sa carrière ? Même Roger Federer se le demande.

Gaël Monfils

Crédit: AFP

Vendredi soir, pendant son quatrième set de psychopathe contre Pablo Cuevas, un journaliste, américain je crois, a posté un tweet disant que, selon lui, Gaël Monfils était "indispensable" aux premières semaines en Grand Chelem. Pendant que les ténors enquillent les matches en trois sets sans intérêt majuscule pour le public ou les observateurs, lui offre des bastons à chaque tour, des séquences assez folles et, parfois, comme contre Cuevas, des matches à vous laisser des souvenirs pour 15 ans.
De façon incontestable, Gaël est une bénédiction pour ces premières semaines parfois monotones. Avec lui, il se passe presque toujours quelque chose. Il a la cote auprès du public, et pas qu'à Roland-Garros, pas qu'en France. A New York, la foule est dingue de lui, de ce qu'il offre : une antidote garantie à l'ennui. Et à peu près tous les joueurs et joueuses aiment le voir jouer.
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Gael Monfils

Crédit: AFP

Forcément, ça ne va pas m'aider
Cette folie douce, c'est tout le charme de la Monf'. La raison pour laquelle, au-delà des palmarès, on se souviendra de lui. C'est aussi sa limite. Parce que, pour tout dire, si j'ai pris comme tout le monde un énorme plaisir à le voir signer le comeback de l'année sur le Lenglen vendredi, et si je valide à 100% les dires de mon confrère sur ce tweet, j'aimerais surtout qu'il soit indispensable… aux deuxièmes semaines. C'est là que son potentiel devrait l'imposer. Or ça n'a jamais été vraiment le cas.
J'ai rapporté ce tweet à Gaël lors de sa conférence de presse, lui demandant si, au-delà de son côté "entertainer" de la première semaine, l'énergie dépensée, physiquement et émotionnellement, ne nuisait pas à ses légitimes ambitions dans un tournoi comme Roland-Garros. "Forcément, ça ne va pas m'aider", a-t-il concédé. Avant d'avancer sa défense : "après, je trouve ça un peu facile. Il faut donner du crédit aux joueurs que je joue aussi. Schwartzman jouait super bien et Cuevas n'est pas forcément très, très connu mais il a failli battre Rafa cette année sur terre battue. Il a gagné des tournois sur terre battue. On a beau penser que je donne de l'énergie, j'en donne car les mecs me poussent à en donner. Moi aussi j'aimerais gagner en 3 sets tranquillement."

Pourtant, il a tout

Il n'a pas tort. Schwartzman et Cuevas ont effectivement produit du très bon tennis contre lui. Il n'empêche. Il avait les moyens de plier son match en quatre sets contre Edouard Roger-Vasselin au premier tour. Et lors de ses deux derniers matches, il a parfois joué trop par intermittence. Comme s'il avait besoin de sentir le danger, de le provoquer, pour changer de dimension. Cela a souvent été son cas. Il n'a pas, comme un Nadal ou un Djokovic, cette faculté à mettre la même intensité du premier au dernier point du match. Il ne l'aura sans doute jamais.
Pourtant, il a tout le reste. Oui, Monfils a tout. Physiquement, c'est un athlète hallucinant. Il possède à la fois l'explosivité et l'endurance. Il est puissant, frappe fort des deux côtés, n'a de déficit technique majuscule dans aucun des secteurs clés du jeu. Des carences, oui, mais rien de fatal. Et mentalement, c'est un "matcheur". Il aime les grands combats, les grands matches, les grands joueurs. Il vit pour ça. C'est son truc. Il n'est pas du genre à s'écrouler sous la pression, à perdre ses moyens.

Tellement plus qu'un chauffeur de salle

Alors, quoi ? Avec tout ça, pourquoi n'a-t-il pas le palmarès en corrélation avec ses aptitudes ? Vendredi, Roger Federer lui-même s'est posé publiquement la question. Il l'a déjà dit, il aime beaucoup Monfils. Et dans un témoignage moins critique qu'affectueux, le Suisse a affiché une forme d'incompréhension. "Je connais ses capacités. Je ne comprends pas pourquoi il ne s'est pas installé dans le Top 10 durablement et, je le dis, installé facilement dans le Top 10. Il aurait pu faire tellement mieux." Franchement, pas mieux Roger. Ou plutôt si. Ce qui a manqué à Monfils, tout le monde le sait, c'est une constance dans l'engagement, dont a découlé son inconstance dans la performance. Entre quelques bleus au corps et vague à l'âme, il lui a manqué cette ligne directrice. Son truc à lui, ce sont les fulgurances. Les éclairs.
Depuis quelques mois, il parait néanmoins avoir trouvé cette stabilité. Depuis qu'il s'est mis en tête de ne plus perdre de temps. Sur les huit derniers mois, il joue Top 10 et son classement sur cette période ne dit pas autre chose. Sous l'influence amicale et saine de Gilles Simon, avec qui il partage le même entraîneur, Jan de Witt, Monfils semble "dans son truc". Ici, à Roland-Garros, il parait porter une forte conviction en lui. J'ignore où elle peut le mener. Mais une chose est sûre, il vaut mieux que ce titre officieux de meilleur chauffeur de salle du circuit, du type qui excite le public en attendant l'entrée des stars, celles qui donnent toute sa dimension au spectacle, plus tard. Chauffeur de salle, OK. Mais Monfils a de quoi être une rock star.
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Gaël Monfils

Crédit: Panoramic

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