Agassi ? Un "consultant" plus qu'un "entraîneur"

Etonnés, excités et perplexes. Dans cet ordre, les sentiments se sont bousculés dans le petit monde de la balle jaune après l’annonce de la collaboration entre Novak Djokovic et Andre Agassi. Revoir une telle icône de ce sport –et même au-delà- a fait couler beaucoup d’encre tant elle est arrivée sans que personne ne s’y attende. Le changement d’équipe du Serbe témoignait d’une volonté de renouveau certaine, et il faut reconnaître que le Djoker a réussi un joli coup de poker alliant l’ancien champion à son équipe, tout du moins sur le papier.

Car c’est peut-être là que le bât blesse : pour le moment, aussi prestigieux que soit cet entraîneur néophyte, tout le monde attend de voir ce que cela va donner sur les courts des tournois majeurs, juges de paix pour sceller leur efficacité. Certaines autres stars du tennis ont essayé, tous n’ont pas réussi à porter leur poulain au-delà d’une première expérience qui n’a pas tout de suite porté ses fruits.

"Je pense qu’Agassi sera comme un Lendl, estime Emmanuel Planque, coach de Lucas Pouille, c’est-à-dire un consultant qui va donner son œil d’expert ponctuellement sur les tournois les plus importants. Comme lui, Agassi a une grande expérience dans les grands événements, qui ont des choses à partager avec ces joueurs qui viennent les chercher. En tout cas pour moi, ce ne sont pas des entraîneurs." Une vision partagée par d’autres observateurs du circuit : l’entraînement, c’est un domaine qui prend du temps à s’apprendre et à appliquer avec un joueur. "Entraîner, c’est changer les comportements des joueurs. Les anciennes gloires reconverties en coach sont là davantage pour évoquer une optimisation de la performance par un partage d’expérience, mais non pour régler un plan de frappe en coup droit ou régler un lancer au service."

Paradoxalement, Andre Agassi a un palmarès inférieur à celui de Novak Djokovic. Mis à part l’or olympique, qu’a obtenu l’Américain, le Serbe a rempli tous ses objectifs de carrière. Ce que cherche Nole, c’est donc un œil neuf sur son jeu afin de lui donner le supplément d’âme qui manque à l’ex-patron du circuit. "Ce qu’on constate, estime encore Emmanuel Planque, c’est que Djokovic n’aurait jamais dû se séparer de Boris Becker. Il a réussi à l’emmener à gagner ce qu’il voulait. Ce n’était aucunement sa faute si Novak était moins bien. Après avoir gagné tous les tournois du Grand Chelem, ce n’était plus pareil. Retourner à l’entraînement, redonner du sens à ses efforts alors qu’on a tout gagné, été numéro un mondial, c’est très compliqué. Ce qu’il vit, c’est humain. Cela prouve qu’il est en bonne santé mentale. Mais au moins avec Becker, il y est parvenu."

Loin de lui pourtant de penser qu’Agassi ne va pas parvenir à relancer la carrière de Djokovic, tout du moins à lui redonner un nouveau souffle. "Ce mec, c’est un mythe, une personnalité presque mystique pour moi, renchérit le protecteur de Pouille. J’ai besoin d’un temps d’adaptation pour me dire qu’il est de retour. Pour revenir sur le circuit, passer du temps dans le vestiaire, dans le player lounge, ça doit être quelqu’un qui aime le tennis et qui a une grande sympathie pour Novak..." Avant d’ajouter : "Quand il était joueur, je n’ai jamais vu Andre Agassi dans les vestiaires, il ne prenait jamais sa douche là-bas. Après avoir joué un match, il changeait de t-shirt, allait voir la presse et rentrait à l’hôtel. Il n’a jamais passé autant de temps dans un vestiaire, le type !"

Djokovic a déjà confirmé qu’Agassi ne le suivrait pas toute l’année, l’Américain ayant trop d’obligations familiales et professionnelles pour avoir le luxe de suivre le Serbe aux quatre coins du monde. Sans donner plus de détails sur la longueur de leur collaboration, le temps sans doute, de savoir comment tournent les événements. "J’espère qu’il n’y a pas de comm’ autour de tout ça, termine Emmanuel Planque. J’espère que ce n’est pas ça, que c’est plus pur et proche de la compétition. Si ce n’est que pour faire gagner de la sympathie à Djokovic aux yeux du public, j’espère qu’Agassi s’en rendra compte très vite de la supercherie." Il est encore trop tôt pour ne pas lui laisser le bénéfice du doute.