Rafael Nadal raconte sa finale de l'US Open 2013 contre Novak Djokovic

On le savait, c'était un point clé de la finale. A Roland-Garros, Djokovic avait mal débuté. Ça ne l'avait pas empêché de se retrouver ensuite en position de gagner, mais ces courses à handicap sont épuisantes. Une fois encore, lundi soir, Nadal a démarré beaucoup plus vite et beaucoup plus fort que son adversaire. Il a fallu un set et demi au Serbe pour se mettre dedans. L'Espagnol, lui, a joué à 100% dès les premiers jeux. Résultat, un premier set assez vite plié (6-2). La domination de Nadal était telle qu'une victoire rapide, en trois sets, semblait envisageable. Mais l'intéressé, lui, n'a jamais été dans cette optique. "A la fin du premier set, quand je suis allé m'asseoir, je me suis dit 'OK, c'est bien, mais on repart de zéro parce que tu vas avoir du mal à jouer aussi bien deux sets et de plus et ton adversaire, lui, va jouer beaucoup mieux que ça." Nadal avait évidemment raison, surtout sur le deuxième point: Djokovic a très nettement élevé son niveau de jeu par la suite. Il n'empêche qu'il a trainé ce premier set comme un boulet.

Un moment important dans cette finale, celui qui a vraiment lancé Djokovic et, du même coup, la rencontre. A 3-2 en sa faveur dans le deuxième set, le Serbe obtient une balle de break et la convertit après… 55 frappes. Un échange de mutants, comme les deux champions savent en sortir quand ils sont simultanément au sommet de leur jeu. Ce point, Nadal l'a donc perdu. Mais la grande force  Nadal, c'est sa faculté à ne pas se laisser polluer l'esprit. Dans la foulée, il a débreaké, comme un témoignage de son côté inoxydable. "J'étais épuisé après ce point, raconte-t-il, mais j'avais le vent avec moi, alors je savais que Novak serait encore plus fatigué. Je suis resté positif. La première chose que je me dis, c'est 'tu vas avoir ta chance au prochain jeu' et c'est ce qui s'est produit, j'ai réussi à lui prendre son service." Cette passe d'armes n'a rien changé à l'issue de ce deuxième set puisque Djokovic a aussitôt réussi un nouveau break à 4-4, décisif cette fois. La séquence en dit long en revanche sur l'état d'esprit de Nadal et sur le fait qu'il est extrêmement difficile de l'atteindre psychologiquement.

C'est une constante dans la carrière de Rafael Nadal. Il possède une faculté à se sortir des pires situations sur son service dans les grands matches. Roger Federer qui, en huit finales de Grand Chelem, a converti à peine 20% de ses balles de break face à lui, peut en témoigner. Novak Djokovic s'est trouvé lui aussi confronté à ce problème sur le court Arthur-Ashe. Dans ce troisième set qui a pesé si lourd, le Serbe a eu une balle de double break à 2-0 puis trois balles de break consécutives à 0-40 dans le neuvième jeu. Il a dominé, il a bousculé Nadal, mais il perdu ce set, et le match avec.

Invité à expliquer comment il parvient à passer entre les gouttes dans de tels moments, le Majorquin estime avoir eu "beaucoup de chance". Explication un poil courte, quand même. A ce moment-là, beaucoup de choses se passent ans la tête, comme à 30-40, sur la dernière balle de break de Djokovic, où Nadal a sorti… son premier ace du match. "Il n'y a pas de stratégie, assure-t-il. Je ne suis pas Isner et Novak est un des meilleurs relanceurs au monde. Alors c'est avant tout une question de feeling, d'intuition. Il faut faire des choix, prendre la bonne décision au bon moment." Nadal y voit la force de l'habitude. Le fait d'avoir vécu ce type de situations tant de fois dans des finales, et de s'en être tiré, lui donne la conviction qu'il peut le faire à nouveau. "Il faut de la détermination, de la confiance et, je le répète, un peu de chance", insiste-t-il.

C'est peut-être la statistique la plus cruelle pour Novak Djokovic. Dans ce troisième set, le numéro un mondial s'est procuré cinq balles de break, réparties sur trois des cinq jeux de service de Nadal. Il n'en a converti qu'une seule. L'Espagnol, lui, a eu deux occasions. Pour deux breaks. Les deux derniers jeux de la manche suffisent à résumer cette différence essentielle entre les deux champions lundi. Nadal est allé chercher cette manche contre le cours du jeu, alors qu'il souffrait. Sa faculté à maitriser les temps forts de son adversaire dans ce set s'est avérée déterminante.

Le gaucher des Baléares avoue avoir lutté à la fois contre un rival déchaîné, et contre lui-même. "Novak jouait juste un tennis incroyable. Il fallait tenir. A mon avis, le moment le plus important, c'est à 2-0. Il fallait rester à un seul break. Avec deux breaks de retard, c'était terminé. Sinon normalement, au bout d'un moment, j'allais avoir ma chance. Elle est arrivée. Là, il faut pouvoir la prendre." C'est ce qu'il a fait. Sur la balle de set, on a alors vu Nadal effectuer une célébration presque à la Connors, dont il n'est pas coutumier. "Je ne sais pas trop ce qui se passe à ce moment-là, sourit-il. C'est juste une façon de célébrer, ça vient comme ça. Je sentais que c'était un moment très important, le troisième set avait été incroyable. Du très haut niveau, des rebondissements, il fallait le gagner. Après, je retourne sur ma chaise et je me calme. Je pense à mon jeu de service, contre le vent, à ne pas me faire breaker. Je me dis que c'est loin d'être fini." En réalité, si, c'était terminé. Physiquement, mentalement, il venait de porter l'estocade décisive.