Vendée Globe 2013 : Gabart (Macif) : "C'était la guerre tout le temps"

Victorieux à 29 ans de son premier tour du monde, François Gabart (Macif) incarne définitivement cette nouvelle génération de skippers préparés à la victoire dans l’hyper professionnalisme remarqué au tournant des années 2000. On pensait Michel Desjoyeaux, lauréat en 2001 et éclatant récidiviste en 2009, seul dépositaire pour un temps encore de cette classe de gagne-tout à sang froid qui n’abandonne plus rien au hasard. Le Vendée Globe était sûrement une aventure pour Titouan Lamazou et consorts en 1989, il ne l’est plus pour les ingénieurs à la barre, même à l’état de bizuth. En scientifique surdoué, le circum-découvreur François Gabart a proposé pendant 78 jours une démonstration quasi-infaillible de gestion matérielle et maîtrise tactique.

Presque bord à bord, presque corps à corps, son rival Armel Le Cleac'h (Banque Populaire) a prouvé qu’il avait bien retenu les leçons - parfois cinglantes - de " Mich Dej". Le "Chacal" a spectaculairement progressé en quatre ans, s’alignant sur les normes que le "Professeur" avait exigées de Vincent Riou, le préparateur de son PRB en 2000, et pérennisées à travers son nouvel élève. Mais pour le champion de l’édition 2004/2005, l’histoire a refusé de dire s’il aurait eu les armes pour rester dans la bagarre à la victoire jusqu’au bout. Mais il y a fort à parier que oui. Bref, Gabart, Cleac'h et Riou sortent du même moule, ils sont faits du même mental et du même métal inoxydables.

Dimanche, aux Sables-d’Olonne, François Gabart a justement dit à quel point la résistance du psychique avait compté. "Je me surprends moi-même", a-t-il reconnu. "Sur le Vendée Globe, on découvre des choses sur soi qu’on ne pensait pas avoir. Tu prends des coups durs sur la tête et, au bout de 78 jours, tu te demandes comment tu as fait. Je pense que c’est cette difficulté qui te fait te découvrir toi-même que vont chercher les marins sur le Vendée Globe."

Cette difficulté, c’était celle du quotidien. "Sur le Vendée Globe, tu auras un problème par jour", lui avait lancé son mentor. C’est dans cette capacité à affronter calmement les contrariétés qu’il a préservé son influ, sa lucidité et finalement sa capacité à rester sur la ligne tenue du juste rendement mécanique et des bonnes décisions. Attaquer, temporiser, définir le meilleur cap. Jusqu'à l'arrivée. "Dans le Vendée Globe, il n’y pas une pire galère mais une nouvelle galère chaque jour. Je prends l’exemple de cette dernière nuit difficile dans le golfe de Gascogne avec 40 nœuds. Ce n’était pas simple mais c’était la dernière alors que s’il y en a d’autres à suivre, l’accumulation devient une vraie galère", a raconté l’héritier.

Si le Vendée Globe était un long fleuve tranquille, ça se saurait depuis longtemps. Les difficultés ont été de tous ordres, et l’écrémage s’est effectué à 360°, sur le coup ou par ricochet, à l’usure. "Ma galère de moteur qui aurait pu devenir une vraie faiblesse m’a fait changer d’avis", a dit l’heureux papa du petit Hugo. "A force d’être devant, tout se transforme en pure compétition. Le fait d’être dans cette logique fait que tu ne laisses rien à l’adversaire. C’est trop difficile pour lui concéder quoi que ce soit. Je me suis mis dans une logique qui est presque contre ma nature, mais c’est la compétition et c’est la priorité." La ténacité de Le Cleac’h a fait le reste, et l’hommage de ce "vrai gentil" comme le définit Desjoyeaux fut sincère à l'endroit du rival débouté : "Merci pour toutes ces émotions et ces difficultés qu’il ma causées car c’était la guerre tout le temps. Pour un compétiteur, c’est un réel privilège de vivre une régate d’une telle dimension".

Cet esprit prédateur a servi une approche particulièrement pointue des cartes météo. A partir du challenger ambitieux s’est ainsi révélé le vainqueur en puissance, comme il l'a raconté : "Je ne suis pas parti en pensant à la victoire. C’est quand j’ai doublé Armel dans l’Océan Indien, que je marchais bien et que Vincent s’était arrêté que je me suis dit qu’on pouvait jouer la gagne." Ce fut ensuite le premier coup de météo, le bon : "Après le Cap Horn, dans l’Atlantique Sud, on était proche avec Armel et il ne fallait pas se tromper de route. J’ai choisi d’aller dans l’Est et creusé l’écart."

On aimerait maintenant assister à une revanche comme il n’y en a jamais eue sur le Vendée Globe, avec les deux premiers au départ de l’édition suivante (2016/17) sur un matériel dernier cri. "Je ne sais pas", a tempéré le jeune héros à qui chaque jour suffit sa peine. "Il faut une envie très forte et profonde pour le faire et si tu ne l’as pas, le Vendée Globe, c’est un vrai calvaire. Seulement, cette envie ne se contrôle pas !"