Loeb au 36e dessus

Voilà la boulette japonaise réparée. En remportant le premier Rallye d'Irlande de l'histoire du WRC, dimanche à Sligo, Sébastien Loeb et Daniel Elena ont oublié l'opportunité manquée il y a deux semaines de doubler Marcus Grönholm et Timo Rautiainen au championnat. Sur l'île nordiste d'Hokkaido, l'équipage Ford avait fauté et abandonné. Mais la mésaventure finlandaise n'avait fait que précéder de peu le couac franco-monégasque. Finalement, seul un terrain vicieux pouvait encore offrir aux triples champions du monde de Citroën l'opportunité d'inverser la tendance en Eire et en Ulster, avant même la dernière épreuve, en Grande Bretagne. Mieux même, passer de moins 4 au championnat à plus 6...

Par un ciel qui n'augurait rien de bon et des routes bitumés mêlées à des spéciales boueuses, Marcus Grönholm n'avait pas eu vendredi la lucidité requise pour aborder une grande courbe avec la retenue exigée, laissant sa Focus contre un parapet et son rival libre de son destin, qu'il empoigna fermement.

Deux tout-droits corrigés au frein à main et quelques glissades furent trois jours durant les alertes les plus visibles mais les occupants de la C4 WRC N.1 ont souffert bien plus que cela pour cueillir les dix points d'une 36e victoire qui porte le record du genre à un nouveau sommet. "J'ai rarement vu des conditions d'adhérence aussi précaires", a souligné Sébastien Loeb. "Nous avons eu de la terre, de la boue, des coulées d'eau, des flaques. Impossible de relâcher l'attention un dixième de seconde sous peine de partir à la faute." Et assurer n'était pas la solution. "Si on perd le rythme, on est à l'arrêt complet", n'a cessé de répéter le génie au Double chevron.

Quesnel : "Une très bonne surprise"

Dimanche a quand même offert le répit d'un ciel clément, mais le soulagement n'était pas vain à l'arrivée car il avait aussi fallu changer un boîtier électronique le matin, le moteur de la C4 fonctionnant sur trois cylindres. Une opération qui a occasionné dix secondes de pénalité. "Ce fût une victoire difficile, surtout nerveusement", a confié le plus grand rallyman tricolore de tous les temps. "On était sur un terrain extrêmement piégeur. On s'est retrouvés en tête rapidement après l'abandon de Grönholm et là, on s'est dit 'Si on fait une erreur, on perd beaucoup de chances au championnat en se retrouvant à quatre points au départ de la dernière épreuve, alors que si on gagne tout s'inverse. Il a fallu gérer cette pression tout le week-end, pendant deux jours dans des spéciales très difficiles, mais j'avais un très bon feeling avec la voiture. J'étais vraiment content des réglages effectués ici pendant nos rallyes de préparation (Donegal et Cork)."

Un peu à la manière de Didier Auriol sur la route du titre mondial en 1994, Sébastien Loeb sera donc tiraillé au pays de Galles (30 novembre-2 décembre) entre l'obligation de sécurité et le besoin d'un rythme garantissant sa concentration. "On sait qu'il faut finir dans les cinq premiers", a-t-il relevé. "Normalement, c'est largement jouable. Par contre, partir dans un rallye en se disant qu'on n'est pas là pour attaquer mais pour finir, c'est pas ce qu'il y a de plus facile."

En fait, Sébastien Loeb sera le seul tenu par ce dilemme car son équipier Dani Sordo, tout comme ses rivaux Marcus Grönholm et Mikko Hirvonen, pilotera libéré dans les forêts galloises, desquelles aucun Français n'est jamais sorti victorieux. L'Espagnol, 2e en Irlande, ne peut plus rien pour Citroën au championnat Constructeurs puisque Ford a conservé son sceptre grâce à Mikko Hirvonen, 4e. Sa mission accomplie, le jeune Finlandais se donnera sans retenue. Il devrait disputer le rôle de lièvre à Marcus Grönholm, qui rêve, à 39 ans, de tirer sa révérence avec le style qu'on lui connaît.