Ce qui a fait la légende du Monte-Carlo
Mis à jour 16/01/2014 à 09:30 GMT+1
Le Rallye Monte-Carlo a vu naître le Mondial, la DS et la Mini y ont régné en maître, Vatanen et Loeb y ont fait des vainqueurs inoubliables. Voici tout ce qui a forgé la légende de l'épreuve.
1959 : une lauréate improbable, parmi d'autres
Créé en 1911 pour attirer la jet-set, le Rallye Monte-Carlo mêle rapidement à son palmarès les bolides d'un certain standing comme les machines de Monsieur-tout-le-monde. Ainsi, en 1959, Citroën triomphe avec ID 19, puis en 1966 avec la DS21. Des machines imposantes aux antipodes des Mini Cooper triomphatrices en 1964, 65 et 67. Avant la prise de pouvoir de bolides d'usine taillés pour la victoire : les Porsche 911, Alpine A110 et autres Lancia Stratos.
1965 : le Turini, la nuit, la magie
Le passage du col du Turini est un peu au Monte-Carlo ce que la montée de l'Alpe d'Huez est au Tour de France : un instant de bravoure et une porte d'entrée vers la gloire. Cette altitude de 1604 mètres plane pour la première fois au-dessus du programme en 1965, alors que le Championnat du monde des rallyes n'existe pas encore. Son caractère sélectif devient un test incontournable pour les aspirants à la reconnaissance. Il faut dire que depuis Lantosque, la départementale 2566 se déploie sans répit sur 33km et 34 épingles de la vallée de la Vésubie, entre Mercantour et Authion, pour passer par Moulinet et voir Sospel et la vallée de la Bévéra.
Mais ce n'est pas tout : les concurrents saisissent la dimension du défi en parcourant le col du Turini entre neige et verglas, de nuit, au milieu d'une foule partagée entre Français et Italiens qui n'a pas peur de braver le froid pendant des heures pour ses héros. C'est ce caractère à la fois nocturne et passionnel qui fait entrer de plain-pied le Monte-Carlo dans une classe à part. Aidé par un Timo Mäkinen impérial : le Finlandais domine les trois passages à la lumière des phares de sa Mini Cooper S.
1968 : Larrousse et Thérier maudits de la bêtise
Il n'a pas de beauté sans cruauté au Monte-Carlo : Gérard Larrousse en fait l'amère expérience en menant l'épreuve au volant de son Alpine en 1968 devant les Porsche, lorsqu'il s'engouffre dans le col du Turini, rassuré par ses ouvreurs. Croit-il… Ces derniers sont passés avant lui pour le renseigner sur les conditions de route et ont vu un bitume sec. Mais lorsqu'il arrive sur les premières difficultés, il s'aperçoit que des idiots en mal de spectacle ont rajouté de la neige à grands coups de pelles pour faire glisser les bolides. Jusqu'à précipiter l'accident de son Alpine. La voie libre pour le Britannique Vic Elford, une armada de Porsche 911 verrouille les belles places. En 1981, Jean-Luc Thérier, sur Porsche 911, revivra l'injustice de Gérard Larrousse.
1973 : le Monte-Carlo berceau du Mondial
A l'image de Silverstone qui a accueilli le premier gp du Championnat du monde de Formule 1 en 1950, le Rallye Monte-Carlo se fait une place à part dans l'histoire du Mondial en abritant le tout premier rallye du Championnat en 1973, du 19 au 26 janvier. On retiendra que c'est un Français, Jean-Claude Andruet, sur une Alpine A110, une marque de Renault, qui s'imposera malgré une crevaison en livrant un récital éblouissant dans le Turini. Cette victoire sera d'autant plus particulière qu'Andruet, contrat en poche chez Lancia, a accepté de faire une dernière apparition pour Alpine. En signant un triplé (Ove Andersson 2e, Jean-Pierre Nicolas 3e) la victoire de la marque française prend aussi des allures de triomphe.
1985 : Vatanen et Peugeot entrent dans la légende
Alpine a remporté le premier Championnat du monde Constructeurs en 1973 puis Lancia, FIAT, Ford, Talbot et Audi se sont succédés au palmarès. La version Pilotes déclinée en 1979 en sous emprise nordiques et c'est assez naturellement que Peugeot s'appuient sur des Finlandais pour accompagner son retour officiel dans la compétition. La 205 est un miracle commercial et la firme sochalienne vient de lancer sa version Turbo 16 en rallyes...
Les quelques apparitions de 1984 ont tourné à la démonstration (Finlande, Italie et Grande-Bretagne) et la Lionne est déjà une star lorsqu'elle s'attaque à l'Audi Quattro en ouverture du Championnat 1985. Elle devient une icône lorsqu'Ari Vatanen fend la nuit du Turini en même temps que l'armure d'un Walter Röhrl que l'on croyait indestructible. Aujourd'hui, Ari Vatanen reste le pilote emblématique qui a donné le coup d'envoi de la chevauchée fantastique du Lion vers la gloire à l'occasion de ce 53e Monte-Carlo. L'édition 1985 reste la seule victoire princière de Peugeot en WRC à ce jour.
1987 : pauvre Kankkunen !
Chez Lancia, Cesare Fiorio n'arrive plus à tenir Miki Biasion et Juha Kankkunen, alors leader, et décide que le meilleur dans le col du Turini l'emportera. Quand la sentence tombe, le Finlandais maintient que ce n'est pas ce qu'il avait compris… A l'approche de l'arrivée, il s'exécute en garant sa Delta sur le côté. Il aurait eu tout à perdre à agir autrement. Son image de pilote loyal et professionnel lui attire le soutien de l'équipe pour le reste de la saison et c'est finalement lui qui est champion en fin de saison, pour six points devant Biasion.
1991 : Delecour, si près
Une édition entre parfois dans la légende pour la surprise qu'elle réserve de révéler un jeune talent face à des stars normalement seules capables de dominer un terrain aussi complexe. 1991 appartient à cette lignée : François Delecour vient en effet troubler le jeu des champions du monde Carlos Sainz et Miki Biaison. Jusqu'au départ de l'avant dernière ES, il tient en respect l'Espagnol et l'Italien. Jusqu'au désespoir de l'arrivée. "J'ai pas tapé ! J'ai pas tapé ! J'ai perdu une roue !", crie-t-il à la foule, pour s'excuser de laisser échapper la victoire. Il descend de sa Ford Sierra pour constater l'impensable : un bris de rotule. "C'est pas grave François, tu es le meilleur", lui répond un spectateur qui l'attendait. "Dans la dernière (épreuve spéciale), c'est trop dur", déplore Bruno Saby (Lancia), lauréat de l'édition 1988. Cette injustice transformera trois ans plus tard sa victoire en triomphe.
2004 : Loeb fonce dans le brouillard
Un an après avoir maté ses coéquipiers de Citroën, Colin McRae et Carlos Sainz, Sébastien Loeb offre une démonstration plus impressionnante encore. Bitume sec, détrempé, neige, glace et brouillard transforment le rallye en improvisation permanente. Par moment, la visibilité ne dépasse pas 50 mètres ; Carlos Sainz (Citroën) tape, Mikko Hirvonen chiffonne sa Subaru, Marcus Grönhlom (Peugeot) se retarde dans un fossé. Seul Sébastien Loeb (Citroën) domine cette précarité avec une aisance phénoménale. Sur les 24,8 km de l'ES8, il a par exemple collé 28" à Grönhlom, 52" à Martin, ses plus proches poursuivants. A l'arrivée victorieuse, il livre sa recette. "Je pense que l'essentiel est la qualité des notes et la vision", explique-t-il. "C'était la première fois que l'on faisait cette spéciale dans ce sens-là. C'est donc la vue qui joue le plus grand rôle. Mais aussi le fait d'arriver à rouler plus vite que ce que l'on voit. Puisqu'on ne voit rien, on roule aux notes. Alors quand Daniel [Elena] m'annonce '200 mètres à fond', je fais 200 m à fond. Même si je ne vois qu'à 50 mètres et qu'il m'en faut 150 pour m'arrêter."
2013 : la halte à La Remise, toujours
Le convoi si pressé du WRC qui s'arrêté dans un village pour déguster une tarte aux pommes, cela paraît improbable à une époque formatée par les urgences. Et pourtant ! Au milieu des années 70, Jean-Claude Andruet, vainqueur du premier Monte-Carlo comptant pour le Mondial (1973), prend ses quartiers à La remise à Antraigues-sur-Volane, au nord d'Aubenas, pendant ses reconnaissances ardéchoises. Pendant le rallye, il n'a pas le temps de s'attabler mais arrête son bolide pour savourer une part de tarte aux pommes, la spécialité de l'auberge. D'autres amis pilotes s'arrêtent aussi et la tradition finit par gagner tous les concurrents au fil des ans. En 2013, le rallye traverse l'Ardèche et la Remise fait revivre une fois encore la convivialité d'antan.
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