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Il était une fois les Jeux

Eurosport
ParEurosport

Publié 12/08/2008 à 19:45 GMT+2

Chaque jour, nous vous proposons de revivre une grande page de l'histoire des Jeux Olympiques. Mardi, retour sur les quatre titres de Jesse Owens à Berlin, en 1936. Sur les terres du régime nazi, le sprinter noir américain remporta une victoire dont la po

Berlin, 1936. Une page sombre dans l'histoire de l'olympisme. Erigés à la gloire du régime nazi, ces J.O. furent de ce point de vue, une immense réussite pour Adolf Hitler. Malheureusement. Une démonstration de la puissance allemande (la délégation germanique termine en tête du tableau des médailles avec 33 titres) que va malgré tout venir contrarier un jeune homme né 23 ans plus tôt dans l'Alabama. Un petit fils d'esclave, si loin des canons aryens chers au nazisme. Son nom est Jesse Owens. La star de Berlin ne sera donc pas allemande mais américaine. Il n'aura pas le front blond et les yeux bleus, mais noirs, comme sa peau.
En soi, que le plus fabuleux champion de ces Xe Jeux de l'ère moderne soit un noir n'aurait dû avoir qu'une importance toute relative. Mais dans un tel contexte, cela va s'avérer tout sauf anecdotique. Quelle claque, tout de même, pour le IIIe Reich. Un nègre capable de démontrer aux Nazis, sur leurs propres terres, l'absurdité de la thèse de l'Ubermensch blanc et des races inférieures. Le clin d'oeil est savoureux. L'exploit sportif, lui, est immense. Owens débute sa moisson le 3 août, à 17h55, en remportant la finale du 100m. Lors de cette finale, JO a volé. Il a retenu la leçon de son premier maitre, Charles Riley, lequel avait un credo: "ne cherche pas à tout prix à te focaliser sur la vitesse, car tu te crisperas. Demeure bien en ligne, relaxe-toi et la vitesse suivra." Owens déploie effectivement une impression de facilité, plus que de puissance. Ce type est un félin, pas un taureau. Il s'impose haut la main, deux mètres devant son compatriote Ralph Metcalfe, trop mal parti pour le menacer réellement.
Le chef d'oeuvre de la longueur
Son chef d'oeuvre, c'est le lendemain, à l'occasion du concours de la longueur, que Jesse Owens va l'accomplir. Il a pourtant bien failli ne jamais participer à cette finale. Le matin, lors des qualifications, peut-être distrait par son sacre de la veille, l'Américain n'est pas dans son assiette. La limite de qualification a été fixée à 7,15m, soit quasiment un mètre de moins que son record du monde (8,13m). Mais Owens gâche le premier de ses trois essais. Il n'a pas vu que les qualifications avaient démarré et ce qu'il croyait être un saut d'entraînement devient sa première tentative, mordue. Son deuxième essai est également mordu, largement qui plus est. Owens est au bord de l'élimination. Il décide alors d'avancer ses marques au maximum, pour assurer. Il s'élance, saute, et ressort de la fosse visiblement inquiet. Le saut est mesuré à... 7,15m. Owens a eu chaud.
Six heures plus tard, le voilà donc en finale, pour ce qui reste un des trois plus grands concours de l'histoire de la discipline, avec celui de Beamon en 1968 et le duel Powell-Lewis à Tokyo en 1991. Le grand rival d'Owens se nomme Luz Long. Il est allemand. L'intensité de leur duel va atteindre des sommets, d'autant que les deux hommes ont un réel respect l'un pour l'autre. Premier essai, Owens claque un 7,74m qui met d'emblée la pression sur son rival. Mais au deuxième essai, Long égale la marque de l'Américain, lequel réplique aussitôt: 7,87m à sa troisième tentative. Cette fois, Owens a pris une option sur l'or. Cinquième essai: Long s'arrache comme jamais. Verdict: 7,87m! Voilà les deux champions à nouveau à égalité. 100.000 personnes, dont Hitler en personne, se sont levées pour acclamer Luz Long, qui vient saluer le Führer en bas de la tribune d'honneur. A cet instant, le champion olympique, c'est lui, son deuxième meilleur saut étant supérieur à celui d'Owens. Ce dernier joue donc à quitte ou double sur ses deux derniers essais. Là, James Cleveland Owens fait montre d'un exceptionnel sang froid. Il enchaîne deux bons à 7,94m et 8,06m. Long est battu et abattu.
Le Chaplin du sport
La légende, tenace mais erronée, prétend qu'Hitler, furieux, quitta alors le Stade, refusant d'assister à la cérémonie protocolaire du podium. La vérité est sensiblement différente. Le 2 août, Hitler avait souhaité recevoir dans sa loge un athlète allemand, Hans Volker, sacré champion olympique au javelot, ainsi que Tilli Fleischer, victorieuse au javelot. Le chancelier allemand est rappelé à l'ordre par le président du C.I.O, qui lui explique que ces félicitions personnelles et officielles sont contraires au protocole, et qu'Hitler doit saluer tout le monde ou personne. Le dirigeant nazi prend note et à partir de ce moment là, il s'en tiendra au strict respect du règlement olympique. Lors de chacune des victoires d'Owens, Hitler était sans aucun doute ulcéré, mais il n'a pas davantage salué l'Américain lors de la remise des médailles que n'importe quel autre champion olympique à compter du 2 août. Il n'est nullement nécessaire d'enrober la réalité historique pour lui donner une consistance artificielle. D'autant que la vérité se suffit à elle-même. A lui seul, Jesse Owens, par l'évidence de son talent, a tordu le cou aux plus ignobles préceptes.
Il obtiendra deux médailles d'or supplémentaires, le 5 août sur 200m et enfin le 9 août à l'occasion du relais 4x100m. Son triomphe est total. Au-delà de l'immense exploit sportif, que seul Carl Lewis égalera près d'un demi-siècle plus tard, l'aura du champion de Cleveland a évidemment bénéficié du contexte dans lequel il a été accompli. L'aspect symbolique du quadruple sacre d'Owens, mettant à mal les théories nazis, a décuplé sa portée. Dès lors, et sans qu'il n'ait rien demandé, ces médailles d'or n'étaient plus seulement les siennes, mais bien celles d'une forme d'espérance, face aux pires aspects de l'humanité. Que le sport ait été capable d'adresser cette gifle en pleine figure au nazisme peut paraitre dérisoire à certains. Cela n'a d'ailleurs évidemment rien changé au sombre destin qui attendait l'humanité dans les années qui suivirent. Mais qui, à part un autre génie dans son genre, Chaplin, via l'arme fatale de l'humour, est parvenu à ce point à ridiculiser les sinistres théories du régime national socialiste? Ce ne fut pas la moindre des victoires pour Owens.
JESSE OWENS EN 5 DATES
. 1913: Naissance le 12 septembre à Oakville, dans l'Alabama, de James Cleveland Owens. Il passe ensuite son enfance à Cleveland où un de ses professeurs, le rebaptise Jesse, parce qu'il ne comprenait pas l'accent d'Owens lorsque celui-ci lui donnait son prénom, JC, contraction de ses initiales.
. 1929: Rencontre avec Charles Riley à la Fairview Junior High de Cleveland. Riley devient son entraineur et son mentor. Il va façonner le futur quadruple champion olympique.
. 1935: Le 25 mai, à Ann Arbor, dans le Michigan, Owens entre dans l'histoire. En l'espace de 45 minutes, il bat trois records du monde et en égale un quatrième. Il porte notamment celui de la longueur à 8,13m, une marque qui tiendra 25 ans, jusqu'en 1960 !
. 1936: L'Américain devient le premier athlète à remporter quatre médailles d'or lors d'une même édition des Jeux. A Berlin, son talent tord le cou aux thèses nazies sur la supériorité de la race blanche.
. 1980: A l'âge de 66 ans, Owens meurt d'un cancer de la gorge. Il est enterré au Oak Woods Cemetery de Chicago. Lors des derniers mois de sa vie, Owens avait tenté, sans succès, de convaincre le président Carter de ne pas boycotter les Jeux de Moscou.
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