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Retraite - "Je ne comprends pas pourquoi on ne me voit pas en champion" : Mahiedine Mekhissi, le perpétuel malentendu

Martin Mosnier

Mis à jour 04/01/2023 à 08:04 GMT+1

Il est l'un des plus gros palmarès de l'athlétisme français et n'a pourtant jamais fait l'unanimité. Mahiedine Mekhissi, triple médaillé olympique sur 3 000 m steeple, a annoncé mardi au journal L'Equipe qu'il mettait un terme à sa carrière à 37 ans. Une carrière gigantesque qui n'a sans doute pas eu l'éclat qu'elle méritait. La faute à plusieurs malentendus. De Pékin à Rio.

Mahiedine Mekhissi lors de la finale des championnats d'Europe 2014

Crédit: Getty Images

"Je ne comprends pas pourquoi on ne me voit pas en champion. J'ai le plus beau palmarès du demi-fond français, j'ai du talent et je suis un leader de cette équipe de France. Mes plus belles années sont devant moi. Je ne comprends pas." Dans une confession en 2013 à Libération, Mahiedine Mekhissi, ténébreux, solitaire et insaisissable, résumait déjà à merveille tout le paradoxe de sa carrière. À l'heure, aujourd'hui, où elle se referme, celle-ci reste diablement mystérieuse. D'un côté, un palmarès gigantesque (trois médailles olympiques, deux mondiales, cinq titres européens) dans une discipline, le 3000 m steeple, réservée habituellement aux Kenyans. De l'autre, des polémiques et des incompréhensions nées d'une personnalité volcanique et d'un parcours atypique.
Dès le départ, le succès s'accompagne d'une ombre gênante. 2008, Jeux Olympiques de Pékin : un jeune Français rentre par effraction dans la grande histoire du sport tricolore. Alors que la piste bleue vit des JO pénibles en Chine, Mahiedine Mekhissi lui offre sa première médaille (argent), un an après avoir été éliminé en série des Mondiaux. Sa brutale éclosion s'accompagne de soupçons de dopage à peine voilés d'autant que son entraîneur de l'époque traînait une réputation sulfureuse. L’Équipe parle alors d’une performance "qui a soulevé plus de questions qu’elle n’a déclenché d’engouement". "Quand j’ai lu les journaux, ça m’a gâché mon plaisir", expliquait-il au Monde, en 2012.
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Mahiedine Mekhissi, médaillé de bronze du 3000 m steeple aux JO de Pékin

Crédit: Getty Images

Soupçons de dopage et tapis vert

"Mon dopage, c'est ma foi en moi, en ma force. J'ai commencé directement avec des problèmes, je ne comprenais pas pourquoi on disait tellement de choses sur moi... ça fait que je suis l'homme que je suis aujourd'hui", avait-il expliqué par la suite. De Pékin à Rio, la même gêne accompagne son podium. Cette fois, il n'est point question de soupçon mais alors qu'il devient le premier athlète, toutes nationalités confondues, à aligner trois podiums consécutifs aux JO sur 3000 m steeple, sa médaille de bronze est acquise sur tapis vert alors que Kemboi a marché sur la corde. Court lors de la finale, le Rémois termine à trois secondes de l'infortuné Kemboi.
Yohan Kowal, l'autre Français engagé sur la course, réagit : "S'il a juste mis le pied dans la corde, il n'a pas mordu de quinze mètres, mais c'est le règlement. Si Kemboi finit largement devant et qu'il ne mord que d'un pied… Mais bon, je vais défendre la France. S'il peut récupérer une médaille, c'est bien pour lui." Ce même Kemboi qui, trois ans plus tôt, avait été porté en triomphe par "son ami" Mekhissi à Londres quand les deux hommes avaient achevé la finale olympique en or et en argent. Voilà un bien joli résumé de la carrière de Mekhissi qui n'en finit plus de marquer l'histoire mais sans tambour ni trompette. Un parcours qui l'empêchera d'avoir la reconnaissance que méritaient son talent et son palmarès.
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Mahiedine Mekhissi avait décroché le bronze à Rio en 2016

Crédit: Getty Images

Zürich 2014 : Disqualification et réaction de champion

Finalement, il n'y a guère qu'aux championnats d'Europe de Zürich, en 2014, qu'il gagne les cœurs. Et s'il ne fallait retenir qu'un épisode de son immense carrière, ce serait sans doute celui-ci. Il démarre son aventure suisse par une curieuse disqualification. Largement en tête du 3000m steeple, il décide d'enlever son maillot pour célébrer sa victoire dans les ultimes mètres. Disqualification. "Désolé, je pensais simplement célébrer ma victoire comme un joueur de foot, il n'y avait aucune arrogance envers mes adversaires et le public", se justifie-t-il.
Trois jours plus tard, remonté comme un coucou, il s'impose en finale du 1500 mètres. "Ce jour-là, franchement, j'ai atteint un niveau que je n'avais jamais eu, déclare-t-il aujourd'hui dans L'Equipe. J'ai atteint mon apogée. Je suis fier de moi. J'avais un genou à terre et je me suis relevé." L'orgueil d'un champion décidément pas comme les autres, capable d'en venir aux mains avec Mehdi Baala lors d'un meeting à Monaco ou de bousculer une mascotte après un nouveau sacre européen en 2012.
Capable aussi, et surtout, de gagner le respect des Kenyans pendant plus de dix ans sur le 3000m steeple. Un champion volcanique, un champion aux deux facettes mais un immense champion tout de même. "J'ai laissé ma trace, conclue-t-il chez nos confrères. On va s'apercevoir que ce que je faisais était exceptionnel, ce n'est pas facile de gagner une médaille. Et de durer."
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