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TOKYO 2020 - Racines US, saut en longueur, 2021 : qui est Marcell Jacobs, nouveau champion olympique du 100m ?

Loris Belin

Mis à jour 01/08/2021 à 19:15 GMT+2

JEUX OLYMPIQUES – Lamont Marcell Jacobs était inconnu ou presque avant les JO de Tokyo. Le voilà champion olympique du 100m, le roi de la jungle de l'athlétisme et premier successeur d'Usain Bolt. La surprise est totale pour un athlète qui rien ou presque ne prédestinait à de telles prouesses. Portrait d'un champion pas comme les autres.

Marcell Jacobs, nouveau champion olympique du 100m lors des JO de Tokyo, le 1er août

Crédit: Getty Images

Il fallait bien une histoire forte pour LA course de la quinzaine olympique d'athlétisme. Celle de la rédemption Trayvon Bromell s'est évanouie dès les demi-finales, un stade que l'auteur de la meilleure performance mondiale de l'année n'a pas su passer. Celle d'André de Grasse que l'on voyait déjà comme un successeur d'Usain Bolt aurait été superbe, elle en restera sur une belle médaille de bronze. Pas de Bingtian Su non plus, exceptionnel en demi-finales (9"83) redevenu "anonyme" au rendez-vous des seigneurs. Il fallait au 100m un champion qui n'essaierait pas d'être un nouveau Bolt, ou même un grand comme les autres. Il fallait un Marcell Jacobs, cador sur lequel personne n'aurait misé, histoire singulière et médaille d'or retentissante.
L'Italien ne porte n'a pas un patronyme typique de la Botte. Lamont Marcell Jacobs porte les traces de son passé sur sa carte d'identité, lui le fils d'un père américain, militaire stationné en Italie d'où vient sa mère. Mais les liens avec la terre de ses origines s'arrêtent là où presque. Son paternel part en Corée du Sud et laisse femme et enfant quand Lamont Marcell n'a que 18 mois. Dès lors, son premier prénom - celui de son père aussi - est rayé dans son esprit. Il devient Marcell le Transalpin. "Je n'ai que des fibres musculaires américaines, je me sens 100% italien", assurait à la Stampa celui qui avoue sans peine "galérer" à parler anglais.
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Tokyo 2020 : Comment la surprise Jacobs a succédé au Roi Bolt sur 100m

Au nom de lui-même

Dans ses liens troublés avec son père se trouve pourtant toute l'essence de Jacobs, le champion. Il lui doit son corps sculptural, sa passion pour le sport et une rage incommensurable face à l'adversité. Un ressentiment qui a longtemps été une force mais aussi une certaine barrière pour exprimer tout son potentiel. Le travail avec une préparatrice mentale, Nicoletta Romanazzi, depuis plusieurs mois a posé les jalons de son chemin vers Tokyo : "Avec elle, j'étais d'accord pour m'attaquer réellement à mes peurs et mes fantômes, racontait-il au Corriere della Sera. Ça n'a pas été simple, il y a des choses de l'intime que l'on ne veut même pas se révéler à soi-même. L'énergie qui vous envahit quand vous abattez un tel mur est incroyable. J'ai haï mon père pour son absence, mais j'ai changé de perspective : il m'a donné la vie, des muscles puissants, la vitesse. Je le jugeais sans rien savoir de lui."
Le déclic est salutaire. Jacobs, le bon athlète, ex-champion d'Italie du… saut en longueur (en 2016, son identifiant sur Instagram est toujours @crazylongjumper, "le sauteur en longueur fou") devient un sprinteur qui compte. Petit, il se rêvait archéologue, ou au pire astronaute. Mais comprendre qu'il fallait travailler à l'école pour y arriver l'en avait dissuadé. Ne pas réfléchir, ne se poser aucune question, un mantra qui l'a poussé au moment de devenir la meilleure chance mondiale de son pays, sevré de breloque en athlétisme depuis 2004. "Le but de ma saison était de descendre sous les 10 secondes et de passer à autre chose, expliquait-il au Corriere della Sera. Mais j'ai les JO à l'esprit depuis que j'ai 9 ans. […] Je vais à Tokyo pour gagner une médaille : il n'y a pas de Bolt, pas de Coleman, pas de favori numéro un. Ce sera une bataille. Non, je ne mets pas mon rêve de côté pour l'instant."
Champion d'Europe indoor du 60m avec la meilleure marque de l'année et un record national en mars, nouvel Italien le plus rapide de l'histoire sur 100m en mai (9"95), puis trois records personnels consécutifs et un record d'Europe battu deux fois à Tokyo : son année 2021 est un décollage stratosphérique vers les étoiles. "Mon coach pensait que je pouvais courir aussi vite, moi je ne sais pas. Je pensais pouvoir faire 9"90, mais 9"80 c'est mieux" s'en amusait-il après la finale dimanche à notre micro. "Je me suis dit que j'allais donner 100% de ce que j'ai, je suis seul, je me concentre sur mon couloir et je cours vite. Et c'est le résultat" détaillait-il à Francetv sport. La recette du succès semble si simple parfois. Et pourtant si tortueuse dans le cas de Marcell Jacobs.
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Jacobs : "Mon coach pensait que je pouvais courir aussi vite... mais pas moi"

Le Yankee de naissance a saigné le sprint US

Lui, le natif d'El Paso a signé un des coups les plus fumants de l'histoire du 100 mètres. Une autre version du M. Nobody comme l'était Kim Collins, champion du monde à Saint-Denis en 2003 sans référence, en provenance de l'île de Saint-Kitts-et-Nevis que les trois quarts de la population mondiale ne sauraient placer sur la carte. Comme Collins, le dernier champion avant la génération Bolt - Gatlin - Gay, Jacobs s'est offert le scalp de ses presque compatriotes nord-américains. Colins avait vu la légende Maurice Greene échouer en demi-finales au Stade de France, Jacobs aura vu le favori annoncé Trayvon Bromell se casser les dents au même stade. Et dans un style très Carl Lewisien, une accélération semblant ne jamais s'arrêter, il a devancé Fred Kerley pour devenir le nouveau patron du sprint.
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Vitesse maximale précoce, décélération tardive : Caristan décrypte la course de Jacobs

"J'avais accroché au mur de ma chambre une page de journal avec la fameuse pub de Carl Lewis en talons hauts (ndlr : pour la marque de pneumatiques Pirelli), évoquait-il au Corriere della Sera. Mais mon idole était Andrew Howe, un Italien métissé, aux origines américaines comme moi. Je me voyais tant en lui." Comme Howe, sauteur en longueur champion d'Europe 2006 et vice-champion du monde 2007, Marcell Jacobs et ses impressionnants tatouages pourrait aisément être confondu avec un pensionnaire de sa patrie natale sans la mention "Italia" sur son maillot. "J'ai ça dans le sang. J'aime me distinguer des autres, ne pas passer inaperçu disait-il au Corriere della Sera. Au contraire, j'aime attirer l'attention." Ce dimanche, la mission est à jamais réussie.
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