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A force de tout célébrer, les acteurs NBA passent pour des idiots

Antoine Pimmel

Mis à jour 19/01/2018 à 13:26 GMT+1

NBA - L'incident diplomatique impliquant Paul Pierce, Isaiah Thomas et les Boston Celtics a pris des proportions incompréhensibles. Et tout le monde a l'air bête dans cette histoire.

Paul Pierce le 26 août 2017 à Las Vegas

Crédit: Getty Images

Une époque où les vrais faux-durs de cette ligue jouent des mécaniques et veulent en découdre tout en s’assurant qu’ils sont bien retenus, ainsi que leurs adversaires, par une dizaine de coéquipiers. Une époque où les basketteurs professionnels mettent en place des plans de bataille pour envahir un vestiaire. Et bien à cette époque-là, la passe d’arme la plus étrange, la plus futile et la plus embarrassante du moment n’est pas le fruit d’un début d’altercation ou d’une bagarre furtive mais bien d’une lutte d’ego en coulisses. La NBA est pourtant rythmée par à-côtés des franchises qui créent le buzz permanent. Mais aucune histoire n’a laissé un goût aussi étrange en bouche que cette querelle inutile au ton faussement poli à laquelle se sont retrouvés mêlés Paul Pierce, Isaiah Thomas et les Boston Celtics.

Un triangle amoureux dont tout le monde sort perdant

Il y a pourtant des points communs et des émotions fortes qui lient tous ces acteurs. Les deux joueurs, issus de générations différentes, ont fait le bonheur des supporters de l’une des équipes les plus mythiques du sport US. Avec des succès, et donc des proportions, là aussi différents. Leur imbroglio est d’abord le résultat d’un mauvais timing. Rappel des faits : tout a commencé avec la décision hâtive prise par Danny Ainge, le président des Celtics. Le dirigeant s’est mis en tête d’absolument rendre hommage à Isaiah Thomas, All-Star qu’il avait transféré sans le moindre scrupule (pour dénicher Kyrie Irving) six mois auparavant. IT était de passage avec ses Cavaliers le 3 janvier dernier et une vidéo en son honneur était prévue à l’occasion. Sauf que le joueur souffrait encore de la hanche. La rencontre, il l’a suivi depuis le banc, en civil. Il a donc demandé à ce que la célébration soit reportée au prochain duel entre Boston et Cleveland. Soit le 11 février. Ainge a accepté.
Et ça n’a pas du tout, mais alors pas du tout, plu à Paul Pierce. Et pour cause, le 11 février, c’est sa soirée. Mais vraiment que la sienne. Son maillot sera retiré au plafond du TD Garden cette nuit-là. Incapable de contenir sa frustration et sa colère, la légende des Celtics, désormais retraitée, n’a pu s’empêcher de s’exprimer sur le sujet… dans la presse. Et il allumé à plusieurs reprises : “Je ne suis pas sûr de vouloir regarder une vidéo des highlights d’Isaiah Thomas ce soir-là. Les Celtics n’ont qu’a faire ça sur Instagram. J’ai bien aimé la façon dont les Lakers ont profité de chaque temps mort pour rendre hommage à Kobe le soir où son maillot a été retiré. J’espère que les Celtics feront la même pour moi.” Puis, plus virulent : “Un maillot, ce n’est retiré qu’une seule fois. C’est le couronnement de ma carrière. J’ai joué pendant 19 ans et ce jour sera vraiment spécial pour moi. Avec ma famille et tous mes amis qui m’ont permis d’en arriver là. Je ne me souviens pas d’hommages rendus à d’autres joueurs le jour où certains retraités ont été honorés. Isaiah reviendra à Boston encore l’an prochain puis l’année d’après… Ce jour là devrait appartenir à Paul Pierce.
Isaiah Thomas lors de Cleveland - Portland en NBA le 2 janvier 2018
En ne lâchant pas un croc du beefsteak, Pierce est passé pour un vieux réac, pour ne pas être plus grossier. Mais il a surtout rendu publique une affaire qui aurait dû se régler en interne. Comme s’il y avait besoin de mettre au grand jour une injustice. Son attitude a suscité des réactions. Des contre mais aussi évidemment des pour avec ce coup fatal porté par son ami Rajon Rondo, débarqué dans le débat la batte de baseball à la main : “Il a fait quoi, Thomas ? On célèbre les finales de Conférence maintenant ? Ici, ce sont les Celtics, pas les Suns.
Représentant All-Star de Boston, Isaiah Thomas a battu des records de scoring pour la franchise (presque 29 points par match l’an dernier) tout en menant son équipe jusqu’aux finales de Conférence. Il était aussi l’un des chouchous du public. Il a joué blessé, et ce même au lendemain du décès de sa sœur à l’aube des playoffs. Est-ce que ça vaut un maillot retiré ? Certainement pas. Mais le meneur méritait son petit hommage de la part de passionnés qui n’ont que du respect et de l’affection pour lui. Mais Pierce a mis son véto. Et il a encore une fois lâché sa vapeur dans la presse : “Thomas a eu sa chance d’être honoré. Tu es venu à Boston. Que tu joues ou pas, tu aurais dû avoir ton hommage à ce moment-là. Je ne vois juste pas comment il pourrait y avoir un hommage à un autre joueur le jour où un maillot est retiré. Danny a tenté de me convaincre, mais je lui ai répondu ‘Il a eu sa chance, Danny, et il s’est joué de toi. Il a décidé de tout.’ Les Celtics l’ont laissé faire parce qu’ils se sentaient coupables du transfert à Cleveland. C’est de la culpabilité. C’est tout.” Diplomate, Thomas a eu la bonne idée de sonner la retraite et de laisser à ‘The Truth’ son moment de gloire.

Tout se célèbre, même le rien

Au final, beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Une vidéo d’à peine deux minutes diffusée pendant un temps mort. Mais si la réaction de Pierce est critiquable, que dire de l’attitude des Celtics ? Ils se sont mis eux-mêmes dans la panade avec cette manie de vouloir tout célébrer. Pourquoi avoir insisté à ce point pour rendre hommage à Thomas, un joueur qui a porté les couleurs de la franchise à peine plus de deux saisons ? Le sentiment de culpabilité a pesé, c’est évident. Mais c’est finalement aussi une question d’époque. De nos jours, tout se célèbre. Particulièrement dans le milieu sportif, et encore plus en NBA. Célébrer juste pour le simple fait de célébrer. De quoi nourrir les gros titres. Les éditions spéciales. On créé des événements à partir de rien. Cela fait aussi de belles images pour les fans. Et tout ça, ça se vend. Ça a un prix. Le business reste le business et, encore une fois, particulièrement en NBA. Isaiah Thomas, transféré brutalement après avoir mené son équipe en finales de Conférence, en sait quelque chose.
Des célébrations, il y en a toutes les nuits en NBA. Tous les soirs : soirée spéciale Star Wars, soirée Bobbleheads, soirée halloween, soirée Thanksgiving, Martin Luther King Day, soirée des vétérans de l’armée, Latina Nights, etc. Et célébrer équivaut à trinquer. Donc qui dit soirée spéciale dit tarif spécial. Du business. A ce rythme, même un joueur lambda comme Marvin Williams (ce n'est pas une attaque personnelle) sera mis à l’honneur par les Hornets le jour où il quittera Charlotte puis reviendra avec sa nouvelle équipe. Même constat avec les statistiques. Elles sont tordues dans tous les sens pour que chaque match offre son nouveau lot de record et donc une nouvelle occasion de célébrer. Petite digression sur les statistiques : le jeu actuel est bien plus rapide que par le passé. Il y a plus de possessions, plus de tirs, plus d’occasions de marquer, de passer ou de prendre des rebonds. Ce n’est donc absolument pas significatif quand un intérieur devient le premier joueur à claquer 37 points, 17 rebonds et 8 passes sur un match (hormis le fait que c’est une superbe performance). Il ne vient pas soudainement plus dominant que Wilt Chamberlain. A ce rythme, donnez des responsabilités à un joueur lambda comme Tobias Harris (là non plus ce n'est pas une attaque personnelle) et il battra des nouveaux records chaque soir. Avec autant de nouvelles opportunités pour célébrer. Allez, à la vôtre.
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