Magic Johnson - Isiah Thomas, récit d'une tumultueuse amitié

"C'est la plus grande déception de ma vie… et de loin." Voici ce que Magic Johnson déclarait au sujet de la détérioration de son amitié avec Isiah Thomas, dans When the game was ours, un livre co-écrit avec une autre légende de la NBA, Larry Bird, et la journaliste Jackie MacMullan, publié en 2009.

Comment ces deux icones de la grande ligue, dont la réconciliation a ému la planète basket, cette nuit, étaient arrivés si proche du point de non-retour ?

Magic Johnson - Isiah Thomas, c'est avant tout un duel qui a marqué la NBA sur les parquets. Le duel entre deux des meilleurs meneurs de l'histoire. Premier choix de la draft 1979, Magic est le maître ordonnateur du Show Time des Lakers, dynastie des années 80. Choisi en deuxième position par les Pistons en 1981, Isiah est le patron des Bad Boys de Detroit, redoutables au carrefour des eighties et des nineties.

Lors des débuts de Magic, le duo Lakers-Celtics phagocyte les titres, et son principal rival est Larry Bird. Mais face au meneur de Los Angeles, armé de sa taille (2m06), de son génie de la passe et de sa polyvalence hallucinante, seul celui des Pistons, aux inestimables capacités de leadership, rivalise en tant que point guard susceptible de tirer la quintessence de son équipe.

L'incontrôlable Isiah Thomas, bagarreur sur le terrain, "grande gueule" en dehors, devient rapidement un des joueurs les plus détestés de la ligue, au contraire du plus lisse Magic. Pourtant, les deux hommes s'entendent, s'apprécient. "(Isiah) était comme mon frère", déclarera même Johnson, dans le livre paru en 2009. Leur rivalité est sportive, loyale. Elle n'entache en rien leur amitié… jusqu'à l'épilogue de la saison 1987-88.

Les Pistons défient les Lakers, tenants du titre, lors des NBA Finals 1988. C'est le premier affrontement entre Magic et Isiah pour une bague… il commence par une bise, avant d'être beaucoup moins cordial. Les contacts sont rugueux, les échanges n'ont plus rien d'amicaux, durant cette finale tendue. Le paroxysme de cette tension ? Un coup de coude de Magic sur Isiah, qui tentait un lay-up.

Les Angelinos s'imposent en sept matches et restent au sommet de la NBA, mais la relation entre Johnson et Thomas elle, évolue. Ils ne sont plus qu'adversaires. La saison suivante, les Pistons prennent leur revanche et infligent un sweep aux Lakers en finale, puis réalisent le back-to-back en 1990. Isiah décroche donc ses deux bagues (contre cinq pour Johnson), tandis que Magic s'adjuge ses deuxième et troisième titres de MVP. Ils sont à deux pas d'un nouveau virage dans leur amitié déjà bien écornée.

Le 7 novembre 1991, Magic Johnson révèle sa séropositivité. Son conflit avec Isiah Thomas va alors prendre une nouvelle dimension. Thomas n'est pas sélectionné pour les Jeux Olympiques 1992. Il ne fera pas partie de la fameuse Dream Team. Beaucoup attribuent alors à Michael Jordan − qui ne cache pas son inimitié pour Isiah, enfant de Chicago qui lui a longtemps barré la route du sacre − une grande part de responsabilité dans l'absence du meneur de Detroit. Mais depuis, la donne a changé.

Toujours dans When the game was ours, Johnson révèle en effet qu'il a joué un rôle majeur dans la décision de se passer de Thomas, alors soupçonné de faire courir des rumeurs selon lesquelles il serait gay ou bisexuel, suite à l'annonce de sa maladie.

Magic n'endosse pas la casquette d'unique décideur, mais se montre très critique envers son rival : "Isiah a tué seul ses chances de participer aux JO (…) personne dans cette équipe ne voulait jouer avec lui…" Suite à ces révélations, Isiah Thomas se dit "déçu et blessé", ajoutant : "je n'avais jamais pensé que c'étaitlui (Magic Johnson) qui m'avait privé des JO", comme le relate ESPN, en 2009.

Difficile dans ce contexte d'imaginer les deux hall of famers tirer un trait sur leurs querelles du passé. Difficile, jusqu'à cette nuit.