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Les Spurs ou la genèse d'un collectif d'exception

Glenn Ceillier

Mis à jour 14/08/2020 à 11:12 GMT+2

NBA – Il y a 20 ans jour pour jour, San Antonio remportait son premier titre NBA. Les débuts d'un collectif devenu au fil des saisons une référence sur la planète sport. Par sa longévité mais aussi sa manière de fonctionner si particulière. Et incarnée notamment par un homme : Gregg Popovich, qui détient une partie des clefs de ce succès.

Gregg Popovich, Tim Ducan et David Robinson avec les San Antonio Spurs en 1999

Crédit: Getty Images

Cela pourrait être l’histoire d’un homme. D'un coup de chance. Ou l’histoire d’un collectif. Mais c’est un tout. Et c’est ce qui résume parfaitement les San Antonio Spurs. Voilà 20 ans maintenant que la franchise texane a su s'imposer dans le paysage du sport américain comme une équipe qui gagne. Vingt ans que les Spurs ne ratent plus les playoffs et n'ont jamais terminé une saison régulière avec moins de 57% de victoires. Vingt ans marqués par six finales et surtout cinq bagues de champion ! Mais aussi, un collectif devenu une référence qui a parfois ressemblé à une symphonie sur les parquets.
Cette success story à l'américaine a débuté en 1999. L'acte de naissance officiel des Spurs est même le 25 juin 1999. Ce soir-là face aux Knicks de Latrell Sprewell et Allan Houston, San Antonio remporte son premier trophée Larry O'Brien sur un tir d'Avery Johnson. Mais si chaque joueur texan a excellé dans le rôle qu'on lui a confié, le vrai héros de San Antonio s'appelle Tim Duncan, un jeune ailier-fort qui termine MVP des Finals avec 27.4 points, 14 rebonds et 2.2 contres de moyenne. Il est le facteur X de l'histoire de la franchise. Avec un certain Gregg Popovich, qui a su tout changer quelques années avant. Le vrai point de départ n'est en effet pas le 25 juin. Mais deux ans et demi auparavant. Car pour en arriver là, il a fallu un petit psychodrame mais aussi… un petit peu de chance.
Le psychodrame ressemble même pour certains à un coup de poignard dans le dos. Les Spurs sont alors une franchise avec du potentiel grâce notamment à la présence de David Robinson, un pivot qui brille autant par son efficacité que sa classe et son élégance. Mais voilà, les Texans, jugés trop softs malgré l'apport entre 1993 à 1995 du bad boy Dennis Rodman qui n'a jamais trouvé sa place, traînent aussi une image de losers incapables de concrétiser leurs excellentes saisons régulières lors des playoffs, avec comme point d'orgue cet échec face au Jazz au deuxième tour de la saison 1995-96 après avoir pourtant remporté 59 matches en saison régulière.

Le tournant : Quand Popovich se met sur le banc

Gregg Popovich, "general manager" de la franchise, prend alors LA décision qui va tout changer dans l'histoire des Spurs. Après un début d'exercice catastrophique en 1996-1997 (3 victoires, 15 défaites), il choisit de virer son coach Bob Hill et de le remplacer sur le banc. Tout simplement. Qu'importe si Hill avait amené les Spurs en playoffs lors des deux saisons précédentes et est populaire. Ou si les Spurs avaient joué ce début de saison sans David Robinson ou Sean Elliott, blessés. Comme l'écrivait si bien Balzac, on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs. Et quelle omelette, cela va devenir…
A l'époque cependant, le pari surprend. Il faut bien avoir conscience que ce n'est pas encore ce fameux "Pop" qui a magnifié le collectif des Spurs. Ce n'est pas ce mentor qui a su exploiter le meilleur de Tim Duncan, Manu Ginobili ou Tony Parker. Il est juste un ancien espion de l'armée, peu connu et sans grande expérience de coaching. D'ailleurs quand Popovich l'annonce à son groupe dans le bus, ceux qui ne sont pas dans le Texas depuis très longtemps et ne connaissent pas encore très bien l'ancien assistant de Larry Brown tombent de haut. "Nous étions surpris. Tout le monde pensait qu'il rigolait. Il s'est assis dans le bus et Bob Hill n'est jamais venu. On s'est alors dit : 'Il est sérieux'. Et de là, tout a commencé", raconte dans le Bleacher Report un Dominique Wilkins qui était en fin de carrière.
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Pas de playoffs pour les Spurs, la fin d'une série légendaire : 22 ans d'excellence en stats

Vous ne pouvez alors pas savoir que Tim Duncan serait le résultat de cette saison
Tout a commencé à cet instant. Mais par un long chemin de croix au début. Les premiers mois de Pop sur le banc des Spurs ressemblent à un cauchemar. Lors de son premier match à domicile, son nom est hué lors de la présentation des équipes. Et s'il profite de chaque entraînement pour mettre déjà en place sa philosophie, dicter ses principes de jeu mais aussi de vie et inculquer aux Spurs un style défensif, les défaites s'accumulent, soir après soir. "Il n'y avait pas de lumière à la sortie du tunnel, raconte RC Buford, devenu GM et qui sera l'autre artisan de cette success story. Vous ne pouvez alors pas savoir que Tim Duncan serait le résultat de cette saison". Voilà en effet, l'autre tournant de cette franchise. Et c'est là qu'intervient la chance.
Il est faux de penser que vient toujours un ciel bleu après une période cataclysmique. Les Spurs ont cependant eu cette chance. La pire saison de l'histoire de la franchise, conclue par un bilan de 20 victoires pour 62 défaites, accouche d'un heureux évènement dont rêvent toutes équipes NBA qui balancent leur saison dans l'espoir de récupérer un bon tour de draft. San Antonio hérite du premier choix de la draft 1997 et récupère Tim Duncan. L'équipe texane se retrouve avec un nouveau joueur dominant à associer dans la raquette à Robinson pour former les "Twin Towers". Un leader naturel mais humble qui sera la clef de voûte de tous les succès de la franchise.

Une évolution permanente

Il serait toutefois trop simple de penser que la dynastie des Spurs n'est qu'une question de chance. Le titre de 1999, année post-Jordan et une saison raccourcie à 50 matches par équipe en raison d'un lockout, aurait pu être le fruit de ce dénouement heureux de la première saison de Popovich sur un banc. Mais derrière, il y a eu des années de succès et quatre autres titres. Avec des groupes complétement différents, plus ouverts sur le monde notamment. Des adversaires aussi bien entendu. Et des styles de jeu aussi. Souvent considéré comme une équipe défensive au début de l'ère Duncan, San Antonio a ainsi su évoluer au fil de années, jusqu'à proposer l'un des plus beaux baskets entrevus avec un jeu en mouvement digne des plus beaux récitals lors des finales 2014.
Si la franchise texane est devenue une référence dans le monde du sport US en 20 ans, c'est bien pour d'autres raisons qu'une histoire de coups du sort. Avec RC Bufford, San Antonio a ainsi excellé sur le plan du scouting pour récupérer les joueurs adéquats afin de renouveler sa formation grâce notamment à des coups de génie lors de la draft à l'instar de Manu Ginobili ou encore Tony Parker, qui ont formé un trio de légende avec Duncan. Ou dans des trades (Kawhi Leonard). Mais si les Spurs ont toujours su se réinventer et se construire un palmarès à une époque où les Lakers ont pu compter sur le duo O'Neal-Bryant et où les Big Three de Boston (Pierce-Garnett-Allen) et de Miami (James-Wade-Bosh) ont fait rage, c'est bien une question de collectif. Et de… personnalités. De Duncan bien sûr, on ne fait pas tout cela sans un leader digne de ce nom qui a eu par exemple l'intelligence de passer la main quand le besoin s'est fait sentir. Mais de Popovich surtout.

La recette Popovich

Ses coups de gueules mémorables font le bonheur des observateurs et de Youtube. Sa façon de rembarrer les journalistes a contribué à le faire aimer. Sa rigueur éternelle et son exigence quotidienne ont pu exaspérer de nombreux joueurs, même Tony Parker n'a d'ailleurs jamais caché en avoir souffert. Mais "Pop", c'est surtout un maître dans l'art de gérer un groupe. S'il a su se muer en caméléon du coaching pour prendre le pli des évolutions de la NBA, l'une de ses grandes forces reste ainsi cette alchimie qu'il parvient à créer année après année avec ces Spurs, qui ne ressemblent à aucune autre équipe au monde.
Gregg Popovich n'est clairement pas un coach comme un autre. Par son côté humain et son approche psychologique notamment. Dans un monde où les egos ne manquent pas, il s'est employé au fil des saisons à se rapprocher de l'ensemble de ses joueurs. Et à créer de vrais groupes. Ses méthodes peuvent paraitre simples. Dans le sport de haut niveau, elles sont pourtant rares. Ainsi, il communique beaucoup. Ne cesse d'échanger. Se renseigne sur ses joueurs. Cherche à savoir d'où ils viennent. "Vous êtes assis dans l'avion et tout d'un coup, vous avez un magazine qui vous tombe dessus avec des articles entourés sur votre ville natale. Il vous demande alors où vous aimez diner. C'est comme ça que ça commence et ça ne s'arrête jamais", raconte Sean Marks au Time.

Gasol : "Je n'ai jamais fait partie de ce genre de chose ailleurs"

Dans cette organisation rare mise en place par Popovich, il y a d'ailleurs des moments clefs : les diners. Grand amateur de vin, le coach des Spurs organise très souvent des repas avec son staff et son effectif. Après un match par exemple. Mais pas seulement. C'est alors lui qui réserve les restaurants. Là aussi, cela peut sembler anodin. C'est tout sauf ça. Surtout en NBA, où les joueurs sont souvent libres d'aller où ils veulent entre les matches et s'isolent souvent avec leur casque sur les oreilles. "Je n'ai jamais fait partie de ce genre de chose ailleurs", avoue Pau Gasol sur Espn. Excellent dans les rapports humains, "Pop" sait alors utiliser ces moments pour construire le coeur de ses succès : l'esprit de groupe. "Ces diners nous aident à mieux nous comprendre comme personne. Ce qui nous rend plus proche des uns et des autres", confirme encore Danny Green.
Un épisode raconté par Espn résume parfaitement cette approche si particulière. Il faut remonter aux Finales 2013. Après le shoot de Ray Allen au match 6 qui avait complétement relancé le Miami Heat, les Spurs sont touchés comme rarement. Popovich a alors amené tout le monde au restaurant juste après la rencontre. Il s'est chargé de tout commander. Et est venu discuter avec tout le monde. "C'était la démonstration de leadership la plus impressionnante", se souvient Chad Forcier, adjoint aux Spurs. Alors bien sûr, les Texans ont perdu cette finale. Mais un an après, ils étaient encore là. Et ils se sont offert une nouvelle bague en faisant tomber le Heat de LeBron et Wade. C'est aussi ça qui explique la longévité de cette équipe. Cette capacité à ne pas exploser. A rester unie malgré les coups durs pour mieux rebondir. A posséder un vrai groupe. Voilà ce qui a rendu cette franchise unique. Et qui en fait la définition même d'un collectif d'exception.
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