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Jimmy Butler et les Timberwolves, chronique d'une lente autodestruction

Antoine Pimmel

Publié 09/11/2018 à 16:31 GMT+1

NBA – Le cirque qui s’est installé de manière permanente dans le Minnesota prend une tournure de plus en plus ridicule. Jimmy Butler réclame toujours son transfert et il sème la pagaille au sein d’une franchise qui semble de plus en plus affaiblie et dysfonctionnelle. Mais est-il vraiment le principal fautif dans toute cette histoire rocambolesque ? Décryptage.

Jimmy Butler (Minnesota Timberwolves)

Crédit: Getty Images

Il se moque de nous. Ou plutôt, ils se moquent de nous. Tous. De Jimmy Butler à Tom Thibodeau en passant par Karl-Anthony Towns, Andrew Wiggins ou le propriétaire Glen Taylor. Ils font du tort aux Timberwolves, leur franchise, aux supporters mais surtout à eux-mêmes en premier lieu. Ça fait déjà plus d’un mois et demi que ça dure. Butler, mécontent dans le Minnesota, a demandé son transfert avant le coup d’envoi de la saison. Il est encore coincé au sein d’une organisation pour laquelle il ne veut plus jouer et qui plonge de plus en plus dans la pénombre. La comédie burlesque vire au dramatique. Parce que cette situation peu commune a mis en pleine lumière le fonctionnement catastrophique des Wolves. Certainement l’une des équipes les moins bien gérées de toute la NBA.
Mais avant de parler des envies de Butler, de l’attitude de Thibodeau, du caractère (ou absence de caractère) de Towns ou du laxisme de Taylor, un petit rappel du parcours de Jimmy “Buckets” s’impose. Parce qu’il revient de loin. Très loin. “Son histoire est l’une des plus incroyables que j’ai pu voir durant toute ma carrière. Il y a eu tellement de fois dans la vie où il a été poussé vers le bas. Il a remonté la pente à chaque fois“, confiait un GM avant l’arrivée du bonhomme en NBA, en 2011.

D’abord une question de gros sous

Dire que son parcours est semé d’embûches est un euphémisme. Son père a quitté le foyer familial à sa naissance. Mais pire encore, à 13 ans, sa mère le met dehors et l’abandonne, parce qu’elle n’aimait pas sa tronche. Un adolescent à la rue, jusqu’au jour où, quatre ans plus tard, il a finalement été accueilli définitivement au sein de la famille de l’un de ses coéquipiers au lycée. Tout ce qu’il a obtenu, il est allé le chercher. Il s’est battu pour l’avoir. Que ce soit dans la vie ou au basket, où il est devenu une star NBA alors qu’un avenir de remplaçant lui était destiné. Il a défié les lois de la logique. En bossant dur, encore et encore. Rien de tout ça n’excuse l’attitude du joueur aujourd’hui. Ce sont simplement des éléments du passé qui, inévitablement, peuvent servir à expliquer le présent.
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Jimmy Butler à l'échauffement lorsqu'il évoluait avec les Bulls

Crédit: Eurosport

Il est facile de comprendre pourquoi Butler aime être désiré. Parce qu’il l’a rarement été. Et souvent, aux Etats-Unis et encore plus dans le domaine du sport, être désiré revient à être payé. Il était éligible à une extension de contrat l’été dernier. Il voulait son argent. Les Wolves lui ont proposé 110 millions sur quatre ans et il a logiquement refusé puisqu’il peut signer pour 190 plaques sur cinq piges en juillet 2019. Sauf que la franchise aurait pu lui proposer plus de sous. Mais pour ça, il aurait fallu descendre sous le seuil de la “Luxury Tax” en se débarrassant… du contrat massif d’Andrew Wiggins (prolongé pour 146 millions sur cinq ans en 2017 !), par exemple.
Ne vous y trompez pas : Butler ne veut pas nécessairement jouer pour une équipe plus ambitieuse que les Wolves – la preuve, Brooklyn et New York sont cités parmi ses destinations préférentielles. C’est avant tout une histoire de sous. De gros sous. Il est le meilleur basketteur de Minneapolis alors il voulait le salaire le plus massif.

En roue libre, Butler choisit ses matches...

Les dirigeants le savaient et ils n’ont pas bronché. Alors le joueur, mécontent, a fini par officiellement demandé son transfert – il l’a même fait publiquement lors d’une interview télévisée accordée à ESPN ! Le forcing. Juste avant le coup d’envoi de la saison. Difficile de faire pire niveau timing. Son comportement depuis est clairement inacceptable. Il a repoussé les limites du clash en décidant carrément des matches qu’il veut disputer ou non. Du rarement (jamais ?) vu.
Butler, qui n’a pas effectué de préparation pour la saison, se met lui-même au repos. Ce n’est pas le staff médical ou les coaches des Wolves qui ont le dernier mot. C’est simplement lui. Et personne d’autre. Et les responsables de l’organisation se retrouvent embarrassés à relayer des motifs auxquels personne ne croit. Pire, personne ne bronche. Il a refusé de jouer contre Utah mais il a souhaité faire le déplacement à Los Angeles avec l’équipe. Il choisit. Parfois en annonçant carrément ses intentions dans la presse. Comment les Wolves peuvent-ils créer une alchimie collective quand leur joueur majeur se pointe une fois sur deux ?
Un boucan scénarisé, comme le jour où il s’est pointé à l’entraînement pour ridiculiser certains de ses coéquipiers – Towns et Wiggins – tout en insultant ses employeurs. En ayant bien pris soin d’avertir ESPN au préalable pour tenir une interview exclusive dans la foulée. Il est en roue libre complète. Contre les Warriors, alors que son équipe prend une rouste, il fait tourner sa serviette sur le banc, communiant ainsi avec le public… de Golden State. C’est à se demander s’il ne jouerait pas pour les adversaires des Wolves afin d’écraser certains de ses compères – pas besoin de les citer à nouveau – s’il en avait la possibilité.
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Jimmy Butler et Karl Anthony Towns (Minnesota Timberwolves)

Crédit: Getty Images

Sauf que c’est clairement sa réputation qui en prend un coup. Butler a dépassé la ligne (parfois fine) entre l’envie extrême de gagner, le compétiteur acharné et le ridicule, le comportement de diva de celui qui ne sait plus où sont les limites. Il avait déjà quelques antécédents. Après tout, il avait refusé de jouer le All-Star Game l'an dernier parce qu’il était encore saoul de sa sortie de la veille. Son leadership à Chicago était tellement désastreux que les Bulls avaient pris la décision de l’envoyer aux Wolves après qu’il se soit mis les jeunes joueurs de l’effectif à dos. Il se tire lui-même une balle dans le pied avec ce nouvel épisode encore plus triste de sa carrière. Aucune franchise ne va accepter de se sacrifier pour un tel personnage, même si c’est l’un des vingt basketteurs les plus doués du monde. Surtout quand son contrat arrive à expiration.

Une franchise qui fonctionne à l'envers

D’ailleurs c’est exactement ce qui se passe. Il y a évidemment des équipes intéressées – Houston notamment – mais la plupart refuse de céder ne serait-ce que le septième joueur de leur rotation pour éviter de perturber leur équilibre en le faisant venir. Le pire, c’est que le management des Timberwolves continue de réclamer le prix fort alors même que Butler est en train de prendre la franchise en otage. Du grand n’importe quoi ! C’est à se demander qui est le plus à côté de la plaque. C’est peut-être Tom Thibodeau. Président des opérations basket et coach des Wolves, il est l’un des principaux responsables du marasme de la franchise.
Déjà parce que ses systèmes (défensifs) sont dépassés. Comme s’il refusait d’accepter que la NBA qu’il a connu il y a cinq ans, quand il était encore l’un des meilleurs entraîneurs de la ligue, n’existe plus. Il est démodé. Et aussi dépassé par les événements. Au point de fermer les yeux sur la situation. Thibodeau adore Butler. L’affectif est clairement entré en compte. C’est son poulain. Mais il lui laisse du coup des passe-droits. Il fait mine que tout va bien, mais personne n’est dupe. Ce n’est même pas sûr que Thibodeau cherche réellement à transférer Butler – vu qu’il demande toujours des choix de draft et des joueurs de qualité en échange alors que toute la ligue a conscience du sentiment d’urgence qui anime les Wolves. Il espère toujours une issue positive qui ne viendra certainement pas.
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Karl-Anthony Towns et Tom Thibodeau (Minnesota)

Crédit: Getty Images

Towns et Wiggins sont perdus

Pendant ce temps, tout le monde trinque. Et à commencer par les premiers choix des drafts 2014 et 2015 : Andrew Wiggins et Karl-Anthony Towns. Ils sont méconnaissables. Surtout KAT. Ce dernier a pourtant signé une extension record pendant l’intersaison mais il est bien, bien, bien loin de son niveau et encore plus de son potentiel. 18 points par match à 44% aux tirs. Où est passé le pivot dominant qu’il est censé incarner ? C’est comme s’il était complètement paralysé par la présence de Butler... Il s’efface de lui-même au point de s’oublier. Pas sûr que le garçon, extrêmement doué, possède le caractère et le charisme pour s’affirmer comme le patron d’une franchise. Pour Wiggins, on le savait déjà. Il choisit ses matches – bon, lui, il les joue mais souvent de manière fantomatique – et pointe à 17 points à 41% aux tirs depuis le début de la saison. Ces gars-là sont absolument incompatibles avec Butler. Et ils régressent !
Il n’y a pas si longtemps, les Wolves semblaient armés pour incarner l’équipe du futur à l’Ouest. Aujourd’hui, ils sont presque en position pour repartir de zéro, sans que l’on sache s’ils ont réellement misé sur les bons chevaux ou non. Peut-être valait-il mieux transférer Wiggins. Il aurait aussi sans doute été préférable d’arrêter de donner autant de pouvoir à Thibodeau, surtout que la plupart des franchises NBA évitent de confier une double-casquette de GM-coach trop souvent contre-productive. Quant à Glen Taylor, si sa franchise est aussi mal gérée, c’est probablement d’abord de sa faute. Butler, Wiggins, Towns, chacun a besoin d’un nouveau départ. D’une autre atmosphère. Et en attendant, ils sont tous en train de s’autodétruire. Il est temps d’arrêter ce massacre.
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