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"I’m back" : il y a 25 ans, Jordan revenait aux affaires

Maxime Dupuis

Mis à jour 18/03/2020 à 12:03 GMT+1

NBA - Le 18 mars 1995, Michael Jordan annonçait son retour à ses premières amours : le basketball. Parti à la retraite en 1993, lassé par la vie qu’il menait et la pression entourant sa personne, le numéro 23 des Bulls s’était lancé dans le baseball afin, également, d’honorer la mémoire de son père, assassiné cet été-là. La coupure avec les parquets dura vingt-et-un mois.

Michael Jordan, 25 ans après

Crédit: Eurosport

20 juin 1993. Phoenix. America West Arena. Un peu plus de treize secondes à jouer. Les Bulls font de la résistance mais la digue est en train de céder. Après avoir compté huit points d'avance à l'entame du dernier acte, Chicago plie mais ne rompt pas. Grâce à Michael Jordan. Depuis plus de onze minutes - et quelques années, serait-on tenté d'ajouter -, le numéro 23 porte ses coéquipiers sur ses épaules.
Les neuf petits points inscrits par les doubles champions en titre lors de ce quatrième quart-temps ont tous été l'œuvre de Jordan qui, soit dit en passant, réussit ses plus grandes finales. Avec 41 points de moyenne, dont une pointe à 55 unités lors du match 4, His Airness est au sommet de son art mais Chicago est désormais passé derrière les Suns qui, après avoir perdu les deux premiers matches à la maison, vont peut-être s'offrir un match 7 inespéré. Il n'en sera rien. Un trois-points de John Paxson pour la postérité puis un contre d'Horace Grant tout aussi mémorable (r)envoient les Bulls au paradis et les Suns à leurs chères études.
Chicago devient la première franchise NBA à signer un three-peat depuis… Boston et son inimaginable série de huit titres entre 1959 et 1966. Michael Jordan décroche sa troisième couronne de MVP des Finals et, plus que jamais, trône sur la planète basket. Un an après avoir prêché la bonne parole et évangélisé l'Europe à l'occasion des Jeux de Barcelone, il est une icône du sport mondial. Pourtant, frais trentenaire, MJ en a marre. Sa réussite unique lui pèse. Il ne rejouera plus au basket pendant vingt-et-un mois.
Je sens juste que je n'ai plus rien à prouver
"Gagner ce titre a été plus dur que tout ce que j'ai fait dans ma carrière jusque-là", lance-t-il à l’issue des Finales NBA. Une phrase qui prendra tout son sens le 6 octobre 1993 quand il annoncera au monde, médusé, qu'il quitte le sport qui l'a fait roi.
Après neuf saisons, dont les six premières dans le rôle de Sisyphe, Jordan a décidé qu'il était temps d'aller voir ailleurs. Ce qu'il résume ainsi, entouré de ses coéquipiers, du staff et de la direction des Bulls, le jour de ses adieux : "Je sens juste que je n'ai plus rien à prouver. Le désir n'est plus là." MJ a décidé de partir jouer au golf - ce qu'il faisait déjà quand bon lui semblait - et, on l'apprendra un peu plus tard, de s’essayer au baseball.
Pourquoi donc ? La question taraude l'Amérique et le monde. Pourquoi le meilleur joueur de sa génération - de l'histoire, bientôt - lâche-t-il les rênes à 30 ans seulement ? Deux ans après Magic Johnson, qui n'a eu d'autre choix que de quitter la scène, une année après Larry Bird, Michael Jordan met la flèche et la NBA perd ses trois plus grands winners de la décennie écoulée.
Michael Jordan

L’ombre du père

L'été a été d'une cruauté sans nom pour Jordan. Le 23 juillet, il a perdu son père, lâchement assassiné alors qu'il faisait une sieste sur une aire d'autoroute de Caroline du Nord. Son corps n'a été retrouvé qu'une dizaine de jours plus tard. MJ a été touché au plus profond de sa chair. Et, si arrêter le basketball n'est pas lié à 100% à la tragique disparition de James Jordan, se tourner vers le baseball a quelque chose de cathartique. Son père aurait rêvé voir son fils une batte entre les mains. Il le lui en parlait depuis… 1990.
"Mon père a eu cette idée. On avait vu Bo Jackson et Deion Sanders pratiquer deux sports et mon père disait que j'aurais pu réussir une carrière au baseball. Il me disait 'tu as les qualités'. Pour lui, j'avais déjà tout prouvé au basketball et ça valait la peine de tenter ma chance." A l'époque, le désir du père est inaudible. Parce que Jordan, soliste de génie, n'a toujours rien gagné avec les Bulls. Anomalie réparée en 1991, sous la houlette de Phil Jackson dont le jeu en triangle a façonné Chicago et aidé les autres à vivre avec MJ, majesté tyrannique. 1991, 1992, 1993 : trois bagues et une envie, faire autre chose. Rendre hommage au papa disparu.
Spoiler : la carrière de Michael Jordan baseballeur ne décollera pas. Et durera à peine deux ans. Elle sera néanmoins moins ridicule que ses détracteurs ont bien voulu le laisser entendre. Parce que vêtu de son numéro 45, celui qu'il portait au lycée, puis sous la tunique des Birmingham Barons et des Scottsdale Scorpions, Jordan s'accroche à son rêve de MLB. Il n’évoluera jamais plus haut qu’en Ligue Mineure. Et finira par se rendre à l'évidence.
Michael Jordan au baseball
Les Républicains achètent aussi des baskets
Le meilleur joueur de l'histoire de la NBA s'est aussi éloigné du jeu qui l'avait couronné roi pour d'autres raisons. Jordan est adulé sur les parquets. Rien ni personne n'approche His Airness sur ce terrain-là. En dehors, son image est plus mitigée et il a dû traverser quelques tempêtes depuis qu'il tient le sceptre.
Sa parole publique, sur les problèmes raciaux en Amérique et notamment le tabassage en règle de Rodney King, n'existe pas. Jordan ne sait pas quoi faire le jour où éclatent les émeutes de Los Angeles. Après avoir scoré 56 points face à Miami, il répond ainsi à un reporter qui l’interroge : "Je dois en savoir plus sur le sujet". En gros, passez votre chemin. La fameuse phrase "Les Républicains achètent aussi des baskets" lui sera également longtemps reprochée sans que l'on soit certain qu'il l'ait un jour prononcée.
Ajoutez à tout cela de gros problèmes de dettes liés à son amour compulsif des paris et des jeux d'argent. A l'époque, la rumeur veut que la retraite de MJ soit liée à une suspension cachée de la NBA. Suspension qui fut imaginable si le numéro 23 des Bulls avait parié sur des matches. Ce n'était pas le cas. Les casinos et les cartes lui suffisaient amplement.
Au final, c'est probablement Charles Barkley qui a le mieux résumé l'état d'esprit de MJ quand il a décidé de s'éloigner du jeu : "Ce qui est bizarre avec Michael c'est que lorsqu'on se retrouve ensemble, c'est dans une chambre d'hôtel. Parce qu'il n'en sort jamais." Parce qu'il ne peut en sortir.

Maillot retiré et statue érigée

Jordan est parti, les Bulls ont continué leur vie entre les mains de Scottie Pippen. Le lieutenant a pris du galon mais, au terme d'une saison pas si mal réussie que ça (55 victoires, contre 57 la saison précédente), il ne permet pas à Chicago de rester sur son trône. Désormais secondé par Toni Kukoc, "Pip" porte les Bulls en demi-finale de Conférence Est où, cette fois, ils sont terrassés par New York en sept manches. Ces mêmes Knicks plieront en finale face aux Rockets.
Dans le même temps, la flamme est en train de renaître en Jordan, qui a vu son numéro 23 retiré et dont le double en bronze a été érigé devant le flambant neuf United Center. Ajoutez à cela que la MLB s'est mise en grève. Le rêve d'y jouer un jour s'évanouit de plus en plus pour Michael Jordan. Il finit par se dire que meilleur basketteur de la planète, c'était un job plutôt correct.
Jordan lâche sa batte et, subrepticement, se rapproche de Chicago. On le voit revenir à l'entraînement. "Il venait de temps en temps mais il restait inaccessible à ceux d'entre nous qui n'avaient pas joué avec lui, simplement à cause de sa présence et de qui il était", se souvient Steve Kerr, dans le livre "Michael Jordan The Life", signé Roland Lazenby. A la fin de l'hiver, His Airness pointe de plus en plus souvent le bout de son nez au Berto Center pour y défier ses ex et futurs partenaires. Mais il ne dit rien de son envie ou de son ambition. Le plaisir, simplement ? Pas le genre du bonhomme. La rumeur enfle. Les supporters des Bulls et les médias spéculent autant qu'ils espèrent.
I’M BACK
Fin du suspense, le 18 mars. Avec le plus grand communiqué de presse de l'histoire des communiqués. Un préambule de David Falk, agent du joueur, et, en guise de déclaration, ces mots : I'M BACK. Seul Jordan pouvait se permettre un tel communiqué, qui le définit tellement. JE SUIS DE RETOUR. Point barre. Pas de long discours, pas besoin, Dieu le père revient sur terre, il n'est pas nécessaire d'expliquer pourquoi et comment. Le principal est qu'il soit là, de nouveau, parmi les mortels.
Chicago s'enflamme et recommence à y croire. Seulement, deux petites choses ont changé dans l'intervalle : Jordan a troqué son numéro 23 pour le 45. Et le natif de Brooklyn est un peu rouillé. La première est prévue à Indianapolis dans la salle des Pacers. L'arrière All Star shoote à 7 sur 28 pour 19 points. Chicago tombe à Indiana. Le chemin sera un peu plus long qu'espéré.
Un coup d'éclat gigantesque réussi au Garden lors de sa cinquième apparition laissera pourtant croire le contraire : 55 points et une passe lumineuse d'intelligence à Bill Wennington pour sceller la victoire des Bulls à New York et l'on imagine que c'est reparti pour de bon. Il faudra quand même patienter. Parce que, dans l'intervalle, le Magic de Shaq et de Penny Hardaway a pris son envol et, sur sa lancée, poussera les Bulls dehors au deuxième tour des Playoffs 1995. La mauvaise gestion du money time par Sa Majesté MJ coûte le match 1 de la série aux Bulls. A dix secondes de la fin, alors que Chicago mène d’un point et qu’il a le ballon en main, Jordan se fait avoir comme un bleu par Nick Anderson. Interception et deux points à venir. Chicago a perdu. "Le numéro 45 n'est pas aussi explosif que le 23. Je n'aurais jamais pu faire ça au 23", lance Anderson après le match.
Piqué au vif, Jordan décide de revenir au 23 lors du match 2 de la série et colle 38 points sur les têtes floridiennes. Chicago est mis à l'amende pour changement de numéro intempestif. Mais Phil Jackson n'en a cure. "Michael avait un pourcentage de réussite de 20,2% à la batte avec le numéro 45 au baseball. Je lui ai dit 'tu as le même pourcentage au basket. Il est temps de revenir au 23’." Chicago finira tout de même par plier. Pour la dernière fois de sa vie, Michael Jordan perd une série en playoffs. MJ ne sera pas resté vulnérable bien longtemps. Les trois années à venir en seront la preuve.
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