NBA - Vertigineux et absurde : Russell Westbrook, une carrière qui fait débat

Antoine Pimmel

Mis à jour 11/05/2021 à 09:08 GMT+2

NBA – Auteur du 182e triple-double de sa carrière lundi soir, Russell Westbrook a battu un record exceptionnel d’Oscar Robertson. Ses performances sont historiques. Incroyables. Et pourtant, le joueur reste parfois sous apprécié, voire critiqué et mal-aimé. Décryptage d’un paradoxe dans la sphère basket.

Russell Westbrook von den Washington Wizards

Crédit: Getty Images

Davis Bertans s’est élevé. Puis, voyant que la balle ne se dirigeait pas tout à fait vers lui, il a baissé les bras. Un mètre plus loin, Russell Westbrook était déjà là. Prêt à capter la balle. Prêt à marquer l’histoire de la NBA. Il a récupéré le cuire sur ce tir raté par les Hawks, validant du même coup son dixième rebond. Il n’en fallait pas un de plus pour battre le record en carrière d’Oscar Robertson. Voilà donc son 182e triple-double en carrière. Le voilà tout en haut du classement. Avec une marque établie qui devrait lui permettre de rester dans les annales de la ligue pendant encore de nombreuses années.

L'homme de tous les chiffres

Absurde. Ce que fait Westbrook sur un terrain de basket est absurde. Ça défie toute logique. S’il divise les passionnés de balle orange, tous se réunissent autour de cette idée. Ses détracteurs trouvent absurde sa manière de foncer droit dans les défenses adverses, de prendre des tirs insensés sans avoir l’adresse de Stephen Curry ou à s’entêter à rester le même joueur, si atypique. D’autres souligneront que l’énergie et l’intensité qu’il dégage sur le parquet chaque soir sont tellement élevées que ça en devient justement absurde. Mais ce qui est encore plus absurde, ce sont ses statistiques. Extraordinaires. Irrationnelles. Donc absurdes.
Dans ce monde, rien n’est certain. Sauf la mort, les impôts et les triple-doubles de Westbrook. 182 en 13 saisons. Soit désormais un de plus que Robertson tout en jouant un exercice de moins. Quand Magic Johnson, prince en la matière, bouclait sa carrière avec 138 triple-doubles à son actif, personne n’imaginait un jour un homme à même de faire tomber le record de ‘Big O’. Jusqu’à ce que le bonhomme originaire de Los Angeles – né quelques mois après le dernier sacre de la légende des Lakers – se mette à les accumuler, match après match. Il va boucler sa quatrième saison avec plus de vingt points, dix rebonds et dix passes de moyenne au compteur en cinq ans. Là encore, un accomplissement d’abord réalisé par Robertson, une seule fois, et qui semblait intouchable. Du moins avant 2017, et l’année héroïque de la superstar, élue MVP de la ligue tout en claquant 42 triple-doubles. Un autre record.
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Russell Westbrook (Washington Wizards) contre les Atlanta Hawks / NBA

Crédit: Getty Images

Sur ces quatre saisons en question, Russ a compilé 137 triple-doubles en 296 rencontres. Quasiment un match sur deux. Ou plus précisément 46%. Sur la même période, il a converti 43% de ses tentatives sur le terrain. C’est ça le plus fou : la probabilité qu’il finisse avec un triple-double est plus grande que celle de le voir marquer un panier. Absurde. En cinq ans, il a claqué plus de triple-doubles (144) que le nombre de victoires de Zach LaVine (128) depuis son arrivée chez les professionnels en 2016. Complètement absurde. Aujourd’hui, avec 11,6 prises par soir, il est le sixième meilleur rebondeur de la NBA – le seul Américain du top dix – alors qu’il mesure 1,93 mètre. Oui, les statistiques sont exceptionnelles. Et malgré ça, il ne fait pourtant pas l’unanimité auprès du public.

Une superstar unique dans le paysage NBA

C’est aussi ça, Russell Westbrook. Un personnage complexe et incompris. La somme de plusieurs paradoxes. Ses exploits le placent tout en haut dans le Guinness Book mais ils sont pourtant banalisés. Parce que répétés au point d’en devenir prévisibles. Et pourtant pas moins incroyables pour autant. Il va marquer l’histoire mais, au bout du compte, quelle place va-t-il vraiment y laisser ?
Les hommes mentent, pas les chiffres. Ou peut-être que si, en fait. Le joueur de 32 ans a été accusé de gonfler ses stats et de ne pas faire gagner son équipe. Mais il est pourtant le moteur de la deuxième partie de saison absolument canon des Wizards ! C’est d’abord grâce à lui si la franchise de Washington se retrouve en position pour disputer le play in, et donc éventuellement obtenir son ticket pour les playoffs. Ses performances purement chiffrées pourraient laisser croire qu’il se classe dans le trio de tête des meilleurs meneurs de tous les temps. Et ça, en revanche, ce serait exagéré. Trompeur. Ses statistiques sont à la fois sous-estimées et surestimées. Paradoxal. Le joueur, l’homme, mériterait d’être plus apprécié. Parce qu’il est unique !
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Russell Westbrook

Crédit: Getty Images

"L’autre soir, il a pris 20 rebonds. Il y a des gars qui ont joué 15 ans dans la ligue et qui n’ont jamais pris 20 rebonds", insiste Magic Johnson. "Pareil avec les passes décisives. Il en lâché 24 la dernière fois. Ce qu’il fait, c’est géant. Même moi je ne pouvais pas faire ça." Avec sa détermination, sa rage de vaincre, sa manière de jouer "comme si quelqu’un avait pissé dans ses céréales", dixit Mike Malone, l’ont fait passer pour une tête brûlée aux yeux de certains. Un acharné dans tous les sens du terme. Acharné dans son jeu et ses idées, dans sa gestion ou son absence de gestion alors qu’il évolue à la mène. Un homme ingérable ? Et bien non. "Je peux vous dire un truc : Bradley Beal est content de jouer avec lui", assure Darrell Walker, le précédent détenteur du record de nombre de triple-doubles sous la tunique de Washington (15). Une marque balayée par Russell Westbrook en quelques semaines.
Oui, il est aimé des siens. Tous ceux qui l’ont côtoyé, que ce soit au Thunder, aux Rockets ou maintenant aux Wizards, le qualifient de coéquipier extraordinaire. Tous, tous, tous. Même son de cloche chez les membres du staff. Ils saluent son éthique de travail, ses attentions envers les autres. Bien loin de l’image qui peut parfois lui être collée. Non, il ne portera probablement jamais une franchise vers le titre. Il ne devrait de toute façon même pas il y avoir de débat là-dessus. Son style est si particulier qu’il ne peut pas, ou plutôt qu’il ne peut plus, coïncider avec une formation trop ambitieuse. Mais ça ne veut pas dire qu’il ne fait pas gagner. Au contraire. Le Thunder, les Rockets et les Wizards ont tous été meilleurs avec plutôt que sans lui. Au final, laissons Russell Westbrook être Russell Westbrook. Parce que c’est ce qui fait son charme. Et c’est pourquoi on se souviendra de lui.
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