SAISON REGULIERE - Entre NBA et G-League, l’intermédiaire incertain du "two-way contract"

Maxime Ducher

Mis à jour 27/12/2021 à 19:05 GMT+1

NBA - Balancés entre la très discrète G-League et la bien plus fameuse NBA, les joueurs signataires de "two-way contracts", souvent non draftés, ont une seconde chance de faire leurs preuves aux US dans l’antichambre de la Grande Ligue. Malgré un salaire non négligeable, l’incertitude rythme leur quotidien.

Killian Tillie s'intègre petit à petit dans l'effectif des Memphis Grizzlies

Crédit: Getty Images

Quand les titulaires sont blessés, les intermittents dansent. C’est la situation que vit actuellement Killian Tillie (23 ans), joueur des Memphis Grizzlies, depuis plus d’une dizaine de matchs auxquels il a finalement pu prendre part. Pourtant, le benjamin de la fratrie Tillie n’a jamais été drafté. Après avoir suivi une formation 100% US, l’ancien intérieur de l’université de Gonzaga (Etat de Washington) a bien voulu s’avancer sur la voie royale en tentant, en 2020, de faire partie des heureux élus de la grand-messe annuelle nord-américaine.
Sans succès. Malgré un fort potentiel repéré par de nombreux observateurs, le jeune Frenchie a pâti de lourdes blessures (genou, pied) lors de son parcours, lui ôtant le rêve de tout aspirant au basket professionnel : intégrer la NBA par la grande porte. "C’était compliqué, j’avais fait une très bonne année sophomore (deuxième année) à l’université et, après, les blessures m’ont empêché d’être vraiment à mon niveau", explique aujourd’hui l’intérieur des Grizz.
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Killian Tillie, l'ancien ailier français de Gonzaga

Crédit: AFP

Une seconde chance

"Les équipes NBA ne veulent pas te prendre à cause des blessures, ils ne regardent que ça et pas ton niveau de jeu et ça c’est compliqué à digérer", regrette-t-il, amer. Comment, alors, rebondir face à une telle désillusion ? Depuis la saison 2017-2018, la Grande Ligue a mis en place le "two-way contract", un contrat permettant aux franchises nord-américaines de parier sur deux jeunes joueurs en les intégrant, en partie, au sein de leur effectif. Dans les faits, ces repêchés partent jouer la majorité du temps en G-League, antichambre de la NBA, où ils affrontent autant de concurrents à des strapontins sur les parquets NBA. Et parfois, les sirènes du plus grand championnat de la planète les appellent.
"J’ai eu la chance que Memphis me donne cette opportunité", reconnaît Killian Tillie. Depuis deux saisons, le Français défend donc les couleurs du Memphis Hustle, équipe de G-League affiliée aux Grizzlies. Mais lorsque le staff de l’équipe NBA estime que le fruit est mûr, le jeune intérieur a l’occasion de performer aux côtés de Ja Morant et consorts, pour un maximum de 50 matchs par an.
Une situation qui a, cette année, été facilitée par les nombreux blessés dans l’effectif du Tennessee, et surtout par la multiplication des cas de Covid-19. Ja Morant et Zaire Williams pour les Grizz, ou par exemple neuf joueurs Atlanta Hawks et des Boston Celtics, ont en effet dû suivre le protocole Covid mis en place par le patron de la Grande Ligue Adam Silver, et rester isolés durant au minimum dix jours. Conséquence directe : le nombre de places désormais disponibles pour les joueurs de G-League, de surcroît les "two-way contracts", a ainsi explosé ces dernières semaines dans le rangs des franchises NBA.

L’incertitude du lendemain

Comme son compatriote de Memphis, Jaylen Hoard (22 ans), actuel membre du Blue d’OKC (équipe G-League du Thunder d’Oklahoma City) a également tenté sa chance, lors de la Draft 2019. Pour le même résultat. Néanmoins, rapidement, le jeune ailier s’est vu proposer un "two-way contract" par les Portland Trail Blazers. Problème, Portland est une des rares franchises à ne pas posséder d’équipe de G-League. "Je devais faire les allers-retours entre Portland et Las Vegas pour jouer avec les Legends (affiliées aux Dallas Mavericks). Cela ne me dérangeait pas parce que j’étais juste content de jouer au basket", assure l’ailier tricolore.
Mais parfois, tout peut changer en moins de 24 heures. "Des fois, on nous prévient la veille pour le lendemain qu’on va jouer en G-League, et après on nous rappelle quelques jours plus tard pour revenir avec l’équipe NBA", explique Killian Tillie. Jaylen Hoard abonde : "Le plus compliqué à gérer, c’est l’incertitude, tu ne sais jamais exactement dans quelle situation tu vas être, si on va t’appeler en NBA ou pas. Je n’ai jamais eu de contrat qui me permettait de rester dans la même ville pendant deux ans."
Je ne me considère pas comme un joueur en 'two-way contract' mais comme un joueur NBA normal
"C’est un peu dur, poursuit Killian Tillie, comme le fait de pouvoir être coupé à chaque moment (mettre fin à un contrat, ndlr). Il faut vraiment s’adapter et c’est vrai que c’est compliqué au début. Mais c’est le business et c’est aussi pour ça qu’on gagne autant d’argent."
Car un "two-way contract" est loin de laisser ses signataires sur la paille. Une rémunération comprise entre 75 000 et 275 000 dollars par saison (suivant le nombre de matchs NBA disputés) est promise à chaque joueur sous ce régime. Puis, en cas de réussite, le voyage du joueur à potentiel peut déboucher sur un contrat garanti bien plus juteux, à l’image d’Alex Caruso, qui a paraphé un contrat de 5,5 millions de dollars sur deux ans avec les Los Angeles Lakers, après être passé par le même schéma que Killian Tillie et Jaylen Hoard.
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Jaylen Hoard sous le maillot du Thunder d'OKC, en attaque face à Pat Beverley (Los Angeles Clippers)

Crédit: Getty Images

Une passerelle vers la NBA

"Je ne me considère pas comme un joueur en 'two-way contract' mais comme un joueur normal des Grizzlies. Et ça peut me donner confiance de me considérer comme ça”, affirme Killian Tillie, qui grappille désormais entre 10 et 20 minutes de temps de jeu par match. Mais avec les retours de blessure de Brandon Clarke, Jaren Jackson Jr, ou encore Steven Adams, le Français ne se berce pas d’illusions : "Je vais sûrement avoir d’autres matchs en G-League cette année, mais je pense que c’est vraiment bien pour travailler mes moves. Je suis bien plus confiant quand je remonte ensuite avec les Grizzlies."
Plutôt récente, cette formule aurait pu modifier bien des carrières il y a quelques années. Ancienne figure de Pro A, puis joueur d’Euroligue, Paccelis Morlende a lui aussi rêvé du clinquant de la NBA. Multipliant les workouts (camps d’entraînement), jusqu’à 15 différents, l’ex-Dijonnais est parvenu à être drafté en 50e position lors de la fameuse cuvée de 2003, celle de LeBron James et Carmelo Anthony.
"Avec le recul, quand on voit les joueurs, c’était déjà pas simple de se faire une place dans cette draft, réalise-t-il aujourd’hui. J’aurais pu faire des petits contrats de 10 jours, faire le porteur de serviette et juste être sur place, mais j’avais besoin de jouer." Au lieu de repartir faire ses preuves en Europe, comme il l’a finalement fait, Paccelis Morlende se trouvait dans la situation parfaite pour bénéficier d’un "two-way contract". Qui n’existait pas encore…
L’alternative de la G-League est bien plus valorisée qu'avant
"Cela aurait été plus simple car ce type de contrat crée des passerelles. À l'époque, tu avais un contrat garanti ou pas, mais il n’y avait pas toutes ces options. L’alternative de la G-League (anciennement D-League) est bien plus valorisée maintenant qu’à l’époque. Il y a un meilleur niveau", décrypte le joueur retraité. Un niveau qui permet à ces espoirs tricolores de se montrer ponctuellement au fil de l’année, malgré un parcours parfois déstabilisant.
"Quand tu es jeune, tu ne t’imagines pas qu’il va y avoir autant d’étapes, concède Jaylen Hoard. Mais dès que tu arrives en NBA c’est plus compliqué que ce que tu pensais." Néanmoins, l’actuel ailier du Thunder d’OKC persiste et signe : "Mon objectif principal c’est de rester en NBA le plus longtemps possible."
Au-delà de l’attente constante d’un signe de la part des staff NBA, certains espèrent également voir leur téléphone sonner pour entendre une voix francophone à l’autre bout du combiné. "Je pense à l’équipe de France, c'est un objectif de représenter mon pays et j’ai très envie d’y jouer, admet Killian Tillie. J’attends juste un coup de fil."
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