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Coupe du monde - Emilien Jacquelin : "C’est à moi de jouer face à mes démons, face à qui je suis"

Simon Farvacque

Mis à jour 27/11/2022 à 14:44 GMT+1

COUPE DU MONDE - Emilien Jacquelin ambitionne de remporter le gros globe, lors d'une saison qui débute mardi à Kontiolahti. Un objectif qu'il susurre seulement. Mais son espoir d'être arrivé "à maturité" est assumé. Au contraire de l'an passé, le Français de 27 ans jouit d'une préparation sans accroc. Sa capacité à composer avec les bons et les mauvais pans de son biathlon instinctif sera la clef.

Jacquelin : "Je me suis trop forcé à vouloir devenir un autre biathlète"

"Je n’ai pas envie de revivre la même saison." On le comprend. Pourtant, bon nombre de biathlètes sortiraient torse bombé de l’hiver dernier, à la place d’Emilien Jacquelin. "Ce n’est pas une mauvaise saison.Cinquième du général, la victoire au Grand-Bornand, le fait d’avoir porté le maillot jaune, les deux médailles olympiques… j’allais les oublier (sourire). Mais je sais que je suis capable de mieux et je pense que tout le monde en est conscient", a résumé le double champion du monde en titre de la poursuite, lundi 10 octobre, lors de la présentation des équipes de la Fédération française de ski.
Jacquelin, 27 ans, trépigne à l’idée de poursuivre une carrière déjà brillante mais pas encore accomplie : "Il y a un goût d’inachevé. J’ai l’impression d’avoir commencé quelque chose et de ne pas l’avoir terminé." Dans l’analyse de son opus 2021-2022 paradoxal, une donnée est incontournable : sa fameuse blessure. "Il faut remettre les choses dans leur contexte : il y a cette blessure (au poignet gauche, ndlr) qui m’a demandé beaucoup d’énergie et qui a mis à rude épreuve mes émotions (…) Et peu de gens le savent, mais je m’étais cassé l’autre poignet (moins grièvement) au mois de juillet", retrace-t-il.
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Un dernier podium pour Jacquelin, le petit globe pour Bakken : le résumé de la mass start

Démotivé… lors des JO

C’est l’histoire d’une course contre-la-montre que Jacquelin a gagnée trop vite… et qu'il a donc, en fait, perdue : "J’ai eu l’impression que ma saison commençait le 1er août. C’était : 'OK, je suis blessé, maintenant je vais tout faire pour revenir au même niveau voire plus fort.' C’est ce que j’ai réussi à faire au début de la saison (…) Puis la tête a dit stop." Au point de souffrir d’un mal rare lors des Jeux Olympiques : le "manque de motivation". "Cela peut paraître improbable puisque les JO restent l’objectif ultime de tout athlète, considère le natif de Grenoble. Mais c’était la réalité, à ce moment-là."
Tout cela est derrière lui, puisqu’Emilien Jacquelin a vécu une intersaison paisible. A-t-il craint de revivre un tel contretemps ? "Il y a un jour en particulier où j’ai vraiment fait attention, c'était le 1er août, la date où je m’étais blessé en Norvège et on était encore, cette année, en stage au même endroit, nous raconte-t-il. On est allé courir 2h30 dans les marécages norvégiens… j’étais tellement stressé, je voyais la date emblématique… je marchais au lieu de courir, tant j’avais de l’appréhension." Voilà pour la sueur froide. Place au show, dont le Français est coutumier, à condition de ne pas trop réfléchir.
Je me suis trop forcé à vouloir devenir un autre biathlète
C’est l’autre facteur majeur des déboires relatifs de Jacquelin. Son perpétuel dilemme. Où doit-il placer le curseur entre tir à l’instinct et tir posé ? Entre course échevelée et course maîtrisée ? "Après les Championnats du monde de Pokljuka (en 2021), je me suis trop forcé à vouloir devenir un autre biathlète, se remet-il en question. Je disais haut et fort que j’avais envie de réussir d’une autre manière… mais on ne change pas qui on est. Mes qualités, ce sont l’intuition, la prise de risque (…) Elles ne sont présentes que quand je les laisse s’exprimer, pas quand je les force, pas quand je les bride."
Mais Jacquelin a aussi déclaré à nos confrères de L’Equipe, après un sprint de préparation remporté en Suède, le 13 novembre : "Je suis très content de retrouver du soin, du travail derrière la carabine, je prends du plaisir aussi comme ça, pas seulement quand je tire à fond." Comme s’il n’allait jamais cesser d’être tiraillé. "Je pense que mon gros point faible est l’envie, parfois, de trop bien faire, d’avoir une sorte de perfectionnisme un peu malsain", développe-t-il concernant sa quête d’un compromis parfait : "C’est à moi de jouer face à mes démons, face aussi à qui je suis, tout simplement."
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"C’était plus une victoire face à moi-même" : Jacquelin raconte son grand jour au Grand-Bornand

La quête de "stabilité"... puis celle du dossard jaune

"Ses émotions peuvent être excessives dans un sens comme dans l'autre, abonde Vincent Vittoz, entraîneur de l'équipe de France. Il nous emmène avec lui, il peut nous faire vibrer par ses succès et nous mettre dans des états émotionnels complexes quand le spleen lui vient." D'après l'ancien fondeur, "le travail est engagé" pour exploiter au mieux le potentiel de Jacquelin : "Il faut qu'il trouve cette stabilité (...) qu'il occulte tout ce qui l'entoure, qu'il se fasse beaucoup plus confiance. Il est plein de talent mais il doute trop souvent de ses capacités. Il veut parfois tout remettre à zéro quand ça n'a pas lieu d'être."
Les défauts et les qualités de Jacquelin semblent intimement liés. Et ce cocktail peut donner de grandes choses, il l’a prouvé. "On a tous nos forces, nos faiblesses, mais je pense avoir les armes pour jouer au plus haut niveau tout au long de la saison", souligne le lauréat du petit globe de la poursuite en 2020. Le cran du dessus, c’est le gros globe, qu’il vise sans le nommer : "Tout le monde imagine bien ce à quoi je prétends. Le fait d’avoir porté le dossard jaune, d’avoir fait des courses comme celle du Grand-Bornand… (...) Je pense que j’arrive petit à petit à maturité, pour pouvoir être plus régulier."
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Jacquelin : "J'ai vraiment fait attention le 1er août, la date emblématique..."

Fillon Maillet, exemple à suivre… à sa manière

La Coupe du monde 2022-2023 débute mardi 29 novembre, par un individuel à Kontiolahti. L’homme qui remet son titre en jeu est un Français : Quentin Fillon Maillet. Un coéquipier autant qu’un rival pour Emilien Jacquelin. Leur relation est bien différente de celle qu’il entretenait avec Martin Fourcade : "(Martin), je grandissais dans ses pas, alors que Quentin, même s’il est plus âgé que moi (30 ans, contre 27, ndlr), cela fait quelques années que l’on évolue ensemble…" La confrontation est plus directe. Cela n’empêche pas le cadet du duo de voir une "source d’inspiration" en "QFM".
Remporter le classement général, "il l’a fait à sa manière, il n’a pas essayé d’imiter Martin ou quelconque biathlète, estime Emilien Jacquelin, au sujet du couronnement de Fillon Maillet, troisième trois ans de suite avant son sacre. Quentin a fait du Quentin et c’est comme ça qu’on réussit le mieux : en restant soi-même. La saison qu’il a réalisée l’an passé c’est une manière aussi, pour moi, de me dire : 'sois toi-même'". Une réflexion qui lui suggère une question rhétorique, en guise de mot de la fin : "C’est quand je joue avec mes qualités que je suis le meilleur, alors pourquoi s’en priver ?!"
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Fillon Maillet, le roi a toujours faim : "Je n’ai pas moins d’exigence"

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