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Biathlon - Martin Fourcade - Sport de merde, sport sublime

Laurent Vergne

Mis à jour 15/02/2018 à 19:29 GMT+1

JO PYEONGCHANG 2018 – Martin Fourcade a vécu un moment bien cruel jeudi sur l'individuel en laissant filer sur ses deux dernières balles un titre olympique presque acquis. Un dénouement bien cruel, mais qui magnifie aussi ce sport toujours capable de générer des émotions si particulières. Ce que le Français, même tout à sa colère, n'a pas manqué de relever.

Martin Fourcade.

Crédit: Getty Images

Martin Fourcade est passé à côté de quelque chose de grand jeudi à Pyeongchang. Pas besoin de lui dire, il le sait mieux que personne. Quelques minutes après son énorme désillusion, ces deux fautes sur ses deux dernières balles qui l'ont privé d'un quatrième titre olympique et accessoirement d'un podium sur l'individuel, il a pourtant trouvé la force de tout résumer en quelques mots.
Dans un tweet posté alors qu'il n'en avait même pas encore fini avec ses obligations médiatiques, comme pour vider ce qu'il avait sur la patate, il a tout dit de ce sport pas tout à fait comme les autres :
En coinçant sur ses 19e et 20e balles alors qu'il avait été parfait jusqu'alors, Fourcade s'est pris en pleine tête la sublime cruauté du biathlon. Non qu'il l'ignorât, mais disons que ces dernières années, il a plus été habitué à en goûter les bons côtés que cet aspect-là. Le boomerang a rarement été pour lui. Alors, forcément, quand il revient, le coup est d'autant plus douloureux. Surtout quand c'est pour arracher une médaille d'or déjà en train de passer autour de son cou.
Le biathlon n'est pas un sport de merde. C'est un sport sublime et les malheurs de Martin Fourcade en ont donné une belle illustration jeudi. Mais ne jouons pas sur les mots. C'est exactement ce que le Catalan a voulu exprimer. Oui, c'était cruel. Mais ce qui est cruel peut aussi être beau.
La dramaturgie offerte par le biathlon dans un moment comme celui-ci a quelque chose de très spécial. Personne, ni vous ni moi, n'était dans la tête de Martin Fourcade au moment de lâcher ces deux dernières balles. Personne ne peut donc avoir la prétention d'affirmer avec certitude la raison du pourquoi du comment. Ce qui est certain, c'est qu'il a mal négocié ce moment, surtout après sa première faute, où, selon l'entraîneur du titre Franck Badiou, il a peut-être eu le tort d'enchaîner un peu vite.

Il a créé un monstre

Mais le biathlon vous ramène constamment à ce que vous êtes : un être au fond très humain, avec par moments une tête qui travaille un peu plus et le palpitant qui tape un peu plus fort. Ce qui est sidérant, ce n'est pas que ce soit arrivé à Fourcade, mais bien que cela lui arrive si rarement. "J'ai créé un monstre", avait dit Roger Federer après sa défaite en demi-finale de l'Open d'Australie 2008 face à Novak Djokovic. Pour la première fois depuis deux ans et demi, il n'était pas en finale d'un Grand Chelem. Alors, tout le monde n'en revenait pas de le voir s'arrêter si "tôt".
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Jour de déception pour Martin Fourcade.

Crédit: Getty Images

Il y a quelque chose d'approchant avec le biathlète français, qui a engendré son propre monstre. Comment un type qui vient de claquer 18 podiums consécutifs pendant 11 mois peut-il rater la boite deux fois en trois courses à Pyeongchang ? C'est oublier que l'anomalie tenait dans la première statistique, pas dans la seconde.
Alors, oui, on aurait préféré que Fourcade blanchisse ses deux dernières cibles, qu'il quitte le pas de tir sans secouer la tête et s'offre une quatrième médaille d'or synonyme de pas supplémentaire dans la légende du sport français. On peut aussi prendre un peu de recul et de hauteur, comme Fourcade a su le faire à travers sa réaction qui en dit assez long sur son amour pour sa discipline, et considérer que c'était là un sacré moment de sport.
On peut aussi se dire que le fait de voir Johannes Boe sacré champion olympique est bien légitime et que la réaction du jeune Norvégien après ses deux ratés colossaux du sprint (31e) et de la poursuite (21e) témoigne d'une certaine grandeur. Il a dû passer quelques journées difficiles depuis dimanche, il a encore connu quelques soucis au tir jeudi mais cette médaille d'or est une juste récompense pour sa saison.
Malgré leurs frustrations respectives ici à Pyeongchang, Fourcade et lui ont déjà chacun un titre. La preuve que, s'il peut être chien, ce sport de merde sait aussi se montrer généreux avec ses plus grands serviteurs. Alors, quand il leur reprend un peu, comme pour rappeler qu'il est encore plus grand qu'eux, il faut savoir se montrer beau joueur. D'un tweet, c'est ce qu'a fait Fourcade. C'est aussi pour ça qu'on l'aime.
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Martin Fourcade

Crédit: Getty Images

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