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Liège-Bastogne-Liège : Vincenzo Nibali, le requin au flair hors pair

Benoît Vittek

Mis à jour 22/04/2018 à 12:10 GMT+2

LIEGE-BASTOGNE-LIEGE - Membre du club élite des vainqueurs des trois Grands Tours, Vincenzo Nibali (Bahrain-Merida) s’offre une nouvelle étoffe en rencontrant le succès sur les classiques ces toutes dernières années. Sur la Doyenne dimanche, ou aux Mondiaux en fin de saison, "lo Squalo" de 33 ans vient encore montrer qu’il est un coursier unique.

Vincenzo Nibali

Crédit: Getty Images

Vincenzo Nibali n’abordait pas la Flèche Wallonne dans les meilleures conditions. Il y avait une incertitude sur son état de forme, après son abandon au Tour du Pays basque (raison officielle et prosaïque : "des lésions cutanées qui l’empêchent de s’asseoir correctement sur la selle") et sa reprise sans relief sur l’Amstel Gold Race ; la course de côte du Mur de Huy ne correspondait pas vraiment à ses qualités… Et pourtant, lo Squalo a encore été un acteur essentiel de la course, au point que Julian Alaphilippe pensait que l’Italien, déjà vainqueur en Lombardie devant lui à l’automne, lui avait encore soufflé la victoire après une offensive audacieuse sur plus de 40 kilomètres !
Gagner la Flèche en partant de loin, cela semble presque inimaginable aujourd’hui. Mais on pensait la même chose d’un numéro de soliste initié dans le Poggio, jusqu’à ce que Nibali nous fasse brillamment le coup il y a un mois, sur la course "la plus éloignée de (ses) caractéristiques" (!), selon l’Italien. "Il flaire toujours les bons coups", se réjouit son directeur sportif Rik Verbrugghe.
C’est peut-être la meilleure définition du style Nibali : une capacité époustouflante (et extrêmement séduisante) à provoquer des schémas de course inattendus mais favorables à ses desseins. On s’attend encore à ce que ce soit le cas dimanche, sur Liège-Bastogne-Liège, son vrai grand objectif d’un début de saison déjà triomphal.

"Nibali!!!!!!!!"

En cas de victoire dans les rues d’Ans, il faudra trouver de nouveaux superlatifs pour louer le campionissimo. Nos compagnons d’Eurosport.it en ont déjà fait "le plus grand cadeau de l’Italie", replaçant son succès sur la Primavera dans le contexte d’une société secouée par de violents débats économiques et identitaires. Le début du compte-rendu de la Gazzetta dello Sport traduit plus directement l’impact des performances du Sicilien au pays des tifosi : Nibali!!!!!!!!”
Huit points d’exclamation, et pas un de moins, le numéro historique du Squalo méritait bien ça. Cet enthousiasme existait sûrement dans l’intonation de beaucoup, pendant que nous observions son offensive sur le Poggio, guettions les réactions rivales et saluions le champion. Il existait aussi lorsqu’on a vu Nibali attaquer dans le final de son premier Tour des Flandres (un coup qui a propulsé Terpstra vers la victoire, le néophyte avait encore frappé au bon moment) ou quelques-unes de ses prestations les plus emblématiques sur le Tour, coursier d’une finesse rare à Sheffield, virevoltant sur les pavés menant à Arenberg ou renversant vers la Toussuire.
Au sud des Alpes, on reconnaît évidemment en Nibali un fuoriclasse qui permet toujours à son pays d’exister dans le grand concert du cyclisme mondial même s’il ne peut masquer seul la crise financière et sportive du cyclisme italien. Il ne court plus pour un sponsor transalpin depuis la fin 2012 et son départ de Liquigas, direction Astana ; ça lui a été reproché, à l’heure où les équipes transalpines disparaissaient de la première division du cyclisme mondial. Mais à lui seul, il représente :
  • le seul succès italien sur le Tour au XXIe siècle (le précédent remonte à Marco Pantani, en 1998) ;
  • quatre des six derniers succès italiens sur les Grands Tours (il faut ajouter le Giro 2011 réattribué à Michele Scarponi et la Vuelta 2015 de Fabio Aru) ;
  • la reconquête de la Primavera et du Lombardia après 12 et 7 ans de disette (cela peut nous sembler court quand on voit Arnaud Démare ou Julian Alaphilippe succéder à Laurent Jalabert dans les palmarès, mais c’est une éternité pour les Italiens).

Pas forcément le plus fort, certainement le plus fin

Avant ce printemps, Vincenzo Nibali était donc déjà un champion d’exception, l’un des six coureurs à avoir triomphé sur les trois Grands Tours (2 Giri, 1 Tour, 1 Vuelta). Aujourd’hui, et peut-être plus encore dimanche, il est une légende absolue, prétendant évident à une place au panthéon du cyclisme italien et même mondial avec ses victoires dans les deux Monuments organisés dans sa Botte. Les palmarès mettent seulement une poignée de coureurs devant lui (Merckx et ses 19 Monuments, Hinault ou encore Gimondi).
Dimanche, sur une Doyenne qui l’avait vu passer si près du but en 2012, il peut se rapprocher d’eux, avant de s’attaquer à nouveau au Tour de France (il est, avec Chris Froome, le seul vainqueur de l’épreuve encore en activité) et surtout aux Mondiaux d’Innsbruck, dont il a déjà reconnu en mars les terribles ascensions. Verdict : "Ce sera une course difficile à appréhender, de la gestion des efforts à l’alimentation en passant par les choix techniques et la sélection des coureurs dans une équipes."
Lo Squalo semble décrire là le prototype de la course qui lui correspond : exigeante, pour ne laisser que les meilleurs à l’avant, mais suffisamment ouverte pour lui permettre de bousculer tactiquement ses rivaux et éventuellement renverser plus fort que lui. Lui n’est pas un Sagan, un talent supérieur souvent frustré. Avant une course, j’attribue rarement les meilleures jambes à Nibali. Dimanche encore, je mets Alejandro Valverde et Julian Alaphilippe devant lui. Heureusement, le cyclisme est de ces sports où il ne suffit pas d’être plus fort pour l’emporter. Et à ce jeu, il n’est pas dit que le peloton ait connu plus fin coursier que Nibali ces dernières années.
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