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Marc Madiot : "J'avais envie que la Groupama-FDJ ressemble à Nantes, à Auxerre, à l'Ajax Amsterdam"

Christophe Gaudot

Mis à jour 12/12/2022 à 11:23 GMT+1

SAISON 2023 - Marc Madiot entame sa 27e saison à la tête de la Groupama-FDJ. Une année charnière puisqu'elle marque le début d'une nouvelle ère, celle des jeunes notamment. Pour améliorer son effectif, le manager n'est pas allé chercher les talents ailleurs mais a fait confiance à sept jeunes de l'équipe de formation. Et ça le rend plus heureux que jamais.

Marc Madiot, le patron de l'équipe Groupama-FDJ

Crédit: Getty Images

Marc Madiot, vous avez, pour seul recrutement, fait monter sept jeunes de votre équipe de formation vers la World Tour. Etes-vous heureux de votre effectif 2023 ?
Marc Madiot : Oui je suis très content. Est-il très fort ? C'est le temps qui nous le dira, les résultats qui le valideront mais je pense qu'on a un effectif qui correspond parfaitement à ce qu'est l'équipe. Je pense que progressivement on arrive à l'équipe telle que je la rêvais depuis 20 ans. Je n'ai pas peur de le dire parce que le fait de s'appuyer comme on le fait, et comme on va le faire, sur la Conti (l'équipe de formation, NDLR), en tant que patron d'équipe, c'est le rêve par rapport à ma vision et à ma construction sportive.
Se retrouver avec cet effectif composé de talent et d'expérience, y amener des jeunes, c'est le rêve absolu. Là on a tous les éléments pour aller vers le haut parce qu'on a des gens de qualité. Les Gaudu, Démare, Madouas, Pinot... Et en même temps on sent qu'on a une vague de jeunes qui arrive qui est dans la même lignée. On est allé au bout d'une idée. Pour rien au monde, je ne changerais l'effectif de 2023. Pour rien au monde. Je n'envie personne. On est bien dans nos baskets, dans notre trip. C'est le pied.
Quels sont vos modèles ?
M.M. : J'aime bien regarder le football. Toutes proportions gardées, j'avais envie qu'à un moment on s'inscrive dans ce qu'a fait le FC Nantes à la grande époque, l'AJ Auxerre, l'Ajax Amsterdam, avec une identité, un style. En fait on s'aperçoit que ce sont des équipes qui ont su s'inscrire dans le temps, qui ont marqué des époques. Dans le vélo c'est un peu la même chose avec Renault. Quarante ans plus tard, on s'en souvient. Même le maillot était particulier, j'ai envie qu'on s'inscrive dans cette lignée là.
En 2023, les émotions pourraient être encore plus fortes avec cette décision de ne recruter que des jeunes issues de l'équipe de formation…
M.M. : Oui ! Je suis excité, ambitieux, motivé. Je pense qu'on a tout ce qu'il faut pour faire de belles choses. Je n'ai pas d'appréhension par rapport à la transmission. Il faut qu'une dynamique s'installe, c'est toute l'histoire. Si on entre dedans , ensuite ça va tout seul. La création de l'équipe Continental est une réussite absolue, on doit être à un peu plus du tiers (13/28 en fait, NDLR) de coureurs issus de celle-ci dans l'équipe World Tour donc ça veut dire qu'elle remplit son rôle au-delà de nos espérances.
On doit en permanence avoir les yeux ouverts parce qu'il faut éviter de se tromper. On n'a pas le droit de se tromper trop souvent dans le sport professionnel. Surtout avec un budget moins important que d'autres. C'est vital pour nous de compter dans la course, comme sur le Tour de France. On est capable de jouer avec les meilleurs, pas tout le temps, pas avec la même surabondance d'effectif mais on est capable d'être opérationnel.
Comment lutter avec les extra-terrestres Pogacar, Evenepoel et demain Ayuso peut-être ?
M.M. : (il souffle) Pff… Le boulot. Il faut travailler et croire en ce qu'on fait. Rien n'est impossible dans le sport Certains partent avec un peu plus d'atouts dans leur jeu mais quand on en a moins, il faut utiliser ses cartes le mieux possible. On n'est pas dans les favoris du Tour mais la vie réserve parfois des surprises. On ne s'interdit rien.
Chanter Michel Delpech au départ d'une étape du Tour de France, c'est le témoin d'un état d'esprit…
L'an dernier sur le Tour de France, le collectif Groupama-FDJ a impressionné. Pourriez-vous y toucher pour intégrer Arnaud Démare par exemple ?
M.M. : Potentiellement. Pour l'instant, on est dans la construction d'un groupe et dans l'appréhension du fonctionnement d'un groupe. Ce qui m'intéresse aujourd'hui c'est plus la cohésion de l'équipe. On réfléchit plus en équipe qu'en individu pour le moment. J'ai envie qu'on reproduise en 2023 ce qu'on a été capables de faire aussi bien sur les classiques, que sur le Giro ou sur le Tour. Une identité forte et un groupe très collectif, très impliqué. Vous verrez sur Netflix dans quelques mois, vous ressentirez ce que vous avez déjà pu entrapercevoir sur le dernier Tour. Quand vous verrez les images "inside", vous verrez ce qu'est qu'une vraie force collective et une vraie implication de tous dans un projet. Ça c'est quelque chose qui vaut de l'or et qu'il faut qu'on conserve.
Avez-vous un exemple ?
M.M. : Ça fait 25 ans que j'ai une équipe, 40 ans que je suis dans ce truc-là, c'est la première fois que je vois un groupe de coureurs chanter à l'issue des briefings. Quand celui-ci était terminé, ils chantaient "Pour un flirt avec toi" de Michel Delpech et une chanson des Cowboys Fringants. Chanter Michel Delpech au départ d'une étape du Tour de France, c'est le témoin d'un état d'esprit… Les mecs chantaient avant d'aller au départ. Quand tu arrives à cette situation-là de plein gré… Moi j'ai été surpris, un jour je suis monté dans le bus, je me suis demandé ce qu'il se passait. On se dit qu'il ne peut rien nous arriver…
Globalement vous êtes satisfaits de ce que vous avez fait avec cette équipe depuis sa création ?
M.M. : J'attaque ma 27e saison, je n'ai pas trop à me plaindre… J'ai la chance d'être avec des partenaires exceptionnels. Parce qu'on a su construire une relation forte. On a vraiment un beau truc, une histoire, une âme. Pour moi ce n'est pas un hasard si on a réussi à faire ce nouveau maillot en osmose avec les partenaires, l'équipe et tous les coureurs. Et ce n'est pas un hasard si, modestement, on l'a si bien réussi. Si vous manquez de cohésion, vous n'allez pas réussir. Dans ce maillot, il y a tout ce que nous sommes. Il n'y a rien au hasard. Il y avait un besoin et une attente de nos coureurs pour un changement de maillot et de couleurs. Ils avaient besoin de s'identifier d'autant plus à leurs maillots. Les étoiles sont bien alignées puisqu'il y avait la volonté de partir sur une autre dynamique, quoi de mieux qu'un nouveau maillot ? Tout s'imbrique bien.
Est-ce que la disparition de l'équipe B&B Hôtels vous inquiète pour votre structure ?
M.M. : Ce n'est pas nouveau malheureusement. Ça fait partie de l'histoire du cyclisme. La précarité, on la connaît dans ce milieu. Ce n'est pas la première fois qu'une équipe s'arrête après quelques saisons seulement. Ça fait partie des schémas qu'on rencontre. Les sponsors, quels qu'ils soient, ne sont pas obligés d'avoir une équipe cycliste. Il faut toujours l'avoir présent à l'esprit. Groupama, FDJ, Cofidis, Ag2r… ils ne sont pas obligés. Ce n'est pas leur métier. Je ne suis pas inquiet mais c'est quelque chose que j'ai toujours en tête.Ça doit faire partie de mes réflexes.
Vous avez évoqué une "bonne" saison, le sponsor d'une "grande" saison, c'est ce que vous avez raconté. Avez-vous à l'esprit de faire mieux ?
M.M. : Pour 2023, je suis dans la projection de l'accomplissement de cette construction de l'équipe dont je vous ai parlé. Comment ça va se traduire ? Est-ce que ça va se traduire par 25 victoires ? Ou plutôt 15 mais avec deux classiques ? Je n'en sais rien. On fera les comptes à la fin de la saison. Je ne suis pas capable de vous dire aujourd'hui ce que serait une saison réussie, vraiment j'en suis incapable. Ça peut être aussi ce qu'on va dégager. La satisfaction peut être à plusieurs niveaux. J'ai envie que ça fonctionne et si ça fonctionne, on gagnera.
David Gaudu et Valentin Madouas ont évoqué une saison "déclic" pour 2022…
M.M : La différence avec les autres saisons, c'est qu'on est en forte capacité d'affirmer nos ambitions. Là où parfois, on était un peu dans l'incantation à se dire "on veut ça mais on sait qu'on a les pieds fragiles". Là, on est dans une autre logique. On a quand même des ingrédients plus qu'intéressants. On a un "fond de jeu" comme on dit en football.
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Gaudu : "De ces dernières années, c'est le Tour de France qui me convient le mieux"

Pourquoi Thibaut Pinot revient-il au Giro cette saison alors qu'à l'évidence il le désirait aussi les années précédentes ?
M.M. : Tout simplement, il est sorti de sa période délicate. Il a renoué avec lui-même sur la saison 2022. Je sais qu'en lui permettant de retourner au Giro, je lui laisse la bride sur le cou et je le sens épanoui, détendu, relax. D'habitude quand Thibaut Pinot fait une conférence de presse, on le sent embarrassé, stressé, sur la réserve. Quand je l'ai vu arriver hier, j'ai su, même sans lui avoir parlé, qu'on va avoir du très grand Pinot. J'en suis sûr.
Vous avez eu une pensée pour Davide Rebellin au moment de présenter votre équipe 2023. Quel souvenir gardez-vous de ce coureur qui a évolué à la FDJ (en 1997) et qui est décédé tragiquement il y a peu ?
M.M. : Je ne l'ai eu qu'une année mais c'était une bonne personne, très gentil, discret, très poli. Je pense que de son premier à son dernier souffle, il aura aimé le vélo.
Chez Groupama, la sécurité est mise en avant, notamment par l'utilisation de maillots fluos à l'entraînement…
M.M. : Vu le contexte dans lequel nous vivons avec ces accidents à répétition à vélo, il est important d'essayer de mettre nos coureurs dans les meilleures conditions possibles. Les vêtements fluos, notamment l'hiver, c'est quelque chose d'important. Mais ça ne dépend pas que de nous. Il y a des cyclistes turbulents mais les véhicules, voitures ou camions, ont quand même un rôle déterminant à jouer là-dedans.
Il y aussi eu des accidents graves en course l'an dernier, notamment celui de Julian Alaphilippe, est-ce que ce sujet prend de la place dans les discussions entre managers ?
M.M. : On en parle avec l'UCI mais ce n'est pas facile parce qu'on est sur la voie publique et qu'elle est de moins en moins adaptée à la pratique du vélo. On met en permanence des artifices sur la voie publique pour réduire la vitesse. Les équipes cyclistes ont des vélos de plus en plus performants et des coureurs de mieux en mieux entraînés pour aller de plus en plus vite. Il y a un truc qui ne passe plus. Peut-être que demain il faudra mettre des vélos plus lourds, moins aéros… Je ne sais pas si c'est possible mais en sport auto quand les voitures ne sont plus adaptés aux circuits, on les ralentit. On trouve des moyens. Le vélo, à un moment ou à un autre, devra s'inspirer de ce qu'il se fait ailleurs parce que le risque est de plus en plus important.
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