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Mode du vélo, mode du cyclisme ? Pas sûr...

Béatrice Houchard

Mis à jour 16/07/2020 à 18:24 GMT+2

Circuler en ville à bicyclette est de plus en plus tendance, surtout depuis le Covid-19. Mais les mangeurs de pistes cyclables deviendront-ils pour autant des mordus de cyclisme ? C'est malheureusement tout sauf évident.

France du vélo, France du cyclisme

Crédit: Eurosport

La mode de la bicyclette profite-t-elle au sport cycliste ? Autrement dit, les citadins qui ont redécouvert les joies du pédalage dans les pistes cyclables de Paris, de Lyon et d’ailleurs sont-ils susceptibles de se presser sur les routes pour applaudir le Tour de France et se demander qui, de Thibaut Pinot, Romain Bardet ou Julian Alaphilippe, est susceptible de succéder enfin au palmarès à Bernard Hinault, dernier vainqueur français en 1985 ?
Rien n'est moins sûr. Pour le citadin (on évitera la caricature du "bobo"), le vélo, Velib à Paris, Velov à Lyon, est un moyen de transport. Un point, c’est tout. Pratique, pas trop lourd (quoique…), facilement disponible (quand ça marche…), l'engin permet de se déplacer d’un point A à un point B. Aller au travail, au cinéma, retrouver des amis pour dîner. Il offre le bonheur d’échapper aux embouteillages si l’on était automobiliste, aux heures de pointe transpirantes et bondées si l’on utilisait les transports en commun. C’est la rapidité et la liberté. "Peut-être la bicyclette, dans ce monde de machines, se demandait Jean d’Ormesson dans Au plaisir de Dieu, était-elle à nos yeux une héritière du cheval ?"
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Un Velib à Paris

Crédit: Getty Images

Existe-t-il d’ailleurs une différence entre la BICYCLETTE, qui servirait à se déplacer, et le VELO, objet sportif, de plaisir et aussi de masochisme revendiqué ? Deux universitaires, Céline Vaguer et Danielle Leeman, se sont posé la question dans une étude très savante intitulée "L’identité lexicale au prisme des pratiques discursives : vélo v/s bicyclette". Mais elles ne concluent pas de manière définitive, opposant "La bicyclette c’est agréable" à "Le vélo ça tue".
Opposition qui résume, écrivent-elles, "le fait que faire du vélo réclame effort et endurance, et ne relève pas spécialement d’une partie de plaisir contrairement à la bicyclette". Elles notent aussi qu’il existe une Fédération française de cyclisme et, depuis 1980, mais une Fédération française des usagers de la bicyclette. "La bicyclette, écrivent-elles, tend à se spécialiser dans la promenade, l’agrément et le vélo plutôt dans la pratique sportive, l’efficacité et la vitesse (comme le montre le fait que c’est sur vélo que s’est formé vélodrome – on aurait pu imaginer bicyclodrome".

Le Tour est-il écolo-compatible ?

Le vélo est plus que jamais à la mode. Revisité par le coronavirus, il serait même devenu "le premier geste barrière", et il ne s’agit pas de la barrière d’un passage à niveau escaladé à la hâte par un peloton du mois de juillet. "Nous sommes en train de devenir une nation du vélo", a même pu déclarer la ministre Elisabeth Borne, alors en charge de l’Ecologie. Pourtant, la France est très en retard : en Europe, les Pays-Bas sont largement en tête pour l’usage de la bicyclette devant Belgique, le Danemark, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse, l’Irlande, la France, l’Espagne et l’Italie. On compte aux Pays-Bas 170 km de pistes cyclables pour 100 km2 de superficie, pour seulement 11 en France. Aux Pays-Bas, 24,1 vélos à assistance électrique sont vendus pour 1 000 habitants, contre seulement 5,1 en France. A Copenhague, qui verra en 2021 le grand départ du Tour, un habitant sur deux se déplace à vélo. Ou à bicyclette, comme vous préférez.
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La présentation du Grand Départ du Tour de France 2021 à Copenhague

Crédit: Getty Images

A la faveur des élections municipales, on a vu des maires écolos (Eric Piolle à Grenoble) ou socialistes (Nicolas Mayer-Rossignol à Rouen) arriver sur deux roues à la première réunion du Conseil municipal. Mais pour beaucoup d’écolos, le Tour de France sent trop l’essence, le populo et le papier gras. Si Eric Piolle semble réconcilié avec les organisateurs, on a entendu en 2019 de bons esprits s’en prendre à Anne Hidalgo, la maire de Paris pourtant très vélo-compatible, parce qu’elle avait pris l’avion pour venir suivre, invitée par ASO, une étape de montagne.
Bientôt, on demandera aux suiveurs du Tour de France de calculer leur empreinte carbone. On balaiera soigneusement les bords de route (ce qui est bien), on demandera aux coureurs de ne pas jeter leurs bidons n’importe où et finira par supprimer, sous prétexte qu’il fait grossir, le saucisson de la caravane publicitaire. Le Tour lui-même se met au goût du jour, fait gagner des vélos pendant l’été, incite les jeunes à s’y mettre et adopte le langage du moment en parlant des "enjeux de la mobilité".
Pourtant, tous les cyclistes ne parlent pas la même langue, et ne développent pas le même amour pour leur machine. "C’est le contraire du vélo, la bicyclette", a tranché l’écrivain Philippe Delerm. Quant à Michel Audiard, il confiait : "Je fais du vélo parce que j’aime le vélo. Me grise le cliquetis du dérailleur, m’enchante le frottement soyeux du boyau sur l’asphalte !" Et ça, c’est quand même difficile de le ressentir sur une "coronapiste" de la rue de Rivoli.
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